27 I On se bat ou on crève

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L'inspectrice désigna le pilori en métal où Gabriel avait été assis quelques minutes plus tôt. Le siège était encore tiède, et l'air autour semblait imprégné de son odeur. Jordan s'approcha, à reculons, et posa ses mains sur les accoudoirs.

— Tout vêtu de noir ! Vous avez un enterrement de prévu, Monsieur Bardella ? lança la blondasse en guise de bonjour.

— Oui, mon image médiatique.

— Toutes mes condoléances. Néanmoins, sachez que le deuil vous va à ravir ! Le ton était moqueur, une attaque déguisée derrière une façade de politesse. Du Moreau tout craché. Jordan commençait à bien cerner l'animal. — Tous n'ont pas cette chance... Prenez votre nouveau petit copain, par exemple ! Méconnaissable... Le pauvre n'a pas dormi de la nuit, les yeux vitreux, les mains tremblantes, le teint livide et -

— Oh, épargnez-moi votre fausse sympathie... Vous jubilez ! la coupa Jordan en levant les yeux au ciel.

Claire pencha la tête sur le côté, un petit sourire narquois aux coins des lèvres.

— J'avoue que je lui trouve un certain... charme à pleurnicher comme une veuve éplorée. Pas vous ?

Ses dents grincèrent imperceptiblement.

— Ça lui donne un petit air... misérable, poursuivit-elle devant le mutisme de son accusé. — Le genre de vulnérabilité qui donnerait presque envie de le croire. Presque.

Le silence s'étira, étouffant, tandis que Moreau arpentait la pièce avec une grâce presque féline. Ses talons claquaient sur le carrelage froid, chaque pas tranchant le silence comme une lame. Elle s'arrêta derrière Bardella, ses doigts s'enroulèrent autour du dossier et elle hésita à poser une main sur son épaule... mais se ravisa au dernier moment : même pour asseoir son pouvoir, Claire n'était pas prête à se salir les mains.

— Aucune réplique ? Vous êtes décevant, Bardella.

— J'en ai assez de votre petit numéro de dominatrice, siffla-t-il soudainement entre ses dents. — Les préliminaires, c'est bien mignon, mais passons directement à la baise.

Le coup porta. La blondasse se figea, ses doigts crispés autour du dossier. Mais elle ne perdit rien de son mordant. — Ah, c'est parler de votre petit copain qui vous rend si... impatient ?

Claire se pencha pour planter ses yeux aciers dans les siens. Le jeune député semblait sur le point d'exploser, vu le regard noir qu'il lui lançait. Parfait, se dit-elle, le petit chat sauvage ne tardera pas à sortir les griffes.

Elle contourna Bardella avant de rejoindre son trône, juste en face de lui.

— Passons à la baise, donc. Elle s'humecta-t-elle les lèvres. — Vous êtes là parce que vous êtes dans la merde jusqu'au cou. Gabriel a buté son mari, et vous ? Vous avez nettoyé derrière. Une petite tâche de sang par ci, une flaque par là...

Jordan soupira bruyamment face à l'accusation mais resta impassible - parfaitement impassible. Lisse, neutre au possible ! Claire maudissait Marine Le Pen d'avoir créé ce putain de cyborg.

— Un malentendu fâcheux... lâcha-t-il finalement en haussant les épaules, comme si toute cette histoire n'était qu'une bagatelle.

— "Malentendu fâcheux" ou complicité de meurtre ?

Il n'eut qu'un faible mouvement de tête, son sourire s'étirant avec cette insolence qui donnait à la blonde des envies de meurtre.

REQUIEM- Attal & BardellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant