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Une heure de transport plus tard, je retrouve ma meilleure amie chez nous. Après m'avoir grondée comme une enfant parce qu'elle était inquiète, elle finit par me prendre dans ses bras. Elle m'apprend ensuite que Nyx était outrée parce que j'avais refusé d'aller en boîte avec elle mais tout ça pour finir en soirée sans elle. Je sais très bien que Nyx s'en fiche au fond mais une question me taraude.

— Comment a-t-elle su ? je demande en fronçant les sourcils.

Astrid me montre alors son téléphone qui affiche des photos de moi en train de danser, postée par des connaissances de mon amie sur les réseaux sociaux. Puis elle me montre mon propre profil, privée heureusement, où l'on voit Nath se prendre en photo alors qu'il me tient les cheveux pendant que j'ai la tête au-dessus des toilettes.

Je le déteste !

Je comprends mieux pourquoi il a dit que c'était plutôt drôle ! Tel un éclair de génie, une idée me vient en tête et je m'empresse de prévenir Nyx que nous sortons ensemble ce soir pour m'excuser. Maintenant je ne peux plus reculer.

— Zahra, tu ne penses pas qu'il faudrait qu'on parle de ce qu'il s'est passé ?

Je me rends compte que les révélations de la veille me sont de nouveau sorties de la tête, ma bonne humeur s'efface en une seule seconde. Je remarque alors son visage tiraillé par l'inquiétude, qui vient ternir la magie provoquée par sa perfection habituelle. Son jogging en velours vert émeraude assorti au pull qui lui arrive au-dessus du nombril et son superbe chignon coiffé-décoiffé ne suffisent pas à chasser l'ombre dans ses yeux.

Je l'informe que je vais me changer, je me sens soudain sale dans mes vêtements de la veille. Je la rejoins sur le canapé où un café latté, mon préféré, m'attend à côté du sien.

— Pas de mensonges, je commence.

— Pas de mensonges, confirme-t-elle.

Je réalise que je n'ai pas tant de questions que ça, je sais au fond de moi que je connais déjà toutes les réponses. Face à mon silence, elle ajoute,

— Z, j'ai appelé le cent-dix-neuf je te jure ! Mais ils ne m'ont pas prise au sérieux.

Je le sais. La loi condamnant les violences éducatives ordinaires n'est passée qu'en deux-mille-dix-neuf, soit bien après ma naissance. Même aujourd'hui, certaines personnes partent du principe que la violence fait partie de l'éducation alors à l'époque je n'imagine pas ce qu'on a dû lui répondre.

J'apprends aussi qu'elle a essayé de m'emmener voir une assistante sociale mais que je refusais par peur de ne plus jamais revoir mes sœurs. À travers sa voix qui se brise à chaque fin de phrase et son regard dévasté, je comprends bien que mon amie a souffert de cette situation imposée par ma vie chaotique, pourtant elle n'est jamais partie.

S'ensuit une explication plus théorique de ce qu'il m'est arrivé empli de mots plus complexes les uns que les autres. Je parviens à comprendre que j'ai toujours fait des crises d'angoisse, que j'ai toujours eu des flashbacks, d'aussi loin qu'elle se souvienne du moins.
C'est ce qui a poussé ma grand-mère à m'emmener voir un psychologue malgré nos faibles moyens. Il lui a rapidement dit que je souffrais d'amnésie traumatique.

— Ta mémoire va sûrement te revenir par bribes, sous forme de cauchemars et de flashback. Ça ne va pas être facile mais maintenant que tu le sais, ça va finir par se stabiliser. Tu devrais quand même avoir un suivi psychologique.

Je hoche la tête sans me sentir réellement concernée. Je me concentre sur le goût sucré du café dans ma bouche. J'ai encore du mal à me rendre compte que tout cela est bien réel. Malgré la situation, ma décision est prise, je ne veux pas voir de psychologue. L'idée de raconter ma vie à un inconnu me met mal à l'aise, je n'en saisis pas l'utilité.

AmnesiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant