14 I Oiseaux de nuits

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Les flics avaient quitté la maison depuis plusieurs minutes déjà - peut-être même une bonne demi-heure. Jordan Bardella, debout près de la baie vitrée, observait le soleil décliner lentement vers l'est, colorant le ciel de nuances parmes et orangées. C'était le meilleur moment de la journée, chaque chose devenant immédiatement chatoyante et dorée. Une image trop parfaite, presque irréelle, comme une carte postale.

L'herbe du jardin scintillait, les oiseaux chantaient, Volta gambadait joyeusement après un papillon bleu. Quel beau spectacle ! Une cigarette à la main, le jeune député savoura ces quelques instants suspendus hors du temps. Il inspira profondément, la fumée chaude envahissant ses poumons, puis expira en petites volutes aussi légères que des plumes.

Un sourire étira ses lèvres lorsque les rayons du soleil vinrent effleurer sa peau d'albâtre. C'était doux - rien à voir avec la canicule qu'il subissait dans la capitale.

Soudain, son téléphone vibra dans la poche de son pantalon. Il hésita une seconde avant de sortir le petit appareil, les doigts encore tremblants sous l'effet de la nicotine.

Vingt appels manqués.

Iris.

Merde, il l'avait complètement oubliée celle-là au milieu de tout ce chaos.

Disons que le politicien n'avait pas vraiment eu le loisir de s'emmerder entre son réveil à 5h, l'inconscience de Gabriel, la voisine, la pipe éclair, et les putains de flics. D'un geste brusque - ou plutôt, parce que l'idée de laisser la jeune femme dans l'incertitude lui était insupportable - Jordan décrocha.

- Enfin ! Explosa aussitôt la brune à l'autre bout du fil.

Le Président du Rassemblement National se mordit la langue pour ne pas balancer toute sa frustration à la gueule de la jeune femme. Elle avait toutes les raisons du monde d'être anxieuse après tout... Depuis ce matin, première heure, Iris tournait probablement comme une lionne en cage devant la porte fermée de son appartement. Alors il pouvait bien faire un petit effort.

- Vous vous envolez les uns après les autres, s'exclama-t-elle, les lèvres pincées. - Gabriel et maintenant toi ! Je me demande bien qui sera le prochain oiseau à s'évaporer dans la nuit... Elle soupira, las, avant de poursuivre : - Dis-moi que tu as une excuse valable pour m'avoir ignorée toute la journée - non, mieux encore, que par miracle, tu as retrouvé Gabriel!

Un petit sourire étira les lèvres de Bardella. D'un geste théâtral, le politicien fit volte-face, la fenêtre maintenant derrière lui et contempla la silhouette de Gabriel, plus sain et sauf que jamais dans l'embrasure de la porte.

- Eh bien, je crois que tu vas pouvoir retourner à l'Église tous les dimanches à partir de maintenant... murmura-t-il avec une pointe de sarcasme en s'approchant de son amant, qui, les sourcils froncés, lui demanda silencieusement avec qui il discutait. Pour seule réponse, Jordan lui tendit le téléphone, un sourire énigmatique aux lèvres.

La brune roula des yeux, exaspérée. - Mais qu'est-ce que tu essaies de me dire encore dans ton langage codé à la con, je n'ai ni le temps ni la patience pour tes énigmes. Va droit au but, ou je te -

- Iris !

Un ange passa.

- Gabriel ?! C'est toi ? Hurla la jeune femme dans le combiné, si fort que son frère dut éloigner l'appareil de ses oreilles déjà bourdonnantes.

- Tu vas bien? Qu'est-ce qui s'est passé? Pourquoi tu ne répondais pas? Que tu n'étais pas chez toi? Et je - pardonnes-moi, je suis un peu à fleur de peau, ajouta-t-elle nerveusement en se frappant le front du dos de la main. - Est-ce que tout va bien? demanda-t-elle plus calmement.

REQUIEM- Attal & BardellaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant