Secret

|| Chapitre 10 ||

PDV RHÉANA

J'entends une porte s'ouvrir doucement dans le silence de la maison, mon sommeil étant léger, à peine profond, et brusquement, la voix d'Elena éclate dans l'air, résonnant avec une pointe de désespoir comme si elle portait sur ses épaules l'urgence de ce moment précis et que toute la matinée en dépendait.

— Debout ! C'est jour de cours aujourd'hui ! s'écrie-t-elle avec cette impatience qui lui est propre, un mélange de frustration et d'excitation, comme si cette journée devait forcément se dérouler comme elle l'avait imaginée dans sa tête.

Elle n'était pas la seule à se retrouver confrontée à une journée qu'elle aurait préféré éviter, et même si je n'avais absolument aucune envie d'y aller moi non plus, je ne comptais pas leur dire, parce qu'il était hors de question de révéler que la simple idée de retourner en cours me paralysait intérieurement, qu'elle m'oppressait comme un poids invisible mais pourtant bien réel. Mes yeux, encore lourds de sommeil, me brûlaient légèrement, encore marqués par la fatigue de la veille, et malgré cela, je m'efforçais péniblement de sortir de cet état de torpeur, d'émerger de ce brouillard qui m'enveloppait, jusqu'à finalement réussir à me réveiller pour de bon, même si cela me coûtait chaque seconde de plus en plus.

Lorsque mes paupières cèdent enfin et que je parviens à fixer mon regard, c'est sur Elena que mes yeux se posent, une Elena rayonnante, pleine de vie, debout devant moi, tenant fièrement entre ses mains une tenue impeccable, comme un cadeau précieux qu'elle était impatiente de me voir porter, son visage illuminé par une excitation presque contagieuse, bien qu'à cet instant, je n'aie pas vraiment l'énergie de la partager.

— Je t'ai acheté une tenue pour ta « rentrée », même si, bon, ce n'en est pas vraiment une ! lança-t-elle avec un enthousiasme débordant, ses yeux brillants d'une fierté que je n'avais pas vue depuis longtemps, comme si elle attendait de me voir émerveillée, espérant que ce petit geste suffirait à égayer cette journée qui commençait mal.

Je la regardais, étonnée, me demandant à quand pouvait bien remonter la dernière fois que quelqu'un avait pris la peine de m'acheter des vêtements pour une reprise de cours, plongeant dans les bribes floues de ma mémoire, essayant de retrouver un souvenir similaire, mais tout cela semblait si loin, presque inaccessible, comme si une brume s'était installée entre moi et mes souvenirs.

Est-ce que cela faisait un an, cinq ans, huit ans ?

J'étais incapable de m'en souvenir précisément, et plus je cherchais, plus je réalisais que tout cela s'effaçait progressivement, comme si les moments qui avaient un jour compté commençaient à disparaître dans un coin reculé de mon esprit, ne laissant derrière eux que des traces vagues, des impressions floues. Est-ce normal, me demandais-je, que mes plus beaux souvenirs, ces rares moments de bonheur, s'éloignent ainsi de moi ? Ils étaient pourtant ce qui me maintenait encore debout dans cette vie sombre et morne, comme des lueurs lointaines, mais là encore, ils me glissaient entre les doigts, ne me laissant qu'une sensation de vide, d'oubli.

Je pris une profonde inspiration, cherchant à cacher ce tourbillon intérieur, et répondis finalement d'une voix qui peinait à trouver la bonne intonation, oscillant entre gratitude et malaise :

— Ah... merci beaucoup, vraiment, mais... elle est trop belle, elle ne m'ira pas... avouai-je en baissant légèrement les yeux, une part de moi convaincue que ces paroles étaient la vérité, ancrées dans cette image de moi que l'on m'avait tant répétée.