Let the World Burn

Chapitre 26

Asia

Mon cœur s'arrête de battre dès l'instant où j'entre dans cette maudite pièce. Si lorsque j'étais jeune, j'adorais venir m'asseoir dans le siège de mon père pendant son absence, ce n'est clairement plus le cas aujourd'hui. Pas après ce qui s'est passé ici.

Je hoche la tête quand ma mère me réprimande mon absence et mon silence radio depuis la fête, mais en vérité, je ne l'écoute pas. Je préfère me concentrer sur ma respiration afin de ne pas sombrer quand je remarque qui est installé sur l'un des fauteuils faisant face au bureau de mon père. Mon sang se glace lorsque je croise son regard sadique et il me faut toute ma force mentale pour ne pas faire demi-tour en courant. L'œillade que Tamila me lance affaiblit mes nerfs et un brouillard commence à se former dans ma tête. Je suis en train de me déconnecter de la réalité et ce n'est pas une bonne chose. Je cherche alors la seule personne qui peut me garder sur Terre lorsque la voix de baryton de mon père résonne dans la pièce.

— Nous avons un traître parmi nous.

Abasourdie par cette annonce, j'observe mon géniteur et Royce s'affronter du regard, tandis que Vassili et Tamila jubilent dans leur coin.

— Est-ce... est-ce qu'on sait de qui il s'agit ? demandé-je d'une voix râpeuse.

Les yeux de mon père se posent sur moi et je remarque qu'il fronce les sourcils. Il s'approche de moi et attrape le bas de mon visage. Je grimace de douleur, mais je tente au mieux de ne pas le montrer. Du coin de l'œil, je vois Royce esquisser un pas dans ma direction, mais je lui fais signe de s'arrêter. Je refuse qu'il se mette plus en danger qu'il ne l'est déjà à cause de moi.

— Oui, et tu devrais le savoir aussi, ma fille, déclare-t-il avec déception. Tu ne croyais tout de même pas que ton petit manège allait rester secret, pas vrai ? Je savais que cet imbécile avait un faible pour toi, mais jamais je n'aurais imaginé qu'il renierait son serment de loyauté envers moi.

— Je...

— La ferme ! vocifère-t-il. Je savais que tu allais m'attirer des ennuis, Anya, mais je ne pensais pas que ce serait à ce point-là. Ta sœur avait raison, tu n'es qu'une catin de la pire espèce.

Il lâche sa prise sur mon visage avec tellement de violence que je tombe au sol, tout en me tenant la mâchoire. Mes yeux me piquent, mais je refuse de laisser tomber les larmes. Il ne les mérite pas.

— Si c'est ce que tu penses de moi, pourquoi est-ce que tu as ordonné à ton chien de garde de me retrouver ?

— Pour que tu puisses prendre conscience de la conséquence de tes actes ! Tamila, Irina, vous pouvez partir, votre présence n'est plus requise. Ce qui va se passer ne mérite pas que vous le voyez.

Comme de bons soldats, ma sœur et ma mère quittent la pièce sans un mot, me laissant faire face seule à mon destin. Ça ne devrait pas me faire mal qu'aucune n'essaie d'intervenir, mais c'est le cas. Comme quoi, partager des liens du sang ne fait pas de vous une famille.

— Qu'est-ce qui va se passer maintenant, hein ? questionné-je.

— Tout d'abord, tu vas être témoin de ce qui arrive à ceux qui manquent à leur parole. Ensuite, tu épouseras qui je te dirais d'épouser et sans émettre la moindre plainte. Si j'entends le moindre refus ou autre chose sortir de ta bouche, je te fais couper la langue, c'est compris ?

J'ai la nausée rien qu'à imaginer le genre de torture que mon père va faire subir à Royce. À ce stade, je préfèrerais me crever les yeux que de voir l'homme que j'aime souffrir par ma faute.

— Royce, Vassili, emmenez-là aux conteneurs, ordonne mon père avant de s'installer dans son siège. Je vous rejoindrais lorsqu'il sera l'heure.

Quoi ? Royce ?

Je jette un coup d'œil en direction du chef de la sécurité qui semble aussi perdu que moi. Toutefois, Vassili, lui, ne perd pas le nord et attrape brusquement mon bras avant de quitter la pièce. Lorsque nous nous retrouvons dans le couloir, je le sens se rapprocher de moi pour renifler mes cheveux, ce qui me donne envie de vomir.

— Tu sens toujours aussi bon que dans mes souvenirs, Lyubimaya(1), chuchote-t-il, de manière à ce que je sois la seule à l'entendre.

— Lâche-la, déclare durement Royce en arrivant à notre niveau.

— Ah, le chevalier avec son armure étincelante, si tu permets, ça fait presque deux ans que je n'ai pas vu ma petite sœur, j'aimerais rattraper le temps perdu.

Je frissonne de dégoût en imaginant sans mal ce qu'il a en tête en disant ça. Et, visiblement, c'est également le cas de Royce dont le visage prend un air plus sombre, plus meurtrier.

— Tu as entendu ton père, on doit l'emmener aux docks.

— Oh ça va, le rabat-joie, ricane mon aîné en sortant une seringue de la poche intérieure de sa veste.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? demande mon mafieux.

— Ça ? C'est simplement un petit tranquillisant, afin qu'Anya se tienne correctement.

L'aiguille se plante dans mon bras avant que j'ai pu faire le moindre mouvement et, presque aussitôt, tout mon corps se transforme en pâte à modeler. Le moindre mouvement me coûte un effort monstre et rapidement, mes jambes ne me supportent plus. Heureusement, Royce me rattrape in extremis avant que je m'éclate la tête contre le sol. Vassili, quant à lui, éclate de rire et m'envoie même un clin d'œil avant d'avancer dans le couloir.

— Ah, et au cas où tu comptais prendre la fuite avec notre très chère Anya, sache que c'est impossible, s'amuse mon frère. Mes hommes entourent la propriété et ont ordre de tirer à vue si tu n'es pas avec moi. Oh et, on prend ma voiture.

— Enfoiré ! marmonne mon mafieux, une fois que Vassili n'est plus à portée d'oreille. Tu vas bien ?

Un simple hochement de tête me coûte une bonne partie de mon énergie, ce dont il semble s'en rendre compte.

— Tout va bien se passer, d'accord ? Je ne les laisserais pas te faire du mal.

Bien que je sais qu'il pense chacun des mots qu'il vient de prononcer, on sait tous les deux que cette promesse a un risque de ne pas être tenue. Surtout si, comme je le pense, la mort nous attend tous les deux au bout du chemin.

1 Signifie « chérie » ou « aimée » en russe.