Jaeson me regarde, arborant un sourire gêné qui ne lui est pas inhabituel : c'est celui qu'il affichait toujours lorsque nous faisions des bêtises étant gamins. J'ai une soudaine envie de l'étrangler.
"- Jaeson ?! Depuis quand tu m'écoutes ?" demandais je alors, plus qu'agacée.
Pour toute réponse, il se gratta derrière la tête et baissa le regard.
" J'aimerai beaucoup que tu me répondes tu sais ?"
D'un coup, je compris depuis quand mon meilleur ami m'écoutais.
"Le bruit du couloir" me dis je.
"-Maelyne..."
Je sursaute brusquement.
Purée. Je ne m'attendais pas à ce qu'il parle.
Je lui rétorque un "quoi ?" très sec, non sans lancer un regard vers la bouteille d'alcool qui me fait de l'œil depuis quelques phrases.
Il reprend, visiblement mal à l'aise.
"- J'ai entendu lorsque...tu parlais...de ce qui vous est arrivées à Riley et à toi...
-Mmmhhh ? Et la suite je suppose ?"
Il ne répond pas. Il a entendu toute la suite. Il est au courant de tout.
Je me relève péniblement et entreprends de fausser compagnie à Jaeson, lorsque celui ci me retint par le poignet en me demandant avec ses yeux de chats :
-Est-ce que tu vas tenir le coup ?
Quelle question, imbécile ! Bien sûr que non ! Et tu le sais très bien, mieux que personne d'ailleurs !
Pourtant, je le regarde bien en face, droit dans les yeux, et je lui affirme que ça va aller.
Il me lâche alors, et me regarde attraper la bouteille d'alcool et m'en aller en direction de ma chambre. Au tournant du couloir, il crie :
"-La bouteille, c'est de la vodka au fait ! Alors force pas trop dessus si tu tiens à rester debout !"
"-Ouais ouais ."
C'est tout ce que j'ai trouvé bon de lui répondre.
C'est nul.
Arrivée à ma chambre, je pousse la porte et me laisse tomber sur un fauteuil ravagé par le temps, et par le chat. Malgré tout, je le trouve abominablement confortable. Je m'en extirpe pour attraper ma guitare.
Posée sur mes cuisses, je manipule avec soin ses mécaniques pour l'accorder. Puis, tandis que je frôle du bout des doigts les cordes de l'instruments, un frisson inexplicable parcours mon dos en long et en large. Je ferme les yeux ; me laisse bercer par cette douce sensation.
Et lorsqu'elle me quitte, je plaque les accords qui me viennent : Mi et La.
Et je laisse mes mains voguer au gré de mes envies, de mes émotions. Pour que le son enivrant de la caisse résonnant dans mes oreilles me dope plus que n'importe quelle drogue.
Car ça a toujours été ainsi lors de coups durs. J'attrapais ma guitare et grattais les cordes à m'en faire saigner les doigts, jusqu'à ce que passe le coup de blues. La plupart du temps cette méthode avait suffi à me faire oublier ma peine durant quelques heures.
Avant d'entrer de le monde de la dépression en tout cas.
Mes mains poursuivent leur danse sur les notes, elles sont comme détachées de la volonté mon corps et agissent presque de leur propre chef.
Depuis quelques temps maintenant, j'ai recours à des méthodes plus efficaces pour esquiver ma conscience ; j'entends par là que je consomme plus que de raison de l'alcool ou des capsules médicamenteuses. Enfin, ça c'était selon mon père. Moi, je ne trouve pas que j'en abuse : ça me fais tenir le coup c'est tout.
La pulpe de mes doigts heurte délicatement les cases de ma guitare brune. Je sens le sang pulser dans mes tempes au rythme des notes graves. Chaque accélération me hérisse des poils sur la nuque.
Chaque fausse note me fait instinctivement me mordre la lèvre inférieure. Soudain, je perçois un goût de sang sur ma langue ; peut-être me suis je mordue trop fort mais qu'importe, je continue de jouer.
Mes doigts dansent sur les cordes graves, puis aiguës, puis graves.
Graves. Aiguës. Graves. Aiguës.
Do. Si. Mi. Ré. Fa. Encore Do, mais grave cette fois.
La mélodie m'emporte avec elle, loin de tout, ou peut-être est-ce l'alcool ? Ma tête plane à des milliards de kilomètres de mon corps, c'est à peine si je veux la retenir. J'aimerai qu'elle s'envole encore plus loin, qu'elle me laisse avec ma guitare et mon alcool.
Mes doigts commencent à me piquer et mes notes sonnent de plus en plus faux. Je pose mon instrument sur le lit et me laisse de nouveau glisser sur le fauteuil noirci de "ma" chambre.
"-Putain..."
C'est le seul mot qui parvient au bout de mes lèvres endolories. Endolories ? C'est vrai que je me suis vraiment mordue fort. Je passe ma langue sur les plaies et y devine plusieurs coupures assez larges.
"Merde ça pique !" m'écriai je soudainement.
Sur cela, je pris la bonne décision de débouchonner la bouteille et de boire une nouvelle gorgée de vodka. Ce qui, évidemment, désinfecta mes coupures aux lèvres, mais me brûla aussi !
"-C'est pas mauvais ce truc !" m'exclamais je alors, sans raison.
Mais mes yeux ne semblent pas de cet avis : ma vue se brouille à mesure que je tente d'y voir clair.
Paniquée, je tente de me relever, mais je ne fais que m'emmêler les pieds et je me retrouve sur le sol dans un grand fracas. Ce qui rameute mon meilleur ami qui pénètre dans ma chambre en panique.
"-Maelyne ! Tout va bien ?" s'égosille-t'il tandis qu'il m'arrache au sol pour me poser sur le lit.
Je ne parviens pas à lui répondre, mes lèvres sont pâteuses et collent. Seul un "Hmmmmmmh" provenant de ma gorge est digne de réponse. Je suis parfaitement incapable de plus.
Jaeson, pris en pitié, me prends contre lui, dans ses bras puissants. Il me berce alors que mon crâne est secoué par l'alcool. Il me rassure en me racontant des choses que je suis dans l'incapacité de comprendre dans mon état actuel.
Puis, juste avant de sombrer dans un coma sans nom, je l'entends murmurer :
"Mais qu'est ce qui t'arrivera si je te laisse seule..."
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Butterfly
OverigMaelyne était une enfant joyeuse et assidue en cours, elle avait de bons amis et était très sage. Ses parents faisaient tout pour la rendre heureuse. Sa petite sœur et elle étaient très complices. Elles grandirent paisiblement jusqu'au mystérieux dé...