Chapitre 5

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     Une semaine plus tard, la construction de la maison a bien avancé. Joon-ho vient quasi tous les jours avec ses parents pour voir l'avancement des travaux. L'adolescent parle un peu plus avec moi, il est moins silencieux. On parle souvent d'architecture, j'ai l'impression que c'est devenu comme une passion pour lui. C'est attachant. Hein ? Qu'est-ce que je dis ? Oublions ça.
  Je suis adossé à une barrière, Hans et moi faisons une pause clope. On est le genre de duo où un ne fait que de parler pendant que l'autre se contente d'écouter. Je pense que vous avez compris qui est qui. À un moment, Joon-ho apparaît. Je sors une boîte de Pocky de ma veste et la lui tend. L'adolescent me regarde avec un peu d'étonnement et hésite un moment avant de prendre la boîte de ma main.
"Merci, ajusshi..." murmure-t-il avec gratitude, tenant les snacks dans sa main.
  Je hoche la tête une fois comme réponse. Hans regarde l'interaction avec stupeur mais reste silencieux, pour une fois.
  Mme Jisung appelle soudainement son fils, ce qui fait partir le garçon. Dès que Joon-ho soit parti, mon collègue agrippe mes épaules et me fait tourner vers lui pour que je lui fasse face. Je suis surpris et confus quand je rencontre son regard perplexe.
"Depuis quand mein Bastian est sociable ? Et gentil ? J'y crois pas mes yeux !
- 'Mein' ? C'est nouveau. Je ne me souviens pas d'être à toi." commenté-je un peu plus confus, mais avec amusement.
  Hans lâche mes épaules mais pas ses yeux de moi, ils sont légèrement plissés comme s'il regardait un spécimen à étudier.
( 'Mein' ou 'Meine' au féminin = pronom possessif )

  Quelques heures plus tard, on est dans les alentours de midi. Je viens de finir de passer une commande de carrelages pour le sol de la salle de bain. Je suis content que mon supérieur croit assez en mes compétences pour me refiler une pièce entière à aménager, même si je suis sûr qu'il viendra pour évaluer ce que j'ai fait. Alors que certains ouvriers soient partis en pause déjeuner, je sors de la maison en construction et m'assois sur les escaliers du porche. J'allume une cigarette et la fume. Dans une certaine manière, on peut dire que c'est mon déjeuner.

  Alors que je continuais de "manger" , j'entends soudainement quelqu'un tousser. Un son étrangement familier. Je tourne la tête et le vois un peu caché derrière un mur. Je le regarde tousser légèrement un peu plus avant de lâcher ma cigarette au sol et l'écraser avec ma chaussure. En effet, le vent allait dans sa direction, attirant la fumée vers le petit. Je retourne mon regard sur l'adolescent. Malgré qu'il soit à moitié caché, j'arrive à remarquer la boîte de Pocky que je le lui ai donné ce matin.
"Hey, qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne pars pas manger avec tes parents ?"
  Il me regarde un moment, il semblait penser. Ensuite, il sort de sa cachette de derrière le mur et me rejoint. Il se tient debout devant moi, les Pocky à la main. Je lève légèrement la tête pour le regarder.
"Non. Ils ont un rendez-vous avec votre chef. Du coup, je reste là...
- Tu n'as pas le choix ? Pourquoi tu n'en profites pas pour voir tes amis ?"
  Après avoir posé cette question, il semble étonné et... triste ?
"Je préfère apprendre des choses ici que de 'm'amuser avec mes amis'... Rester ici, c'est 's'amuser' pour moi."
  Je hoche la tête en guise de compréhension. Je me permets de supposer qu'il n'a pas beaucoup d'amis. C'est triste pour lui. Mais bon, c'est pas comme si c'était mon gosse et que j'avais plus envie de le revoir. Hein ? Qu'est-ce que je dis ? Je m'en fiche de le voir ou non. Je suis là pour travailler, pas pour passer du temps avec un gamin. Je soupire un coup avant de me bouger un peu sur le côté pour laisser une place sur la marche d'escalier où je suis assis. Je tapote la place vide à côté de moi en le regardant, une invitation silencieuse. Il me regarde encore, hésitant mais ensuite accepte mon invitation et s'assoit à côté de moi. Je tourne ma tête pour le regarder. Bien sûr, comme il est plus jeune, il est plus petit que moi donc je baisse un peu la tête. Je le vois ouvrir le packet de Pocky et en manger un et après un deuxième, un troisième, un quatrième...
"Si tu as faim, on peut aller te chercher de quoi manger, Kleiner."
  Quand je parle, il tourne sa tête pour me regarder mais il continue de manger sa friandise, le bout d'un bâtonnet dépassant de sa bouche. Il pense un moment avant de secouer la tête.
"Non, merci. Ça ira... Mais c'est gentil de votre part, ajusshi..."

Mon souvenir perdu (Mein verlorenes Gedächtnis)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant