5. Pour Nous

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Cry - CAS

Point de vue Gabriel...

Une semaine s'est écoulée depuis les menaces.

Je suis assis dans le fauteuil en face du Dr Dupont. La pièce est calme, une lumière douce filtrant par les rideaux à demi fermés. L'odeur apaisante de lavande emplit l'air, mais rien de tout cela ne parvient à calmer la tempête qui gronde en moi. Dr Dupont ajuste ses lunettes et me regarde attentivement.

- Alors, Gabriel, commence-t-il, parlons un peu de ton anxiété. Comment te sens-tu ces derniers temps ?

Je soupire, cherchant mes mots.

- Ça va et ça vient, docteur. Il y a des jours où je me sens presque normal, et d'autres où tout semble s'écrouler autour de moi.

Il hoche la tête, prenant des notes.

- Et le deuil, comment le gères-tu ?

Je sens une boule se former dans ma gorge.

- C'est difficile. La perte de Jordan me hante chaque jour. Je revis constamment nos derniers moments ensemble, et je ne peux m'empêcher de me demander si j'aurais pu faire quelque chose pour le sauver.

Dr Dupont me regarde avec une compassion tranquille.

- Gabriel, tu n'as jamais vraiment eu l'occasion de dire adieu à Jordan, n'est-ce pas ? Ne pas avoir assisté à l'enterrement a dû compliquer ton processus de deuil.

Je baisse les yeux, jouant nerveusement avec mes mains.

- Oui, c'est vrai. Mais c'était la volonté de Jordan. Il ne voulait pas de grand enterrement. Il avait toujours dit qu'il préférait une cérémonie simple, discrète. Je pensais respecter ses souhaits, mais maintenant je me demande si c'était la bonne décision.

Le psychologue pose son stylo et se penche légèrement en avant.

- Parle-moi de ça. Pourquoi crois-tu que Jordan voulait une cérémonie discrète ?

Je prends une profonde inspiration.

- C'est comme s'il avait prévu sa mort, docteur. Dans les mois précédant sa disparition, il avait cette étrange attitude, comme s'il faisait ses adieux sans vraiment le dire. Il a réglé toutes ses affaires, mis de l'ordre dans ses papiers... comme s'il savait que son temps était compté.

Dr Dupont hoche la tête, ses yeux scrutateurs ne me quittant pas des yeux.

- Tu sais, Gabriel, lorsque quelqu'un est dans un état de détresse émotionnelle, comme Jordan l'était, il est possible qu'il commence à préparer inconsciemment son départ. C'est une façon de trouver une certaine paix intérieure, même si cela peut sembler troublant pour ceux qui restent.

Je serre les poings, sentant la frustration monter.

- Je sais. Mais cette idée qu'il pouvait prévoir sa mort... ça me rend fou. Comment aurais-je pu ne pas voir les signes ?

Le docteur prend une pause, réfléchissant à ses prochains mots.

- C'est toujours plus facile de voir les signes après coup. La culpabilité fait partie intégrante du processus de deuil, mais il est crucial de ne pas te laisser dévorer par elle. Parfois, nous nous blâmons pour des choses sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle.

Je hoche la tête, mais une partie de moi reste sceptique.

- C'est juste que... depuis son départ, tout semble s'effondrer. J'ai cette sensation constante d'être suivi, comme si quelqu'un me guettait, et ces cauchemars... Je ne sais plus quoi faire.

Dr Dupont se penche légèrement en avant.

- Peux-tu me parler de ces cauchemars, Gabriel ? Qu'est-ce que tu vois exactement ?

Je ferme les yeux un instant, rassemblant mes pensées.

- C'est toujours le même rêve depuis notre dernière séance. Jordan est là, allongé, inerte. Puis, soudain, il se réveille et m'accuse de sa mort. Il dit que c'est de ma faute s'il est parti. Je me réveille en sursaut, trempé de sueur, mon cœur battant à tout rompre.

Le docteur acquiesce, notant chaque détail.

- Ces rêves sont une manifestation de ta culpabilité et de ton anxiété. Ils sont ton esprit essayant de traiter une douleur immense. As-tu essayé des techniques de relaxation avant de dormir ?

Je hausse les épaules.

- J'ai essayé la méditation, les exercices de respiration, mais rien ne semble vraiment fonctionner.

Le Dr Dupont prend un moment, puis me regarde sérieusement.

- Gabriel, je pense qu'il serait bénéfique d'ajuster ton traitement. Augmenter légèrement la dose pourrait t'aider à stabiliser ton anxiété et à réduire l'intensité de ces cauchemars. Qu'en penses-tu ?

Je soupire, épuisé par cette lutte constante.

- D'accord. Je suis prêt à essayer n'importe quoi pour que ça s'arrête.

Il griffonne une nouvelle prescription, puis me tend le papier.

- Nous ajusterons la dose progressivement. En attendant, continue de venir me voir régulièrement. Et n'hésite pas à me contacter si tu te sens dépassé.

Je prends la prescription, essayant de ne pas montrer mon désespoir.

- Merci, docteur.

Dr Dupont me sourit avec bienveillance.

- N'oublie pas, Gabriel, tu n'es pas seul dans cette épreuve. Parfois, parler de ce qui te pèse peut faire une grande différence.

Je hoche la tête, me levant pour partir.

- Je sais. Merci encore.

Alors que je sors du cabinet, une sensation familière me revient, comme une ombre qui se tapit juste hors de ma vue. La sensation d'être suivi, observé. Je jette un coup d'œil rapide derrière moi, mais le couloir est vide.

Je prends une profonde inspiration, tentant de chasser cette paranoïa persistante.

Peut-être que Dr Dupont a raison. Peut-être que tout ceci n'est que le produit de mon esprit tourmenté. Mais une partie de moi reste sur ses gardes, incapable de se débarrasser de cette sensation oppressante.

Je retourne à mon bureau, décidé à suivre le conseil du Dr Dupont et à continuer de chercher la vérité. Je range la nouvelle prescription dans le tiroir, juste à côté de la photo de Jordan. Malgré la douleur et l'incertitude, je sais que je dois persévérer.

Pour lui.

Pour nous.

POLITIQUEMENT INJUSTE T.2 (ATTAL X BARDELLA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant