Chapitre 9 - Veuillez prendre vos articles

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Je pourrais actuellement faire la une d'une exposition sur les mammifères à l'état naturel. J'entends déjà la voix du guide touristique faire sa présentation au groupe de collégiens venus ici pour leur cours de SVT :

"Et là, vous pouvez observer un spécimen humain en en pleine crise existentielle. Comme vous pouvez le constater, son état léthargique et le fait qu'il n'ait pas bougé de ce lit depuis trois jours indique qu'il est trop occupé à se poser des questions sur la vie pour bouger, malgré les nombreuses sollicitations de ses congénères."

Je fais pitié. Heureusement que le reste de l'orphelinat est en cours, parce que j'aurais pas supporté de voir leurs regards plein de compassion comme dimanche. C'est bon, je sais que vous avez l'impression d'avoir en face de vous un petit poussin qu'on a arraché à sa maman, merci de ne pas en rajouter histoire de préserver le peu de fierté qu'il me reste (c'est à dire aucune).

N'empêche, je pensais pas que Lina me laisserait louper les cours comme ça, surtout que c'est moi qui lui ait dit que j'étais prêt à retourner au lycée de base. Comme quoi, cette femme peut avoir un coeur, quand elle veut. Elle m'a même apporté un chocolat chaud tout à l'heure. Je vous jure, je la reconnais pas. Je vais commencer à croire qu'elle a été remplacée par un clone maléfique.

En parlant de visiteurs, quelqu'un frappe à la porte puis entre sans même attendre de réponse. Je ne prends même pas la peine de me retourner, sachant très bien de qui il s'agit vu que tout le reste de l'orphelinat est actuellement en train de bosser en enfer.

- Aitor, dégage, je tiens pas à chopper ta crève.

- Ca changerait pas grand chose vu que t'es déjà au lit toute la journée.

Aïe, le gosse a de la répartie. Il se tape l'incruste sur le lit de Jordan, lui piquant au passage sa peluche extraterrestre. Au final, c'est la pistache qui va tomber malade, vu qu'il s'endort toujours en serrant Reize (la peluche) dans ses bras. Et ça, ça m'arrangerait pas non plus, parce que ça voudrait dire que Jordy passerait ses journées ici, et je vois déjà assez d'humains comme ça en ce moment.

- Lâche ça, c'est pas à toi.

Aitor m'ignore royalement, et me demande à la place :

- Si t'es là, c'est parce que t'as un bobo qui se voit pas ?

Je me redresse légèrement, étonné qu'il se souvienne de ce que je lui ai dit la fois où il m'a accompagné à l'hôpital.

- On peut dire ça, ouais, je lui réponds.

- Lina dit que pour soigner les bobos, il faut faire un bisou magique. Si je t'en fais un sur la joue, ça marchera ?

- Tout ce que tu vas faire, c'est me refiler tes microbes, je lui rétorque en l'entendant renifler.

Aitor fait la moue, puis repose Reize à sa place avant de se relever. Avant de partir, il me lance :

- D'abord, Hunter il a dit qu'on devrait pas te laisser tout seul, parce que sinon ton bobo allait pas guérir.

Et il ressort avant même que je n'ai le temps de lui demander des explications. C'est fou, j'ai de plus en plus de mal à le cerner. Avant, je pensais que c'était juste un sale gosse qui fait semblant d'être un ange adorable. Sauf qu'au final, on dirait qu'il peut vraiment être gentil, quand il veut. Évidemment, ça reste un môme de six ans, donc il y a beaucoup de choses qu'il ne comprend pas encore, comme le vrai sens des paroles d'Hunter. Mais il mérite au moins un point pour l'effort.

Puis, la porte s'ouvre sans que personne ne frappe cette fois, et Claude s'incruste comme si c'était sa chambre. Bizarre qu'il soit là si tôt. Soit son dernier cours était annulé, soit il l'a séché. Dans tous les cas, ça lui donne pas le droit d'entrer sans permission.

Écarlate - KidofudoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant