Les lettres de Ségur - Lettre 4

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Je t'écris tandis que tes mots résonnent encore dans mon esprit.

Il faut dire que la satisfaction de la chute de Ramdir m'avait enivré au point que j'en ai baissé ma garde. Je me disais que le trône instable d'Aldrek le tiendrait loin de mes affaires pour un temps. Je me suis, de ce fait, naturellement tourné vers la péninsule afin de consolider mes amitiés avec le Capitaine Malgunar, dont les circonstances de pouvoirs restent plutôt obscures. Je suis donc retourné à sa rencontre, accompagné d'un associé partageant ma vision du monde. Ce dernier se nommait Varadil. C'était un charpentier qui avait appris par la force du destin les mêmes leçons que j'avais pu tirer de mes réflexions sur la flamme qui nous anime, à la différence que sa flamme fut étouffée par notre cher système valerois, où l'innovation n'avait que peu d'espace pour grandir. C'est donc sa volonté profonde d'être le bâtisseur d'un édifice grandiose et inédit, qui fit de lui le candidat idéal pour m'aider à tenir les promesses que j'eus faites aux Tentacles.

Ce fut tout naturellement qu'il m'accompagna de leurs villages. Moyennant quelques contreparties, il prit volontiers part à l'enseignement des arts charpentiers au peuple marin, qui accepta très enthousiastement. En mettant ainsi à profit ses talents et en leur donnant les moyens d'utiliser intelligemment les ressources qu'ils avaient acquises chez nos voisins de petite taille, Varadil venait de poser les bases de ce qui, je pense, changera la place de nos amis tentaculaires en ce monde. Va savoir, par la suite, si Malgunar saura me montrer une reconnaissance à la hauteur des bienfaits que je lui ai apporté.

Cette pensée m'avait dès lors accompagnée sur tout le chemin du retour. Maintenir le contrôle de leur flotte m'inondant d'excitation. Mais, hélas, les nouvelles qui me parvinrent à mon retour balayèrent ma joie.

Il semblait que mon nouvel adversaire allait se montrer bien meilleur joueur que son prédécesseur. Quelque temps après sa montée sur le trône, Aldrek avait ordonné une chasse aux gobelins, qu'il tenait pour responsable de la défaillance du dernier roi. J'avais eu écho de cette décision un peu plus tôt, sans pour autant y accorder un réel crédit. Cependant, les conséquences de cet ordre avaient pris une ampleur inattendue, allant au-delà des horreurs génocidaires commises par les nains durant l'Alean Tenpis. Ces nuisances verdâtres avaient été forcées de fuir en masse les souterrains des nains, s'abattant sur les territoires frontaliers comme une vague brutale, chaotique et terrifiée.

 Ces nuisances verdâtres avaient été forcées de fuir en masse les souterrains des nains, s'abattant sur les territoires frontaliers comme une vague brutale, chaotique et terrifiée

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Les premiers à en pâtir furent les Hommes d'Argonia, dont les cultures et villages de l'ouest furent saccagés par le passage des gobelins. Ce pays sans aucune empathie prit le parti de les massacrer par les armes, eux aussi. Certains évoquent également des rixes, au sud de la Bovénie, mais rien que je ne puisse confirmer. J'ai donc pris les devants et fait construire des abris aux abords de nos frontières, afin d'endiguer la migration avant qu'elle n'atteigne Valeroise. Cela fonctionnerait un temps, mais ils finiraient par se répandre tôt ou tard. Alors, je m'y suis rendu, escorté d'une troupe de mercenaires, afin de remettre de l'Ordre dans cette situation. J'avais apporté avec moi des vivres en grande quantité, ainsi que quelques outils. Simplement de quoi payer mon passe droit au sein de leur petite communauté. Je dois dire que l'accueil qui me fut offert fut l'élément le plus surprenant de ma visite.

D'ordinaire agressifs et ayant une forte affinité avec le larcin, ces créatures me montrèrent une facette bien différente des racontars qui m'étaient parvenus à leur sujet. Donnez leur un foyer et ils vous vénèrent. Ma venue fut célébrée à la mélodie des chants et louanges clamées dans leur argot. Alors que je distribuais des fruits, certains se sont prosternés, tandis que d'autres m'acclamaient sous le titre de "Grand Protecteur" ou même de "Héros". Et je dois avouer que le titre me plairait: "Ségur, Héros des monstres". Si je ne faisais pas cela dans le but de les renvoyer encanailler les rot'eg, peut-être qu'un historien songerait à me l'accorder.

Mais Aldrek veut reprendre la partie. Il me faudra lui faire comprendre que c'est moi, le seul à battre les cartes. Quoiqu'il tente, ma main est prête, et mon jeu l'attend. Alors laissons l'honneur aux revanchards.

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