Une semaine plus tard,
Centre de rééducation physique et cardiaque de Cambridge.
Après la fin de ce chaos, la vie a repris son cours comme si, rien ne s'était produit. Les deux chefs de gangs se sont occupés de blanchir chaque personne qui était présente dans ce bâtiment. Mais, je n'ai pas échappé à l'interrogatoire qui m'a attendue en rentrant à la maison familiale. Je me devais de lui dire la vérité, toute la vérité... Crue. Mais tel est désormais mon monde, et je ne veux plus laisser quiconque derrière moi. La dure réalité des choses, nous apprend combien nos proches sont notre diamant le plus précieux. En une fraction de seconde, tout peut redevenir poussière.
- Anna ?
Je tourne la tête vers la secrétaire qui sort de son bureau marchant dans ma direction. Je me lève du banc de l'entrée pour la rejoindre à mi-chemin.
- Tenez
Marie, de son prénom, Me tend une carte magnétique, puis m'explique le chemin afin d'atteindre la chambre de Théo, qui vient de revenir de sa séance de piscine.
Je la remercie avant de m'enfoncer dans le couloir à ma droite. Chambre deux cent trente-quatre. Bien que Monsieur ait accepté de venir ici après maintes conversations, il a tout de même mis un point d'honneur à avoir une chambre seule et isolée. Son statut lui a permis d'avoir la meilleure vue possible, donnant sur le parc tant réputé de la ville. Ce qui donne l'impression de ne pas être enfermé entre quatre murs, et je sais combien cette situation le pèse. Lui, qui a tant l'habitude de tout contrôler, a dû cette fois laisser la main. Même si je me doute que son ordinateur ne doit pas être très loin, ni même son téléphone qui au passage est censé être proscrit dans ce lieu, ne fait que vibrer à longueur de journée.
Je toque deux petits coups sur la porte, puis je la pousse. Théo tourne la tête dans ma direction, complètement avachi sur son lit. Un lent sourire se dessine sur ses lèvres quand il me voit.
- Je sais ce n'est pas beau à voir
Je lève les yeux au ciel face à sa remarque. Je m'avance vers lui pour lui embrasser le front, puis je m'assois sur la chaise face au lit, avant de demander :
- Comment tu te sens ?
- Ronchon et inutile
Mon rire se fraie un chemin face à sa réponse. Je secoue la tête, et décide de changer de sujet.
- Je t'ai apporté quelques gâteaux du shop.
Devant son intérêt soudain face à ma boite, Théo se relève et l'attrape de mes mains, puis il l'ouvre humant l'odeur qui s'en dégage. Mais, il éloigne subitement le muffin de sa bouche, son regard se plisse dans ma direction, l'air méfiant.
- Tu ne l'as pas empoisonné ?
- Mais, enfin Théo ?
Prise d'un fou rire incontrôlable, je me plie en deux essayant de calmer la crampe qui surgit sur mon abdomen. J'essuie les larmes dans le coin de mes yeux. Inspirant et expirant calmement, ce qui m'aide à reprendre mon souffle peu à peu.
- Ça fait du bien de t'entendre rire Anna
Surprise, je penche la tête sur le côté pour analyser ses paroles. À vrai dire, je me sens en paix avec moi-même, et je crois que cela fait bien longtemps que je ne m'étais pas sentie ainsi.
- Je vais mieux. Réponds-je
Théo se rapproche du bord du lit, il pose la boite à ses pieds puis attrape mes mains posées sur mes cuisses. Toute trace d'humour quitte son visage.
- Je n'ai jamais voulu ça, te faire autant de mal. Souffle-t-il
- Je sais, enfin...
Je baisse la tête sur nos mains liées, respirant un grand coup avant de reprendre :
- Au début ça m'a fait mal, j'étais détruite et ça durant des mois chaque jour j'avais espoir que tu finisses par revenir, je n'ai jamais compris ton choix mais j'ai fini par accepter et faire le deuil de notre relation
- Grâce à lui n'est-ce pas ?
- Silas a été le déclenchement oui, il m'a aidé à guérir. Soufflé-je
Sa main se resserre autour des miennes tandis que la pulpe de son pouce caresse lentement l'intérieur de mon poignet. Théo n'a jamais été démonstratif, que ce soit dans les paroles ou dans les gestes. Mais j'ai appris à le connaître, malgré ce qui a pu se passer. Je sais que par ce simple toucher, il se sent soulagé de mes paroles. Parce qu'au fond, nous serons toujours liés, je l'aimerai toujours. D'un amour sincère et profond, car le temps n'effacera jamais ce que nous avons vécu. Il a été là dans des moments sombres de ma vie, et je lui en serai éternellement reconnaissante.
Cela paraît peut-être fou de ma part de penser ainsi, mais ça ne sert à rien de rester plongé dans sa haine. D'être aveuglé par ce sentiment, j'ai mis du temps... De longs mois avant d'enfin trouver la sortie de ce sombre tunnel, et c'est apaisant d'y trouver la paix.
Sa voix devenue rauque retentit dans le silence de la pièce :
- Je suis parti parce que je pensais que c'était la meilleure chose à faire, les menaces pesaient beaucoup sur moi et je ne voulais pas qu'ils puissent t'atteindre car je ne voulais pas te perdre Anna. Ils savaient que tu étais mon point faible, c'était une question de temps avant qu'il ne te fasse du mal... Chuchote Théo
Je ne peux empêcher mes larmes de se frayer un chemin le long de mes joues. J'ai attendu cette conversation tellement longtemps, je me la suis imaginée tellement de fois. Et pourtant, jamais je n'aurais cru entendre ses mots...
Un rire sans joies franchit ses lèvres avant de reprendre la parole :
- Le pire c'est que ça n'a même pas marché, ils ont réussi à t'atteindre. Je suis désolé Anna, désolé du mal que j'ai pu te faire...
Je me penche en avant, encerclant son cou de mes bras pour rapprocher nos deux corps. Surpris, il laisse ses mains quelques secondes sur mes genoux, puis il finit par venir m'entourer la taille dans une étreinte réconfortante.
A cet instant, je me sens plus légère. Libérée d'un poids. Je peux enfin aller de l'avant, sans avoir de regret.
- Merci de m'avoir dit la vérité, ça compte beaucoup pour moi Théo. Réponds-je
Le pardon est une chose importante, car dans la vie il faut savoir le faire pour pouvoir avancer. Alors peu importe les entailles qui jonchent mon cœur, j'accepte ses excuses. J'accepte enfin de guérir, de ne plus lutter contre moi-même. Le temps finit toujours par soigner nos plaies...
Nous ne pouvons pas vivre éternellement dans le passé, aux risques de passer à côté des plus belles choses que la vie a à nous offrir. Et elle m'a trop bousillée pour que je ne profite pas de ce bonheur qui m'entoure. Enfin...
Parce que les actes valent milles mots. Je le serre une dernière fois dans mes bras avant de lui embrasser les deux joues. Car il sait, sans que je n'aie besoin de parler, ce que je ressens à cet instant. J'attrape ma boite vide sur le sol, puis je pousse la chaise contre le mur avant de saluer mon ami qui a déjà repris sa place tel une baleine échouée en pleine mer.
Avant que je ne franchisse le seuil de la porte sa voix retentit dans mon dos :
- N'oublie pas les cookies trois chocolats la prochaine fois.
Un sourire franc s'incurve sur mes lèvres, tandis que je marche dans le couloir de la clinique avec hâte. J'envoie un bref message à Silas, le prévenant de mon départ imminent.
La sonnerie de mon téléphone retentit aussitôt entre mes doigts, j'appuie sur l'icône de notre conversation. Le visage de Silas apparaît dans un selfie pris sur mon canapé, accompagné de Rufus allongé le long du dossier à l'arrière de son cou.
Pressant le pas, je fais signe à la secrétaire avant de trottiner vers ma voiture.
VOUS LISEZ
Un coeur pour deux
RomanceAprès le décès subit de sont père, Anna cherche à se reconstruire auprès de ses proches. Mais quand sont petit-ami, qu'elle pensait être l'amour de sa vie, l'abandonne. Tout s'effondre. Se réfugiant dans le travail de sa boutique. Jusqu'à se qu'...