Catualon le nain - 2 -

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Ce soir-là, le visiteur était en retard. Catualon porta la cornemuse à ses lèvres et lança une première série de notes. Alors qu'il poussait un peu son instrument, il crut percevoir un chuchotement. Vu le tintamarre que le biniou produisait, il aurait été impossible d'entendre même un hurlement à quelques coudées de son oreille. Il comprit donc qu'on lui parlait par magie. Il cessa de jouer et prêta l'oreille. Le souffle du vent faisait bruisser la brande.

« Catualon... »

Il se leva et inspecta les alentours. Un paysage indistinct et silencieux s'étendait au-delà des blocs de granit qui parsemaient la côte.

« Catualon ! » reprit la voix. Ou plutôt la sensation de voix.

— Qui m'appelle ?

« Catualon ! Ce soir, un être indésirable va venir te trouver. Si tu veux revoir le soleil, écoute attentivement. »

Le nain se figea.

— J'écoute.

« Ôte tes vêtements et pose-les sur le rocher le plus proche »

— Est-ce bien raisonnable ? Je suis extrêmement frileux... et pudique.

« Prends ensuite le sentier côtier. Marche jusqu'à ce que la lune ait atteint son zénith. »

— Nu sur le sentier ? J'ai la plante des pieds trop sensible pour ce genre d'aventure !

« Tu trouveras à main gauche un buisson de beltaine. À cet endroit pousse un parterre d'aigremoine dont tu cueilleras un bouquet ».

Catualon pencha la tête sur le côté et se caressa la barbe.

— De l'aigremoine ? On s'en sert pour repousser les gobelins et...

« Alors seulement tu pourras rentrer chez toi sans risquer de rencontre inopportune ».

— ... les démons.

Il s'apprêtait à émettre une série de remarques et de questions quand il aperçut, à environ une centaine de pas, deux formes qui se déplaçaient dans sa direction. Un homme et un molosse. Non... un loup ! Sans prendre le temps de réfléchir, il posa son instrument contre le rocher et passa sa houppelande par-dessus sa tête. En quelques gestes précis, il se débarrassa de sa chemise de lin et de ses braies. L'air frais de la mer lui caressa la peau. Par bonheur, un printemps clément adoucissait l'air vespéral depuis quelques jours. Aussi nu qu'un nouveau-né, il se mit à frissonner. Soudain, une cascade de petits rires ricocha entre les blocs de pierre. Le nain serra les poings en essayant de voir d'où cela provenait.

— Des korrigans, j'aurais dû m'en douter !

Il se pencha pour ramasser ses affaires, mais elles avaient toutes disparu.

— Morbleu ! Misérables vermines ! Vous allez me le payer !

Tandis qu'il fulminait de s'être fait berner aussi facilement, il fut surpris de ne plus apercevoir la silhouette qui, quelques instants plus tôt, marchait dans sa direction.

« Catualon ! Le sentier ! » reprit la voix.

— Ça suffit maintenant ! Vous m'avez roulé une fois, pas deux ! Attendez que je vous attrape...

Mais il savait la chose pratiquement impossible : chasser des korrigans dans un dédale de rochers, nu, à la nuit tombée... semblait une entreprise vouée à l'échec.

— Un problème, monsieur le nain ?

Catualon sursauta en découvrant un homme au sourire éclatant qui le toisait depuis l'arête d'un escarpement, en surplomb. S'agissait-il de la silhouette aperçue un peu plus tôt ? Dans ce cas, comment l'homme avait-il pu arriver si vite ? Le museau d'un loup, apparu à ses côtés, confirma l'hypothèse, pourtant extravagante.

Le Tombeau des Géants - 1 - La changeline et l'androloupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant