chapitre 7: tourments intérieurs

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Deux semaines s’étaient écoulées depuis cette confrontation dévastatrice entre Jordan et Gabriel. Deux semaines d’un silence oppressant qui pesait sur chacun d’eux comme une condamnation silencieuse. Chaque jour, Jordan ressentait ce vide grandir en lui, une absence qui le hantait, le rongeait de l’intérieur. La rage et la frustration, si intenses le jour du débat, avaient laissé place à une douleur sourde, une sorte de mélancolie qui ne le quittait jamais. Il avait beau se plonger dans le travail, tenter de se distraire, rien n’y faisait. Les paroles de Gabriel résonnaient en boucle dans son esprit, implacables, impossible à oublier.

L’appartement de Jordan, autrefois un refuge, était devenu une prison de ses pensées tourmentées. Les murs semblaient se refermer sur lui, amplifiant chaque silence, chaque respiration lourde de regret. L’air était dense, presque palpable, chargé de non-dits et de remords. Chaque pièce qu’il traversait portait l’empreinte de leur dernière altercation, chaque objet devenait un rappel cruel de ce qu’il avait perdu. Les journées passaient lentement, comme étirées par le poids de l’angoisse. Les éclats de rire, autrefois si fréquents entre eux, avaient laissé place à une lourde tranquillité, coupée seulement par le bruit de ses pas solitaires.

Il ne pouvait se défaire de cette impression d’avoir tout gâché. Jordan se sentait déconnecté, comme s’il observait un monde auquel il n’appartenait plus vraiment. Les jours se succédaient sans qu’il ne parvienne à en saisir le sens. Les échanges avec ses collègues étaient mécaniques, vidés de toute émotion, de toute vie. Même le simple fait de se lever le matin lui semblait une épreuve insurmontable. Et puis, il y avait ce message, ce foutu message qu’il avait écrit quinze jours plus tôt et qu’il n’avait jamais eu le courage d’envoyer. « On peut parler ? » Ces trois mots lui brûlaient les lèvres, mais il n’arrivait pas à appuyer sur « envoyer ». L’idée même de se confronter à nouveau à Gabriel, de se montrer vulnérable, lui était insupportable. Il se savait faible, brisé, et il redoutait plus que tout d’être rejeté une fois de plus.

De son côté, Gabriel n’était pas en reste. Son quotidien de Premier ministre était toujours aussi exigeant, et il excellait dans son rôle. En apparence, tout allait bien. Ses décisions étaient saluées, ses discours applaudis, et sa popularité semblait inébranlable. Pourtant, une fois les portes de son appartement fermées, toute cette façade s’écroulait. Le silence de la nuit devenait assourdissant, et les souvenirs de ce qu’il avait dit à Jordan l’assaillaient sans répit.

Il revoyait sans cesse le regard blessé de Jordan, ce mélange de colère et de douleur qui l’avait transpercé lors de leur altercation. Gabriel regrettait amèrement ses paroles, chaque mot lui revenant en mémoire comme une lame tranchante. Il avait voulu secouer Jordan, l’aider à voir au-delà de sa souffrance, mais il avait échoué. Pire, il avait aggravé les choses. Cette situation lui rappelait une autre époque, lorsqu’il était encore ministre de l’Éducation nationale. À cette époque, lui aussi s’était senti seul, incompris, accablé par une solitude qu’il n’osait pas avouer. Personne n’avait remarqué sa détresse, et il avait dû avancer seul, masquant ses failles derrière un masque de compétence et de détermination. C’est ce qu’il voulait éviter à Jordan. Il refusait de le voir sombrer de la même manière.

Chaque soir, Gabriel s’interrogeait : était-il déjà trop tard ? Avait-il tout gâché avec ses paroles cruelles ? Une larme roulait souvent sur sa joue alors qu’il repensait à ces échanges acides, aux mots qu’il avait crachés dans un moment de frustration. Il s’en voulait profondément. Il avait agi comme le pire des égoïstes, arrogant et insensible, exactement ce qu’il reprochait à Jordan. Mais ce qu’il redoutait par-dessus tout, c’était de n’avoir plus aucune nouvelle de lui. Cela l’inquiétait profondément. Jordan allait mal, il le savait, mais comment l’aider sans qu’il ne se braque encore une fois ? Gabriel sentait qu’il devait parler à Jordan, s’excuser, trouver un moyen de réparer ce qui pouvait encore l’être.

Sous les masques du pouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant