Chapitre 14

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Royce

Mes paroles font lentement leur chemin jusqu'à son petit cerveau et son corps se détend considérablement sous le mien, si bien que lorsque je tente de me redresser, elle inverse nos positions. Je la laisse faire et cale mes bras derrière ma tête tout en observant la beauté brune qui me chevauche.

— Moi, je t'ai couru après ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité, là ! réplique-t-elle, ce qui me fait sourire.

La voilà, la Asia forte et persévérante que je connais.

— C'est clairement ce qu'il s'est passé, la taquiné-je.

— Mais l'odeur de sang te monte au cerveau, mon pauvre ! Jamais de la vie, j'ai fait ça.

— Ah oui ?

— Oui !

— Donc, la fois où tu es sortie en boîte pour tes vingt ans, ça ne compte pas ?

— C'était totalement différent et tu le sais !

— Et en quoi est-ce différent ? D'après mes souvenirs, tu as catégoriquement refusé de danser avec personne d'autre que moi. Et je ne te parle pas de toutes les cochonneries que tu m'as glissées à l'oreille.

Elle frappe mon épaule, mais la tristesse qui hantait ses yeux bicolores laisse place à quelque chose de plus lumineux. Un sourire naît sur ses lèvres et j'ai l'impression de retrouver la jeune femme qu'elle était avant qu'elle ne disparaisse. Pleine de vie, lumineuse et absolument magnifique.

— Bon, j'avoue que pour cette soirée-là, je ne peux pas dire grand chose, si ce n'est que j'étais pompette.

— Ce qui revient donc à notre discussion de tout à l'heure, tu fais des choix de merde quand t'es alcoolisé.

— Ah, donc, danser avec toi collé-serré est un choix de merde ? Je tâcherais de m'en souvenir pour la prochaine fois.

— Parce qu'il y aura une prochaine fois ? Je te préviens, c'est hors de question.

— Pourquoi ? T'as peur de te ridiculiser ?

D'un mouvement de hanche, je la fais basculer de nouveau sur le matelas et garde ses mains au-dessus de sa tête.

— Sache une chose, kotenok, je ne me ridiculise jamais.

— Mouais, ça c'est toi qui le dit, gros dur.

En réponse à ça, je plonge mon visage dans son cou et mordille sa zone sensible juste sous son oreille. Elle laisse échapper un gémissement, mais lorsqu'elle se cambre pour en obtenir plus, je m'écarte rapidement et quitte le lit.

— Ah non, hein, tu ne vas pas recommencer ! m'engueule-t-elle en se redressant sur ses coudes.

J'admire son corps de déesse pendant quelques secondes, afin de graver ces images dans ma tête, puis esquisse un sourire malicieux.

— Désolé, princesse, mais le cul, ça ne sera pas pour ce soir, lancé-je avant de sortir de la pièce.

À peine ai-je mis un pied dans l'escalier qu'un oreiller vole non loin de moi, suivi par des grognements mécontents. Je ricane tout en descendant jusqu'au premier, puis me dirige vers mon bureau. J'attrape la clé qui se trouve dans ma poche et déverrouille la porte, que je laisse ouverte, avant de m'installer derrière mon ordinateur, que j'allume. Même si je préfèrerais largement me glisser entre les cuisses de ma petite tigresse aux cheveux noirs, j'ai l'histoire de son frère à régler de toute urgence.

Pendant la demie heure qui suit, je m'occupe de préparer le voyage des trois hommes qui vont s'envoler pour Los Angeles d'ici quelques heures. Évidemment, le fait de quitter l'État n'a pas plu à Vadim, mais malheureusement, il n'a pas eu trop le choix. Il est le seul en qui j'ai totalement confiance et, en plus de ça, Youssoupov a demandé à ce que ce soit lui qui gère ça sur place.

Pour que toi, tu sois censé être la recherche la femme qui occupe actuellement ton lit.

Je secoue la tête et termine ce que j'ai à faire lorsqu'un raclement de gorge interrompt ma concentration. Je lève les yeux de mon écran et constate que les deux femmes de ma vie se trouvent près de la porte et que l'une d'entre elles ne porte rien d'autre que l'une de mes chemises.

— Tu comptes piller mon dressing ? demandé-je en zieutant le décolleté de la demoiselle.

— Je n'ai pas de vêtements, si ce n'est ma robe d'hier, et puis les tiens sont bien plus confortables, répond-elle en haussant les épaules, ce qui dénude l'une d'entre elles.

— Je vais demander à Maeve de passer demain, réfléchis-je. Comme ça tu ne seras pas seule et tu auras des vêtements.

— Tu lui fais confiance, pas vrai ? questionne-t-elle en s'approchant pour venir s'installer sur mes genoux.

— À Maeve ? Totalement.

— C'est bizarre, je t'aurais plus cru du genre à ne faire confiance à personne.

— C'est le cas, sauf en ce qui concerne trois personnes, expliqué-je.

— Vadim et Maeve, énumère-t-elle. Qui est la troisième ?

— Toi.

— Moi ? répète-t-elle, surprise, alors que je lui réponds un hochement de tête. Tu te fous de ma gueule, pas vrai ?

— Non, répliqué-je en fronçant les sourcils quand elle s'éloigne soudainement pour commencer à faire les cent pas devant mon bureau.

Elle marmonne quelque chose d'inintelligible, perdue dans ses pensées, si bien qu'elle ne m'entends pas me lever pour m'approcher d'elle.

— Qu'est-ce qui t'arrives ? demandé-je, désorienté par sa réaction.

— Rien, rien.

Asia, dis-je en appuyant bien sur son surnom. Tu sais que tu peux tout me dire, alors crache le morceaux.

— Tu ne peux pas me faire confiance, Royce.

— Pourquoi ça ?

— Parce que...

— En voilà, une réponse bien formulée, tenté-je de détendre l'atmosphère, qui est aussi chargé qu'un barillet de canon.

— C'est pas drôle !

— Qui a dit que ça l'était ? C'est toi qui te monte le bourrichon parce que je t'ai dit que je te faisais confiance.

— Tu ne peux pas comprendre, lâche-t-elle en soupirant, avant de se diriger vers la sortie.

— Alors aide-moi à comprendre, bon sang ! grondé-je en la rattrapant par le bras.

J'exerce une légère pression pour lui faire comprendre que j'ai besoin qu'elle se tourne vers moi, ce qu'elle fait quelques secondes plus tard. Son regard se pose partout, sauf sur moi, ce qui m'indique, en plus de sa réaction de tout à l'heure, qu'il y a un truc qui cloche.

Kotenok, chuchoté-je, parle-moi.

— Je ne peux pas, Royce, je suis désolée.

À peine a-t-elle fini sa phrase qu'elle me glisse entre les doigts et se précipite vers l'étage. Je soupire en passant une main sur ma nuque, avant d'attraper un verre, qui se trouve sur la desserte, et de l'envoyer valser contre le mur.

Bordel, mais qu'est-ce qui vient de se passer, au juste ?

Confus par ce qui vient de se dérouler, j'emprunte le même chemin que ma brune, quelques instants plus tôt, sauf que, contrairement à ce que j'imaginais, je ne la trouve pas dans ma chambre. Je descends donc au premier étage et constate que l'une des portes est fermée et, quand je tente de l'ouvrir, elle refuse.

Je toque une première fois, puis une seconde, mais je ne reçois aucune réponse. Fatigué et un peu sur les nerfs, je décide d'abandonner pour ce soir et de descendre au sous-sol. J'ai fait aménager ce dernier pour qu'il comporte une salle de sport toute équipée, ainsi qu'une piscine chauffée. Habituellement, je me serais dirigé vers la piscine afin de faire quelques longueurs avant d'aller me coucher, mais j'ai besoin de plus. Donc, après m'être changé, je marche en direction du tapis de course et commence à courir pour me vider l'esprit.

Let the World BurnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant