Chapitre 13

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Asia

Cette journée passe avec une lenteur interminable et je déteste ça. Déjà de base, je n'aime pas ne rien faire, mais là, sans mon téléphone et sans internet, parce que oui j'ai vérifié, il n'y a aucun wifi dans cette maudite baraque, je m'ennuie comme un rat mort.

J'ai déjà fait trois fois le tour de la maison, j'ai fouillé à peu près toutes les pièces auxquelles j'ai accès, j'ai joué avec Zorya, j'ai fait la rencontre de Greta et Charles, et j'en passe. J'ai fait tout ce qui est possible de faire dans cette bicoque et maintenant, je suis allongée dans la baignoire de la chambre de Royce, les yeux rivés sur les arbres tandis que la nuit commence à peine à tomber.

Du mouvement dans la maison attire l'attention de la chienne, qui part au quart de tour. Quant à moi, je ne prends pas la peine de bouger, bien au contraire, je m'enfonce un peu plus dans l'eau pour ne garder que la tête à l'extérieur.

L'orage gronde au loin, puis quelques éclairs illuminent les arbres, rendant l'instant d'autant plus magique. Je tends la main vers le petit renfoncement où se trouvent les sels de bain et, plus important, mon verre de vin. Parce que oui, quand je m'ennuie, je vois, or aujourd'hui, je me suis énormément ennuyé, si bien que j'ai déjà descendu une bouteille de Bordeaux, me rendant légèrement pompette.

Le maître des lieux ainsi que son chien de garde pénètrent dans la pièce alors que je prends une nouvelle gorgée de mon vin rouge. Les traits de Royce sont si... neutre que c'est impossible de savoir s'il est de bonne ou de mauvaise humeur, pas que ça m'inquiète, loin de là.

— Je vois que tu as trouvé l'accès à la cave à vin, dit-il en retirant sa veste de costume immaculée.

— Disons que j'ai eu quelques heures, en effet, pour faire de l'exploration, réponds-je avec une voix légèrement pâteuse.

— Et tu as bu combien de verre depuis que tu l'as trouvé ? demande-t-il en s'asseyant sur le rebord de la baignoire.

— Aucune idée, j'ai arrêté de compter après le troisième.

— C'est bien ce que je craignais, marmonne-t-il avant de me prendre mon verre des mains.

— Hé, qu'est-ce que tu fais ?

— Tu as assez bu comme ça, pochtronne.

— Si j'ai bu, c'est entièrement à cause de toi, ronchonné-je en croisant mes bras sur ma poitrine, attirant immédiatement le regard de monsieur dessus.

— Et en quoi serait-ce ma faute ? questionne-t-il en tentant de faire abstraction de mes seins.

— Parce que tu m'as laissé seule ici, expliqué-je en me redressant afin que mon visage soit seulement à quelques centimètres du sien.

Ses yeux bleus ne sont plus que deux billes brûlant de pur désir, reflétant le mien, or il est hors de question de lui faciliter la tâche. Je décide donc de me relever complètement, laissant la mousse dégouliner le long de mon corps, le tout sous son regard appréciateur.

— Tu joues à un jeu dangereux, kotenok, grogne-t-il alors que je l'enjambe pour sortir de la baignoire.

Je ne prends pas la peine de prendre une serviette et me dirige directement en direction du lit, où je me laisse tomber. Appuyée sur mes coudes, j'observe le mafieux quitter son perchoir pour s'avancer lentement vers moi, avec un regard de prédateur.

— Je te trouve bien téméraire, ce soir, kotenok. Est-ce grâce à l'alcool qui coule dans tes veines ? Ou est-ce parce que tu meurs d'envie d'avoir ma bouche sur ton corps ?

— Et si je réponds les deux, qu'est-ce que tu comptes faire ?

À peine ai-je fini ma phrase qu'il me surplombe et que mes jambes entourent ses hanches pour le garder au plus près de moi. Il a raison, je meurs d'envie de sentir sa bouche sur ma peau, mais j'ignore si je pourrais le supporter et ce, malgré l'alcool que j'ai absorbé. C'est l'une de mes craintes les plus féroces, de ne plus être en mesure d'apprécier le toucher d'un homme, dont notamment un en particulier.

D'ailleurs, en parlant du loup, sa bouche se pose dans la courbure de mon cou, provoquant ainsi un raz-de-marée picotements dans l'entièreté de mon corps. Ma respiration est aussi saccadée qu'un sprinter après avoir fait un cent mètres. Les sensations que je ressens sont comme une nouveauté pour moi et un sentiment d'euphorie s'infiltre dans mes veines. Du moins, jusqu'à ce que Royce stop tout mouvement et s'éloigne assez de mon corps pour plonger son regard céruléen dans le mien.

— Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi tu t'arrêtes ? questionné-je en sentant déjà la frustration prendre le pas sur le plaisir.

— On ne peut pas continuer.

— Pourquoi pas ? C'est pas comme si c'était ma première fois, je ne suis plus vierge depuis longtemps et t'es assez bien placé pour le savoir.

Royce hausse un sourcil en entendant ma réponse et, même si je peux distinguer une lueur de fierté dans ses yeux, elle disparaît tout aussi rapidement qu'elle est arrivée.

— On peut pas faire ça alors que t'es complètement torchée.

— Bien sûr que si on le peut, répliqué-je, agacé.

— Non, Asia.

— Pourquoi ?

— Parce que j'ai encore les images d'hier soir en tête.

Mon sang se glace presque instantanément et mon souple s'arrête net face à sa réponse. Je tente de dégager de ce putain de lit, mais le corps de cet enfoiré coller contre le mien m'en empêche. Il attrape mes poignets qu'il remontent au-dessus de ma tête et colle ses hanches contre les miennes afin que je ne puisse pas m'échapper.

— Qu'est-ce qui t'es arrivé, kotenok ? Qui t'a fait du mal ?

— Personne ! hurlé-je, toujours en me débattant.

— Je ne te crois pas et tes réactions m'indiquent que je suis sur la bonne piste donc, donne-moi l'identité de celui ou celle qui t'a fait du mal !

— Non, je... je ne peux pas, finis-je par marmonné-je. Je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— Parce que tu vas le tuer, alors que c'est à moi de le faire. C'est à moi de mettre fin à sa putain de vie de détraqué !

Royce fait glisser son index sur ma joue et récupère les larmes que je n'ai pas senti couler. Il libère mes mains, que j'enroule automatiquement autour de son cou, dans un vague espoir d'échapper aux flots de souvenirs qui me reviennent.

— Il m'a brisé, Royce. Il m'a rendu faible.

— Tu es loin d'être faible, kotenok, c'est même tout le contraire, chuchote-t-il à mon oreille. Tu es la femme la plus forte et la plus persévérante que j'ai jamais rencontrer. Bordel, qui m'a couru après pendant plus de deux mois, le regard enjôleur ? Qui m'a fait craquer par sa bonté et sa bienveillance, alors que le milieu dans lequel elle vit ne s'y prête pas ? Qui s'est infiltré dans un coin de mon cœur que dont je ne connaissais même pas l'existence ? Qui est assez forte pour quitter tout ce qu'elle connaît et disparaître dans la nature pendant deux ans et en revenir plus forte qu'avant ? Cette femme, c'est toi, Anastasia Feodorovna Youssoupov.


Let the World BurnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant