Mon corps tremble si fort que je crains que cela ne se voie. J'essaie de me concentrer sur ma respiration, tandis que mes pensées se mélangent. Je suis incapable de comprendre ce que mon patron m'indique, pourtant je fais de mon mieux. Je crains sa réaction si il remarque que je ne l'écoute pas et on ne peut pas dire qu'il me porte vraiment dans son cœur.
L'angoisse me colle à la peau depuis le début de la journée. Je n'arrive pas à m'en débarrasser. Dans un dernier espoir, je me mets à décrire mentalement ce qui se trouve dans la pièce. Un bureau en acajou, un tableau réalisé par un artiste qui m'est inconnu, une lampe,...Au fur et à mesure que ma liste s'allonge, ses mots me parviennent de nouveau :
- Mademoiselle Fleury, vous avez donc jusqu'à Lundi pour me faire parvenir ces photos.
Je me contente de hocher la tête, par peur des trémolos qui se feraient entendre dans ma voix si j'osais parler. Il n'est pas très grand ou très imposant mais il m'a toujours impressionnée. Ce dernier marque un silence, me dévisageant de haut en bas, ce qui ne fait qu'accentuer mon malaise.- Nous avons un rendez-vous client la semaine prochaine, lissez-vous les cheveux, je ne voudrais pas que l'on pense que mon équipe n'est pas professionnelle.
Le rouge me monte instantanément aux joues. J'aimerais lui dire que ce genre de commentaire déplacé n'a pas lieu d'être. Mais par expérience, je sais qu'il me dira que les bougnoules, nous sommes tous pareil, nous nous énervons pour un rien. Il insistera en disant que les femmes sont les pires. Je me sens piégée face à cet homme avec son racisme ordinaire, qui attend la moindre occasion pour me mettre à la porte. Ma peau qui n'est pourtant pas si mat, ne sera jamais assez blanche et mes cheveux ondulés ne seront jamais assez lisses pour lui. Je m'enferme donc dans mon silence, regrettant mon ancienne patronne et son départ à la retraite.
Lorsqu'enfin il me congédie, j'attrape mes affaires à la hâte et m'empresse de me diriger vers le métro. Je n'habite pas très loin : en trente minutes et un changement plus tard, je suis devant chez moi, épuisée. Je m'empresse ensuite de me déchausser avant de monter l'escalier qui sépare l'entrée de la pièce à vivre, puis je m'affale sur le sofa.
Allongée sur le ventre, la tête reposant sur le tissu les pieds encore à moitié dans le vide, je lâche un soupir d'aise. Intérieurement, je remercie le père de ma meilleure amie de nous avoir laissé ce canapé d'angle quand il a déménagé.
Le silence devenant rapidement assourdissant laissant ainsi trop de place à mes pensées, j'attrape mon portable et la musique résonne dans tout l'étage. Fatiguée de ma journée, je laisse mes paupières se fermer quelques instants, mais je les rouvre instantanément quand un poids arrive dans mon dos.- Astrid, je marmonne la tête à moitié dans les coussins.
Le rire sadique de ma colocataire qui vient de me lancer son sac dessus me parvient alors que je me retourne, laissant tomber l'objet au sol dans un bruit sourd. Son legging vert clair avec sa brassière assortie m'indique qu'elle revient de la salle de sport. Pourtant, son maquillage parfait à l'instar de sa longue queue de cheval blonde de laquelle aucun cheveux ne dépasse prête comme toujours à confusion.Je me redresse pour lui laisser de la place mais elle refuse, m'informant qu'elle va prendre une douche. Il n'est que vingt-et-une heure trente mais j'ai l'impression qu'il est déjà minuit passé.
Je finis par me lever pour aller préparer à manger en me disant que plus vite ce sera fait, plus vite je pourrai aller me coucher. Pendant que l'eau bout, je m'assois sur l'îlot central, admirant l'immense terrasse qui surplombe le jardin et sa vue dégagée sur Paris.La première fois que je suis venue ici j'avais à peine quatorze ans. Astrid m'avait invitée à venir visiter son nouveau lieu de vie avant que les travaux ne soient faits et j'ai immédiatement été émerveillée par la taille de la maison qui leur appartenait. Moi qui habitais dans un HLM, je suis immédiatement tombée amoureuse de l'endroit. Particulièrement de son immense ouverture qui baigne de lumière la pièce. L'immense baie vitrée s'élève sur deux étages et une mezzanine surplombe le tout. La pièce à vivre est dans des tons neutres avec son carrelage noir et ses murs blanc, mettant en valeur les oeuvres d'art qui sont maintenant présente.
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Amnesia
RomanceCertaines personnes ne savent pas aimer, d'autres ont un amour défectueux. Zahra le sait, on lui a souvent répété. Mais tout ça lui parait loin, elle ne se sent pas concernée par ces discours tristes et anxiogènes. Pourtant, toutes ces nuits à se ré...