Ha-joon
La soirée est déjà bien avancée. L'alcool coule à flots et la plupart des membres de l'équipe des Rythm Guys sont bourrées. Si-won s'est retiré dans sa chambre au moment où ses oreilles viraient au rouge et ses paroles devenaient incohérentes. L'atmosphère s'est directement détendue, comme si sa seule présence suffisait à calmer les ardeurs de tous. À présent qu'il n'est plus là, les questions sur le port de mon masque en continu pleuvent à verse.
— Ça fait partie de mon contrat, mentis-je. Le mystère autour de mon identité permettra au public de se poser des questions et d'encore plus s'intéresser au clip...
— Ouais, ouais, me répond l'un des caméramen. On la connait la chanson... Si-won nous a suffisamment bassinés avec cette version.
Pourquoi vous me harcelez alors ?
— Mais on n'y croit pas pour un sou, rajoute son collègue en passant son bras autour de mes épaules. Je te parie tout ce que tu veux que c'est parce que tu n'as pas les moyens de faire de chirurgie et que tu rendrais mal à l'écran.
Je secoue la tête, à la fois amusé par son raisonnement enfantin et exaspéré par son comportement guidé par la boisson. Je tente de le repousser afin de retrouver mon espace vital, mais il ne me lâche pas et s'agrippe même à mon débardeur.
— Alors ? continue-t-il en rapprochant son visage du mien au point que je parviens à sentir son haleine pestilentielle malgré mon masque. C'est quoi la vraie raison ?
— Ça me permet de cacher mes émotions, notamment en ce moment, craqué-je finalement. Tu pues encore plus qu'un chien. Ce serait bien que tu me lâches. Je suis pas ton pote.
L'atmosphère se refroidit instantanément alors que je fusille du regard le caméraman bourré. Il se détache de moi, rouge de honte, s'éloigne en déposant son verre sur la table avant de quitter la pièce. Je me mords la lèvre et regrette mes paroles. Je suis à deux doigts de le rattraper pour m'excuser, mais Soo-yun me sauve la mise en s'installant à la place désormais vacante à mes côtés.
— Arrêtez de le faire chier, les gars, leur ordonne-t-il après avoir vidé son shot. Vous croyez vraiment que ça lui fait plaisir de devoir garder ce masque qui l'empêche de boire et manger correctement en votre merveilleuse compagnie ?
Des murmures parcourent l'assemblée tandis que je saisis un bout de viande séchée pour le glisser maladroitement sous mon masque, histoire d'appuyer sa déclaration. Après quelques instants de flottement, les membres de l'équipe s'excusent chacun leur tour avant de reprendre leurs conversations initiales.
— Excuse leur trop grande curiosité, reprend Soo-yun une fois que le brouhaha s'est de nouveau installé. C'est leur obsession depuis que tu t'es présenté sur le plateau sur recommandation de Jiho et que tu as été accepté par Si-won.
Je me contente de hocher la tête et nous n'échangeons pas un mot de plus pendant quelques instants qui me semblent être une éternité. Il sort alors un papier plié de sa poche et le dépose devant mon verre, de sorte que personne d'autre que nous ne puisse le voir. Je fronce les sourcils, l'attrape et l'ouvre pour découvrir une suite de numéros que je devine être son numéro.
— Il faudrait que tu me donnes le tien aussi, souffle-t-il. Pour que je te tienne au courant de tout ce qu'il se passe à Séoul.
Je ne décoche pas un mot et sors mon téléphone. Je compose son numéro et l'appelle. Je raccroche dès qu'il sonne et le range à sa place.
— C'est fait. J'espère que tu ne le diffuseras pas. Si d'autres personnes que toi viennent à me contacter, je saurais qui l'auras fait fuiter.
— Même à tes amis ? m'interroge-t-il alors qu'il enregistre mon numéro dans ses contacts.
— Ce n'est pas nécessaire.
Ils l'ont déjà. Et depuis longtemps. Mais ça, il n'a pas besoin de le savoir. Je n'ai pas envie que toutes les personnes avec qui j'avais échangé mon numéro dans l'industrie et qui m'ont tourné le dos sans chercher à découvrir la vérité sur les rumeurs se rappellent à mon bon souvenir. Même si je me doute qu'il leur suffira de comparer celui qu'ils ont et celui qu'a Soo-yun pour comprendre qu'il est toujours actif.
— Ji-ha ?
Soo-yun et moi nous retournons comme un seul homme vers le propriétaire de cette voix. J'esquisse un sourire lorsque j'aperçois Do-yun qui a appuyé chacun de ses avant-bras sur le dossier de nos chaises.
— Oui, Doson ?
— Ça te dit de te joindre à nous pour une contre-soirée ?
Je papillonne des paupières, heureux de pouvoir enfin échapper à la pression des regards des membres de l'équipe et à la compagnie de Soo-yun qui, malgré sa gentillesse et sa bienveillance à mon égard, me rend mal à l'aise.
— Bien sûr ! m'exclamé-je en repoussant ma chaise alors que mon ami se redresse. Merci beaucoup.
— C'est normal ! rit-il face à la joie qui s'échappe par tous les pores de mon corps. Après tout, tu nous as rendu un fier service en te joignant à nous pour tourner le clip.
Je salue Soo-yun et suis mon ami vers la sortie. Nous arpentons les allées du domaine jusqu'à rejoindre les autres qui nous attendent devant l'aile qui leur est réservée. Ils ont les bras chargés de nourriture en tout genre, sucré comme salé, et trépignent d'impatience.
— Soo-yun te colle aux basques, me taquine Min-seo en me donnant un coup de coude dans les côtes alors que nous nous dirigeons vers le pavillon où nous avons pris l'habitude de nous retrouver tous les soirs.
Je soupire, fatigué rien que de repenser au danseur, et me contente de hocher la tête. Je lui prends la moitié de son chargement, car plusieurs friandises s'apprêtent à lui échapper. Elle me remercie en riant et je devine qu'elle a déjà pas mal bu pour réagir de la sorte à ma simple attention.
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Romance« Il était mon premier amour et mon corps refusait de passer à autre chose tant que je n'avais rien tenté. Parce que c'est ça un premier amour : un amour si fort qu'il en devient irrationnel, égoïste et dévorant s'il ne voit pas le jour à un moment...