Les yeux fixés sur mon ordinateur, je réponds à mes mails à la chaîne comme une automate. La réunion pour faire le point sur la semaine écoulée et sur ce qui nous attend pour Lundi vient à peine de se terminer et mes collègues commencent à partir. Tout le monde me félicite pour le travail fourni, pourtant j'ai le sentiment que ce n'est jamais assez. J'ai besoin de m'activer, de ne pas laisser à mes pensées la place de s'étendre.Je rafraichie la page en boucle dans l'attente de nouveaux mails, mais je suis bien forcée d'accepter que je n'aurais plus rien aujourd'hui. J'ouvre donc mon compte consacré à mon travail en indépendant, j'y trouve des messages de mon père me donnant une nouvelle mission.
Parfait !Si il y a bien une chose pour laquelle mon père est doué, c'est son travail. Il est aussi doué pour en trouver et j'aurais toujours de quoi m'amuser si je lui demande.
Mon stylet glisse à toute allure sur ma tablette graphique alors que je commence à organiser une nouvelle charte graphique pour une agence de boissons énergisantes.
La photo est ma passion depuis toujours, elle me permet d'immortaliser des images que mon cerveau risquerait d'oublier. La photographie rivalise avec la mémoire humaine.
Pourtant j'aime me diversifier dans les missions que mon père me demande, allant de graphiste à monteuse vidéo.
Mon écran devient subitement noir, me faisant sursauter tandis que je me mets à chercher le problème. Mes yeux glissent sur la multiprise où la pointe d'escarpin noir vernis écrase l'interrupteur. Mes yeux remontent lentement le long d'un pantalon de tailleur beige, bien que je sache déjà de qui il s'agit.- C'est bon, tu m'écoutes ?
- Astrid, tu as intérêt d'avoir une très, très bonne excuse pour m'avoir fait perdre au moins un quart d'heure de travail que je n'avais pas enregistré.
Ma voix n'est qu'un chuchotement appuyé alors que j'ai envie de lui hurler dessus cependant je ne souhaite pas me faire remarquer plus que ça. Pour la deuxième fois en une semaine, mes collègues me fixent tous, se demandant qui est cette jeune femme à côté de moi.
Il faut dire qu'Astrid aussi attire le regard, ses cheveux blonds, presque blancs polaire dévalant son dos, ses yeux émeraudes, son rouge à lèvre carmin. Avec elle, tout a l'air naturellement parfait. Je sais qu'elle ne laisse rien au hasard, mais l'illusion ne fonctionne que lorsque tout à l'air inné.
Je me lève alors, saisissant son poignet pour l'emmener à l'écart. J'en profite pour me servir un café car je sais que j'en aurais besoin pour survivre à la conversation qui va suivre. Si elle a pris la peine de se déplacer à mon bureau qui est à l'opposé de sa faculté, cela ne me dit rien qui vaille.
- À combien en es-tu ? lance-t-elle en dévisageant mon gobelet.
- Six, je réponds par automatisme, regrettant immédiatement.
- Avec toutes les bouteilles vides de boissons énergisantes sur ton bureau ! Mais tu vas faire un arrêt cardiaque bordel ! s'exclame-t-elle.
Elle est alors interrompue par un grondement sourd. Il me faut quelque secondes pour me rendre compte que ce bruit vient de mon ventre. Gênée, je regarde autour de moi, je suis rassurée de ne voir personne.
- Tu as encore oublié de manger. Je suis à deux doigts d'envoyer un message à ta grand-mère et tu sais qu'elle t'apportera tous les jours à manger s'il le faut.
- Arrête un peu As, j'ai juste oublié parce que je n'avais pas la tête à ça, j'ai beaucoup de travail en ce moment.
- Tu te rends compte que tu rentres à minuit passé et que je te vois partir à cinq heures tous les jours ? Et même pendant ce laps de temps tu travailles. Tu en oublies de manger, de dormir, tu ne fais que ça de tes journées et ne prends même pas le temps de répondre à mes messages !

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Amnesia
RomanceCertaines personnes ne savent pas aimer, d'autres ont un amour défectueux. Zahra le sait, on lui a souvent répété. Mais tout ça lui parait loin, elle ne se sent pas concernée par ces discours tristes et anxiogènes. Pourtant, toutes ces nuits à se ré...