Jordan était resté seul, dans le noir complet, plusieurs longues et interminables minutes après la déclaration publique de Gabriel. Ça l'avait ébranlé : ce regard de biche blessée... Parce que derrière le spectacle du mari éploré, il avait entrevu un éclat de vérité – une toute petite flamme vacillante, de celles qu'ils partageaient tous les deux entre leurs draps...
Gabriel savait jouer, certes, mais il ne savait pas mentir avec les yeux. Et ce petit détail, Jordan l'avait senti au plus profond de ses tripes, là où le doute, la culpabilité et l'amour s'enchevêtraient pour le réduire en miettes.
J'étais perdu, se répétait-il. J'étais seul, j'avais peur... ma propre mère m'avait tourné le dos. Peut-être, oui... Mais ça n'excuse rien. J'ai cédé, j'ai écrit, et j'ai menti.
Il n'avait jamais pensé pouvoir se haïr à ce point. Et pourtant...
Le jeune député avait fermé les yeux, honteux, et avant même de saisir pleinement l'ampleur de son impulsion, il s'était retrouvé dans sa voiture. Sa main tremblait sur le volant tandis que son esprit continuait à tourner, incapable de freiner ce désir insensé de vouloir lui dire, non, de se faire pardonner ? De le tenir entre ses bras ? Peut-être. Peut-être que c'était ça, l'envie primitive, celle qui lui donnait des crampes à l'estomac.
Paris dormait sous un voile de pluie opaque. Les gouttes fouettaient son pare-brise avec une fureur insensible. Sûrement que Jordan roulait trop vite, mais le brun n'avait aucune envie de ralentir. À chaque feu rouge, il accélérait avant même que le vert ne s'allume, dans l'espoir que le temps ne file pas sans lui.
Je dois le revoir. J'ai besoin de le revoir. Je vais le revoir. Avant que...
La phrase tournait en boucle dans sa tête – un mantra qui étouffait tout le reste. Il savait que c'était de la pure folie de se pointer chez Gabriel – alors même que ce foutu article était programmé pour exploser d'un instant à l'autre... mais que voulez-vous, sa raison n'avait plus raison d'être.
Le garçon se gara en double file. Le moteur ronronnait encore alors qu'il fixait l'immeuble – ou plutôt cette fenêtre illuminée, là-haut, comme un phare en pleine tempête. Gabriel ignorait encore la vague qui était sur le point de déferler sur lui.
Un ultime regard vers le rétroviseur puis Jordan sortit, claquant la portière dans un bruit sourd. L'odeur âcre de la pluie lui agressa aussitôt les narines. Il resta figé au pied de l'immeuble tandis que les gouttes martelaient sa veste, glissaient sur ses cheveux, traçaient des sillons glacés le long de ses joues.
L'envie de fuir lui mordit la nuque.
S'il reste un putain de fragment d'honneur en moi, je me dois de poser mon cœur aux pieds de Gabriel.
Jordan releva la tête et appuya sur l'interphone. Après de longues secondes d'attente interminable, une voix brouillée lui parvint.
"Oui ?"
Son cœur s'accéléra, les gouttes de pluie battant la mesure.
— C'est moi, réussit-il à articuler.
Un silence suivit. Il ne savait pas si Gabriel avait entendu, ou s'il hésitait encore... Soudain, le bruit d'un verrou que l'on déverrouille fendit la nuit. Le jeune député n'attendit pas une seconde de plus. Il franchit la porte, gravit les escaliers quatre à quatre, ses vêtements trempés lui collant à la peau.
;
VOUS LISEZ
REQUIEM- Attal & Bardella
Fiksi PenggemarAprès un débat houleux, Jordan Bardella sort fumer une cigarette. Dans l'obscurité du parking, il assiste à une scène terrible : Gabriel Attal, son rival politique, est violemment agressé. L'inconnu s'acharne sur l'homme à terre avec une haine que m...