chapitre 6: débat risqué

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Jordan se souvenait avec une clarté douloureuse de ce qui s’était passé après cette nuit traumatisante avec son père. Il avait tenté de se confier, de trouver un réconfort auprès de ses amis, mais chaque fois, il s'était heurté à un mur d’incompréhension. Ce rejet constant avait creusé en lui un gouffre de solitude. Il avait alors appris à se refermer, à cacher sa souffrance sous un masque d’indifférence, une façade de froideur qui éloignait quiconque essayait de s’approcher.

Ses relations avec les autres étaient devenues superficielles, emprisonnées dans un cercle vicieux où la peur de revivre la trahison le poussait à s’isoler davantage. Chaque tentative de se lier devenait une lutte contre lui-même, une bataille pour ériger des murs invisibles mais infranchissables autour de son cœur. Jordan s’était enfermé dans une forteresse de solitude, persuadé que c’était là le seul moyen de se protéger de la douleur.

Mais cette nuit-là, seul dans sa chambre d'hôtel, cette forteresse s’effondra d’un coup. Les souvenirs ressurgirent comme des vagues déchaînées, emportant avec eux la colère et la frustration qu’il avait accumulées au fil des années. Il sentit la rage monter en lui, irrépressible, comme une lave brûlante qui ne demandait qu’à éclater.

Sans prévenir, il craqua. Un cri primal, profond, sorti tout droit des entrailles de son être, déchira le silence de la pièce. Puis, dans un accès de fureur incontrôlable, il se mit à frapper les murs avec une violence aveugle. Chaque coup résonnait comme un écho de sa douleur intérieure, le plâtre se fissurant sous l'impact. La douleur physique, celle de ses mains qui se brisaient peu à peu, semblait dérisoire en comparaison du tourment mental qu’il endurait.

"Pourquoi je gâche tout ?" rugit-il, sa voix tremblante de rage et de désespoir, entre deux coups qui ébranlaient la pièce. "Pourquoi est-ce que je détruis tout ce que je touche ? Pourquoi Gabriel veut-il m'aider alors que je ne mérite que sa haine ?"

Chaque coup porté au mur était accompagné d’un flot de pensées tumultueuses, d’accusations qu’il se lançait sans pitié. "Pourquoi j’ai blessé Gabriel ? Pourquoi je fais toujours fuir ceux qui comptent pour moi ? Pourquoi... pourquoi moi ?!"

Ses poings frappaient encore et encore, avec une force désespérée, comme s’il espérait que la douleur physique pourrait expulser la souffrance qui le rongeait de l’intérieur. Le sang coulait désormais librement le long de ses doigts, mais il continuait, aveuglé par une rage autodestructrice.

Finalement, épuisé par l’effort, vidé par cette explosion de colère, Jordan s’effondra au sol. Son souffle était court, ses mains tremblaient, ensanglantées. Les larmes qu’il avait refoulées durant des années coulèrent enfin, brûlantes, sur ses joues. Son corps entier tremblait sous l’effet de cette rage libérée. Il se sentait anéanti, comme si toute son énergie avait été aspirée par cette tempête émotionnelle.

Il resta là, assis contre le mur, respirant difficilement, jusqu'à ce que son téléphone vibre dans sa poche, brisant le silence oppressant de la chambre. D’un geste tremblant, il le sortit, et vit le nom de Charles, son chauffeur, s’afficher sur l’écran.

Charles devait le ramener à Paris, mais Jordan était dans un état si fragile qu’il ne pouvait envisager de faire face à qui que ce soit. Il décrocha, ses yeux fixés sur ses mains couvertes de sang.

"Bonjour Monsieur. Est-ce que je viens vous chercher à l'hôtel pour Paris ?" demanda la voix professionnelle de Charles, une note d’inquiétude à peine perceptible dans son ton.

Jordan resta silencieux un instant, luttant pour maîtriser le tremblement dans sa voix. Il répondit enfin, d'un ton glacial, distant, ne laissant transparaître aucune des émotions qui le dévoraient. "Non, ce n’est pas le moment, Charles. Je m'arrangerai autrement."

Sous les masques du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant