17 I Sept jours après

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La police ne retrouverait jamais Laurent, à supposer que quelqu'un veuille bien le retrouver. Gabriel ne savait pas vraiment où il se plaçait sur cette échelle. Peut-être 5 pour la forme ou 10 pour que la police cesse de l'emmerder, la mère de Laurent avec.

Cette vieille peau ne s'était jamais intéressée à son fils, mais voilà qu'elle réapparaissait comme un spectre, hantant Gabriel avec tout le mépris dont elle était capable.

Cathy le détestait, elle détestait les pédés, mais, étrangement, elle ne détestait pas Laurent. Non, c'était et ça resterait toujours son petit fils chéri malgré ses tares. Très ironique qu'elle s'en rende compte maintenant - une fois que son fils était six pieds sous terre - enfin, ça aussi c'était de la fumisterie, pas vrai ? Dieu seul le savait, lui et la foutue lettre qui trônait toujours sur la table basse de son salon.

La vieille voulait absolument placarder tout St-Malo d'affiches en 300 dpi du portrait de son fils, monter des conférences de presse, des battues, bref la totale. Gabriel avait réussi à la raisonner - non sans mal - pour qu'elle ne choisisse qu'une activité dans le joyeux manuel "comment retrouver mon fils porté disparu".

Manquerait plus que ça fasse la une des journaux, tiens !

Toutes les étendues vertes et bleues avaient été fouillées : des kilomètres de terrains vagues dans tout St-Malo, les sentiers de randonnée, allant des bois clairsemés aux forêts denses, jusqu'aux falaises. Si Laurent était vivant, quelqu'un allait devoir le rendre. S'il était mort, la nature devrait le restituer.

Gabriel, lui, avait une théorie plus amusante : Laurent devrait restituer Laurent.

Il en rigolerait presque.

Seul problème : les flics ne le lâchaient plus. Ces connards étaient persuadés que le Premier Ministre était mouillé dans cette affaire. Comme s'il avait eu le temps de préméditer la mort de son mari ! Avec le chaos des législatives, Gabriel avait eu d'autres chats à fouetter sérieusement !

Pour tout vous avouer, il aurait adoré le faire ! Mais pas comme ça. Non, le ministre se serait contenté de lui trancher la gorge avec un simple couteau de cuisine - vite fait, bien fait - et de laisser son cadavre sur le perron dans un bain de sang avec l'arme du crime aux pieds, histoire que l'enquête avance plus vite et qu'ils puissent tous passer à autre chose.

Bien sûr, cette plaisanterie, Gabriel n'avait pas été assez con pour la faire aux flics.

Non, le Premier Ministre avait réussi à étouffer l'affaire d'une main de maître, mais aujourd'hui, même la hauteur de sa fonction peinait à retenir les pleurs d'une mère endeuillée. Comme quoi, personne n'est intouchable - enfin, si, Macron lui, n'aurait eu aucun mal à cacher l'affaire sous le tapis - c'était sa spécialité, cacher les horreurs sous le tapis.

À cet instant précis, le ministre aurait rêvé prendre sa place.

En parlant de l'Empereur Palpatine - Fanny avait élaboré un magnifique buffet - pourquoi faire ? Très simple, tout le gouvernement de Gabriel était gentiment en train de lui montrer la porte de sortie pour qu'il dégage - et plus vite que ça, semblait jubiler ce connard de Darmanin. Qu'est-ce qu'il comptait faire ? Prendre sa place ? Grand bien lui fasse - Attal serait bientôt en taule pour meurtre de toute façon.

Malgré la nausée qui lui tordait l'estomac, Gabriel se convainquit d'avaler quelque chose : un pain aux raisins par exemple. Il n'existait pas d'aliment plus déprimant que le pain aux raisins - une pâtisserie rassie avant même d'être cuite au four. Mais c'était en parfaite adéquation avec sa vie de merde.

Fanny le fixait à la dérobée depuis plusieurs longues minutes maintenant. Sûrement qu'elle se croyait discrète, protégée derrière son écran d'ordinateur, mais - que le Seigneur le pardonne - Gabriel n'avait qu'une envie : lui arracher le clavier des mains et lui balancer à la figure avant de hurler : "Qu'est-ce que j'ai sur la gueule pour que tu me dévisages ainsi, connasse !"

REQUIEM- Attal & BardellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant