La couleuvre de Dorne

Chapitre 5 : Un plan sournois

Huit années avaient passées depuis l'échec cuisant de l'offre de mariage avec les fils de la princesse Rhaenyra Targaryen. Meria Sand était restée à Dorne toutes ces années, développant ses connaissances au combat et à l'usage des poisons, deux passions propres à Qoran Martell qu'il partageait avec plaisir avec sa demi-soeur. Pour autant et malgré ce qu'il avait déclaré à Rhaenyra, il n'avait plus jamais proposé d'unir Meria à qui que ce soit. Eria avait accouché d'une fille, Aliandra Martell qui allait hériter de la couronne de Dorne. Elle avait donné naissance à une seconde fille, Coryanne, et elle était enceinte à nouveau. Cela n'étonnait pas Meria. Son frère avait toujours eu le sang chaud et il aimait les femmes autant que le bon vin. 

A vrai dire, elle avait un peu l'impression qu'il s'était détourné d'elle depuis que la succession était assurée. Cependant, l'idée de pouvoir amener du sang Targaryen dans la lignée des Martell n'avait jamais vraiment quittée l'esprit de la jeune fille. Meria brûlait de faire ses preuves et de montrer qu'elle pouvait être plus qu'une pièce rapportée dans la famille princière. Les Targaryen étaient devenus l'une de ses obsessions et elle continuait à décortiquer avec attention tous les rapports d'espions qui lui parvenaient de Port-Réal et de Peyredragon. Une idée avait commencé par germer dans son esprit avant de s'y ancrer de plus en plus pour devenir le seul sujet auquel elle pensait en permanence.

- C'est un projet ridicule, déclara Qoran quand elle le lui en fit part.

Le Prince de Dorne était confortablement installé à l'ombre d'un palmier où il dégustait des dattes en surveillant sa princesse héritière s'amuser avec sa jeune sœur dans le jardin. Un serviteur agitait doucement un grand éventail au-dessus de sa tête pour le rafraichir. Meria secoua la tête et se rapprocha de son frère, les mains serrées l'une contre l'autre :

- Je t'en prie ! le supplia-t-elle d'un ton implorant. Laisse-moi partir pour Port-Réal ! le roi Viserys a plusieurs fils...

- Qui n'accepteront jamais de t'épouser, qu'ils connaissent ou non ton identité, souligna son frère d'un ton ferme.

- Mais ce n'est pas ça qui est important ! répliqua Meria en haussant le ton, emportée par son énervement. Qu'est-ce que nous voulons vraiment ?

- La paix ? tenta son frère, amusé.

- Non, ça c'est ce que nous avions fait croire à Rhaenyra, continua Meria en baissant d'un ton. Ce dont Dorne a besoin... ce sont des dragons !

- Et comment comptes-tu nous en procurer ? plaisanta Qoren. Tu vas aller à Port-Réal déguisée en servante, te mettre au service des Targaryen et voler une de leurs bêtes ? Ces créatures ne reconnaissent pour maître que ceux qui portent le sang du dragon !

- Je ne compte pas me rendre à Port-Réal pour dompter un dragon. Mais il y a assez de princes Targaryens là-bas, plongés dans la Cour royale et la foule de la cité... à la portée de tous les vices.

Elle lança un regard entendu à son frère et celui-ci plissa les yeux, l'air soupçonneux. Puis il les écarquilla en comprenant où elle voulait en venir. Il resta silencieux un instant, se recouchant sur son fauteuil le visage à l'ombre et il lissa sa moustache d'un geste contemplatif.

- Ça pourrait fonctionner, finit-il par déclarer. Mais je ne peux pas officiellement soutenir tout cela, tu le comprends n'est-ce pas ?

Meria hocha la tête en silence, ravie. Elle n'avait pas besoin de son soutien officiel, juste de son approbation et de son assentiment. Elle voulait qu'il comprenne sa détermination pour restaurer la grandeur du nom des Martell.

- Quand je reviendrai avec en mon sein un enfant Targaryen, dit-elle d'une voix calme, mais son impatience résonnait dans chaque mot, peux-tu me garantir qu'il sera reconnu ?

- Évidemment, acquiesça Qoran.

- Et qu'il portera le nom Martell ?

Le Prince de Dorne hésita et ses yeux noirs fixèrent ceux, si semblable, de sa demi-sœur. Pourtant, tous les deux savaient que ce n'était qu'à cette condition qu'on pourrait utiliser un enfant bâtard de la lignée Targaryen pour assurer la puissance de Dorne.

- Il portera le nom de Martell, assura finalement Qoran. Et lorsqu'il sera assez âgé, il domptera l'un des dragons sauvages qui rôdent dans les Sept-Couronnes. Nous deviendront alors enfin une puissance avec laquelle les Sept-Couronnes seront obligées de composer. Tu peux aller, ma sœur, tu as ma bénédiction (il jeta un coup d'œil affectueux à ses deux filles qui étaient revenues de leurs jeux se blottir dans les coussins moelleux du jardin d'été) Ton idée est intelligente et j'espère que tu parviendras à tes fins. Cela me libérerais du poids de devoir à nouveau négocier pour promettre l'un de mes proches à ces dégénérés de Targaryen.

Meria le remercia d'un geste de tête et se leva rapidement avant qu'il ne puisse voir l'expression de chagrin de son visage. Alors qu'elle se sentait à nouveau proche de son frère, sa dernière phrase lui avait brisé le cœur. Si c'était vraiment ce qu'il pensait des Targaryen, cela signifiait qu'il n'avait eu aucun scrupule en leur proposant la main de Meria. Il n'avait même pas partagé le fond de ses pensées avec elle, alors qu'elle lui était loyale plus que quiconque. La jeune fille essuya la larme qui coulait sur sa joue d'un geste rageux. Elle lui montrerait. Elle leur montrerait à tous qu'elle était bien plus qu'une bâtarde. Elle ramènerait la puissance des dragons à Dorne et elle le ferait par elle-même.

Notes à l'intention des lecteurs :

On se centre enfin un peu plus sur Meria, devenue adulte ici après le timegap de 8 ans !

C'était important pour moi que l'idée vienne d'elle pour montrer sa détermination et sa volonté de prouver qu'elle n'est pas une pièce rapportée chez les Martell. Elle cherche énormément l'approbation et donc l'amour de son frère. Dans cette mentalité, je voulais qu'elle ressemble à Aegon (qui cherche l'approbation de sa mère) pour qu'ils puissent se rapprocher plus tard émotionnellement dans leur histoire (vous verrez bien hihi).

J'espère que vous appréciez notre héroïne en tout cas !