19 I Le langage des fleurs

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J'ai poussé Gabriel. Fort. Il y a deux jours. Et le pauvre est tombé - sa tête a cogné contre l'îlot de cuisine comme une poupée de chiffon et je suis resté figé pendant trois secondes, complètement largué.

Je tenais mon poing suspendu au-dessus de lui. Nous sommes restés tous les deux, le souffle coupé. Le doux Gabriel, le solaire Gabriel, le fier Gabriel, le coriace Gabriel, étendu au sol, la tempe ouverte - je crois que je ne réalise toujours pas.

En descendant les escaliers ce soir-là, j'ai trouvé mon mari à la table de la salle à manger, une pile de dossiers incommensurables en main - comme toujours. Je l'ai observé, tout seul, sous la lumière blafarde du luminaire. J'avais envie de le secouer, de le provoquer, de le faire craquer, qu'il remarque enfin que j'étais là – plus vivant que ces foutus papiers.

On s'est disputés et je l'ai poussé - sans aucune hésitation, ni état d'âme.

Je n'avais encore jamais réfléchi à ça - frapper Gabriel. Parce que je pensais avoir enterré cette partie de moi six pieds sous terre, avec les vestiges de ma relation passée.

Nous revoilà donc au point de départ - youpi ! - et cette fois, je ne peux blâmer personne d'autre que moi. Le Gabriel solaire a disparu. C'est normal dans les passes difficiles, mais je ne veux pas qu'il s'éloigne. Alors, je me suis répandu en excuses - toutes plus ridicules les unes que les autres. J'ai acheté des fleurs, j'ai repassé toutes ses chemises pour le boulot, j'ai fait des lasagnes - en bonne petite femme au foyer, mais rien n'y fait, mon Gabriel a disparu.

Ça m'emmerde de voir mon mariage se désintégrer sous mes yeux sans savoir quoi faire, putain !

Gabriel me regarde à peine quand je lui fais l'amour. J'ai l'impression de me servir d'une poupée gonflable. Je le pousse contre une table ou le cadre du lit et je le baise. Il reste silencieux jusqu'aux derniers instants, quelques grognements rapides, puis je le lâche.

Mécanique, dénué d'envie.

Je pourrais très bien en parler à ma mère, psychologue de surcroît. On pourrait croire qu'elle serait la mieux placée pour m'aider à y voir plus clair. Mais j'ai trop de fierté. Et puis Catherine ne sera pas objective dans ses conseils matrimoniaux : elle cherchera par tous les moyens à me convaincre de quitter le vilain petit canard qu'est Gabriel pour une blondasse parfaite, celle qu'elle rêvait de me voir épouser. Qu'elle aille au diable, elle et sa blondasse !

Très bien, je préfère m'en remettre à vous - comme un pauvre type qui écrit à des magazines pour gonzesses - pitié, soyez meilleurs que leurs conseillers.

"Votre mari, avec lequel vous partagiez autrefois une vie sexuelle merveilleuse, est devenu distant et froid. Que faire ?"

Réponse A : Vous pleurez et vous exigez des explications qu'il n'est pas prêt à donner, ce qui a pour effet de l'éloigner encore davantage de vous, ou, réponse B : vous gardez confiance : ce n'est qu'un accident de parcours dans une longue vie commune, et ça finira par passer.

Réponse B, non ? 

C'est ce que j'avait choisit. 

Et Gabriel a finit par recommencer à sourire. Alors, j'ai peut-être bien fait de le secouer finalement, parce qu'il me regarde à nouveau.


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Gabriel errait entre les rayons de la petite boutique depuis une éternité. Son objectif était simple, du moins en apparence : trouver la plante qui scierait parfaitement à Jordan Bardella. Il en était à sa troisième tentative, et chacune de ses précédentes propositions avait été sèchement refusée par son rival politique.

REQUIEM- Attal & BardellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant