Chapitre 15

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Le lendemain, Bastian et moi sommes chez
M. Grey, notre client. Comme la plupart des clients d'Eclipse Architects, il est très aisé. Pour ne pas dire "bourré de frics".
  La maison est somptueuse. Tout est blanc et noir et pourtant, c'est magnifique. Les sièges et canapés sont en cuir pur, je reconnais grâce a l'odeur qui s'en dégage. S'il n'avait pas insisté, je n'aurais jamais posé mes fesses sur une de ses chaises luxueuses, j'aurais trop peur de l'abîmer sans faire exprès.
Oh ? Tiens ? Il a une femme ?
Elle sort d'une pièce et s'avance vers l'homme.
Attends. Attends. (WAIT !💃💃)
Elle ne porte que de la lingerie ou c'est devenu tendance et c'est moi qui suis le seul choqué ? Non, elle est vraiment vêtue d'un ensemble à dentelle qui met très bien en valeur toutes ses formes.
Je tourne les yeux pour ne pas la regarder. Ce serait irrespectueux de ma part si je continuais à la regarder, même sans arrière pensée.
"Tiens ? M. Jisung n'est pas habitué à voir une beauté pareille ? Allons, ne soyez pas si timide. C'est son travail après tout."
'Travail' ? Comment ça- Oh. J'ai compris. Cette dame n'est pas sa femme. Elle ne porte pas d'alliance.
"Revenons-en sur le projet veuillez-vous ? Et madame, pouvez-vous mettre un peignoir au moins ? Ou ne pas vous montrer tout simplement, ce serait meilleur."
La femme se crispe à ce ton plutôt froid, du Bastian tout craché. Elle a l'air presque choquée et énervée - elle qui semblait être prête pour une nuit mouvementée en vue de sa tenue et de son sourire. Ou même, peut-être qu'elle n'a pas l'habitude qu'on la traite ainsi ?
En tout cas, toute envie de luxure lui quittant lorsqu'elle comprend qu'elle n'est pas désirée ici, sauf par M. Grey qui m'a l'air bien tactile avec elle.
Bref.
Même si c'est compliqué, je garde mes yeux sur notre client afin de rester respectueux malgré que je dois voir la femme en même temps. C'est presque dégoûtant et pas professionnel du tout. Nous sommes là pour parler d'affaires et il laisse cette prostitué se coller à lui comme s'ils allaient nous faire un show.
(nda : je ne juge pas cette profession et la respecte totalement !)
"Vous nous accordez combien de temps pour ce projet de construction ?" demandé-je afin de rester sur le pourquoi nous sommes venus ici.
- Eh bien, je vous laisse deux semaines. Ce n'est pas le parcours du combattant ce que je vous demande de faire, pas vrai ?
- En effet, deux semaines est une durée parfaite. dit Bastian avant de se lever du canapé en cuir. Je vous remercie de faire appel à notre entreprise et de nous faire confiance. On se revoit très bientôt, M. Grey." conclu-t-il en lui serrant la main.
Une fausse gratitude. Un faux sourire. De fausses paroles. Tout ça c'est pour le professionnalisme.
  Bastian doit avoir l'habitude de le faire, c'est presque comme respirer pour lui. Ce n'est absolument pas une critique mais de l'admiration. Il déteste tant parler à des personnes et est tellement insociable que c'est surprenant comment il arrive à être si hypocrite.
  Ça me fait l'admirer de plus en plus. Malgré qu'il ait un caractère de merde. Clairement.
"Hé, le p'tit coréen. Je te donne mon numéro et appelle-moi quand tu veux, mon choux. J'ai un petit penchant pour les asiatiques, tu sais ?"
Je m'abstiens de vomir ou de grimacer quand elle me fait un clin d'œil.
  Puis, soudain, Bastian me prend par le poignet et nous emmène vers la sortie.
"Garde tes services pour quelqu'un d'autre. On n'est pas intéressé, salope." crache-t-il par dessus son épaule.
Wow. Je me chie presque dessus à quel point il est tendu et agacé - alors qu'il ne s'adressait même pas à moi.
Il me tire tout le long du chemin vers la sortie et lâche mon poignet que quand on est devant son véhicule. Une légère douleur persiste où ses doigts étaient sur moi.

Le chemin en voiture pour retourner au bâtiment de l'entreprise est très... comment dire... L'atmosphère est écrasante. On pourrait même entendre les ondes de la radio qui est éteinte.
"Ta réaction était bien. C'était ce qu'il fallait faire." me dit-il après ce qu'il me semble être une éternité de silence, gardant son attention sur la route.
Il me... félicite ? Je peux sentir mon cœur rater un battement à ces mots superficiels mais qui en dit long.
"C'était la première fois que je rencontre un proxénète." (consommateur de services particuliers en terme de prostitution)
  Je le regarde et remarque son subtil coup d'œil vers moi avant qu'il ne regarde la route une nouvelle fois. J'ai même remarqué sa mâchoire se contracter légèrement pendant un court instant.
  J'ai dit quelque chose qui fallait pas ?

Mon souvenir perdu (Mein verlorenes Gedächtnis)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant