Chapitre 12

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Les jours s'écoulent comme des grains de sable dans un sablier, chacun plus lourd que le précédent. Nicolas regarde le calendrier accroché au mur de la cuisine.

30 jours.

Seulement 30 jours avant de partir au front. Chaque seconde est un rappel de la guerre imminente, de la séparation inévitable.

Émelie, toujours parfaite dans son rôle de femme modèle des années 60, prépare le petit-déjeuner en silence.
Ses gestes sont précis, presque mécaniques, comme si elle suivait un script invisible. Nicolas l'observe, sentant un gouffre se creuser entre eux. Leur relation, n'est qu'une série d'obligations conjugales et elle l'a toujours été.

La nuit précédente, ils avaient partagé un moment intime, mais pour Nicolas, cela n'avait été qu'un devoir conjugal. Une corvée. Il avait ressenti une immense répulsion envers cet acte devenu abject pour lui.

Son corps ne répondait plus comme avant, et chaque tentative de rapprochement physique était une épreuve.
Émelie, malgré son insatisfaction évidente, restait silencieuse. Elle endurait, fidèle à l'image de la femme parfaite qu'elle se devait d'être.

Le soir, après un dîner silencieux, Nicolas s'asseyait dans le salon, feignant de lire un journal.

Émelie, de son côté, tricotait près de la fenêtre, ses pensées ailleurs. Chaque regard échangé était empreint d'une douleur muette, d'un désespoir refoulé. Ils étaient deux étrangers partageant le même toit, piégés par des attentes sociales et des obligations qu'ils ne pouvaient fuir.

La guerre se profilait à l'horizon, menaçant d'engloutir tout sur son passage. Nicolas se demandait souvent ce qui resterait de leur relation une fois qu'il serait parti. Il savait que quelque chose devait changer, mais il ignorait comment.
Les jours passaient, inexorablement, et avec eux, l'espoir de retrouver un semblant de bonheur s'évanouissait.

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Les jours s'étaient écoulés lentement, mais 25 jours étaient déjà passés. Nicolas rentra du travail, fatigué et abattu par le poids de la guerre imminente. En ouvrant la porte, il fut surpris de trouver la maison remplie de visages familiers.
Ses parents, ses beaux-parents, ainsi que d'autres membres de la famille étaient tous réunis pour un dîner.

Le repas était typique de ces réunions familiales traditionnelles. Les hommes, regroupés à une extrémité de la table, discutaient de politique et des événements mondiaux, chacun partageant son opinion avec passion.
Les femmes, de leur côté, parlaient de recettes et de conseils ménagers, leurs voix douces contrastant avec les débats animés des hommes.

Nicolas, se sentant déconnecté de ces conversations, mangeait en silence, ses pensées ailleurs. Il remarqua qu'Émelie était étrangement silencieuse ce soir-là, mais il n'eut pas le temps de s'interroger davantage.

Alors que la soirée touchait à sa fin, Candy, la mère de Nicolas, insista pour qu'Émelie partage la "bonne nouvelle" dont elle lui avait parlé au téléphone. Émelie, visiblement gênée mais souriante, se leva timidement.

"Je voulais annoncer que... je suis enceinte," dit-elle, sa voix tremblante d'émotion.

Un silence suivit cette révélation, avant que la pièce ne se remplisse de félicitations et de vœux chaleureux. Les parents de Nicolas et d'Émelie se précipitèrent pour embrasser la future mère, tandis que d'autres membres de la famille applaudissaient et souriaient.

Nicolas, quant à lui, était figé. Il ne savait rien de cette grossesse, et la nouvelle le laissa sous le choc. Tandis que tout le monde célébrait autour de lui, il se sentait étrangement vide, comme si cette information avait creusé un trou encore plus profond dans son cœur.

Il regarda Émelie, qui évitait son regard. Leur relation mécanique, déjà compliquée par ses devoirs conjugaux abjects, venait de se compliquer encore davantage. La guerre approchait, et maintenant, il devait aussi faire face à cette nouvelle réalité.
La confusion et le désespoir l'envahirent, tandis que les voix joyeuses de sa famille résonnaient dans la maison.
Nicolas se tourna vers la fenêtre, le regard perdu dans la nuit. Une nostalgie silencieuse s'empara de lui. Il pensa à Jeff, à leurs moments partagés, et à ces discussions tardives où Jeff rêvait d'un avenir ensemble, où ils élèveraient un enfant, loin des jugements de la société.

Flashback:

Le clair de lune baignait l'appartement de Jeff d'une lumière douce et argentée. Nicolas et Jeff étaient allongés dans le lit, leurs corps enlacés. Le monde extérieur semblait s'effacer, ne laissant que la chaleur réconfortante de leur présence mutuelle.

"Je veux qu'on ait un enfant, Nico," murmura Jeff, sa voix emplie de rêve et d'espoir.

"Je veux qu'on construise une vie ensemble, loin d'ici, où on pourrait être nous-mêmes sans avoir peur."

Nicolas sourit doucement, caressant la joue de Jeff.

"Ça serait merveilleux," répondit-il, "ses yeux brillants de la même lueur d'espoir.

"Un endroit où notre amour pourrait fleurir librement, où nous pourrions élever un enfant avec tout l'amour que nous avons à offrir."

Ils restèrent ainsi, à parler de futurs imaginés, de vies possibles, et d'enfants à venir. Ces moments de douceur et de complicité étaient gravés dans le cœur de Nicolas, des souvenirs précieux qu'il chérissait, même en ces temps troublés.

Fin du flashback

Nicolas revient au présent le soir quand il ne restait que lui et sa femme, ses yeux se remplissant de larmes qu'il retint à grand peine. La réalité de sa situation le frappa de plein fouet.

Jeff n'était plus là, et l'avenir qu'ils avaient rêvé ensemble semblait plus éloigné que jamais.La nuit passa. Émelie, épuisée par les émotions de la journée, s'endormit dans les bras de Nicolas.
Il resta immobile, fixant le plafond, son esprit tourmenté par un tourbillon de pensées. Il se sentait étouffé, incapable de respirer à l'idée qu'un enfant grandissait dans le ventre d'Émelie. Chaque battement de cœur résonnait comme un rappel de son emprisonnement.

Flashback

une nuit Jeff lui avait dit :

"Nico, il faut qu'on s'enfuie. On pourrait vivre ensemble, dans une jolie maison avec des clôtures blanches, deux enfants, un chien et un chat. Il faut juste fuir."

Jeff avait parlé avec tant de conviction, tant de passion. Nicolas avait senti un espoir brûler en lui, une flamme de liberté et de bonheur.

Fin du flashback

La voix de Jeff résonnait encore dans sa tête. Nicolas se demanda, pour la énième fois, s'il aurait eu le courage de suivre Jeff, de tout quitter pour une vie libre et aimante. Mais maintenant, il se sentait piégé, incapable de trouver une issue à son dilemme.
Nicolas se dit qu'il ne pouvait pas fuir.
Et puis, il allait sûrement mourir à la guerre, et tout finirait ainsi. Cette pensée, aussi sombre soit-elle, lui apporta une étrange forme de réconfort. La guerre serait peut-être son ultime évasion, la fin de toutes ses souffrances et de ses dilemmes.

boxer and his soldier [B×B]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant