18- Second indice

2 1 0
                                    


Lundi 18 juillet

Louna fut surprise quand elle vit s'approcher un homme à l'allure encore jeune. Elle lui aurait donné 30, 35 ans.

— Mademoiselle Rey, c'est bien ça ?

Elle se leva et lui tendit la main.

— Oui, c'est bien moi, lui répondit-elle en souriant. Et en meilleur état que lorsque vous m'avez trouvée.

Il lui serra la main avec fermeté, un petit sourire aux lèvres.

Ils s'assirent à la table qu'avait choisie Louna, en extérieur.

M. Lejeune avait l'air mal à l'aise, aussi Louna commença :

— Vous désirez quelque chose ? un café ? une boisson fraîche ? C'est moi qui invite.

— Oui, je veux bien un Ice Tea. Mais je peux payer...

— Non, non, je vous invite. C'est le minimum que je puisse faire pour vous remercier. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureuse de vous rencontrer. Vous m'avez littéralement sauvé la vie.

L'homme agita ses mains d'embarras.

— Comme je vous l'ai dit, c'est tout à fait normal d'aider son prochain. Et je suis aussi très heureux et soulagé de constater que vous allez bien. Les pansements proviennent de votre accident ?

— Euh... non. C'est une autre histoire, un peu embarrassante... Mais rien de grave, rassurez-vous, bafouilla-t-elle.

— Vous pouvez m'appeler Pierre, si vous voulez.

— D'accord, Pierre. Et moi, Louna.

Un jeune homme vint prendre leur commande : un jus de fruits exotiques pour Louna et l'Ice Tea pour Pierre.

— Pouvez-vous me raconter comment ça s'est passé ? Comment vous m'avez trouvée ? En fait, je ne vous ai pas dit, mais j'ai oublié cette journée-là, j'ai tout oublié... Depuis quelques jours, j'ai bien des flashs mais pas de l'accident même.

Pierre resta ébahi devant cette annonce et ne se fit pas prier pour tout lui rapporter, de son départ de chez lui à l'arrivée des secours.

— Vous n'avez vraiment aucune idée ou théorie de ce qu'il m'est arrivé ? de pourquoi j'étais hors du chemin ? insista-t-elle désespérée.

— Je suis désolé, mais je ne sais rien de plus.

Il se tut un instant pour boire son thé glacé tout en replongeant mentalement dans cette journée. Quelque chose le tracassait depuis plusieurs minutes, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

Louna l'observait en silence, car elle voyait bien que Pierre était en pleine réflexion. Elle n'osait pas lui parler de peur de le distraire. Elle espérait de tout cœur qu'il se souvienne de quelque chose d'autre. Un nouvel indice. C'est tout ce qu'elle demandait.

Tout à coup, Pierre poussa un cri de satisfaction.

— Ça y est ! ça me revient ! Je ne sais pas si cela vous sera vraiment utile, mais j'avais oublié un détail : le chien.

— Quel chien ? s'étonna-t-elle.

— Le chien d'Albert Pichon !

Voyant les grands yeux interrogateurs de la jeune fille, il s'expliqua :

— Juste avant de vous trouver, j'ai entendu un chien aboyer au loin, ainsi que la voix de son maître reconnaissable entre toutes, celle du vieil Albert. Albert Pichon. Je connais bien le coin et je l'ai déjà croisé. Il se promène pratiquement tous les jours dans cette zone, de ce qu'il m'a dit.

« Il me semble qu'il habite seul avec son berger allemand dans un petit chalet isolé, mais je ne sais pas où exactement. Vous pouvez toujours aller au village à côté : les Fontêtes. C'est un hameau et les gens y sont très accueillants. Ils connaissent forcément Albert.

« Vous trouverez bien quelqu'un qui vous indiquera sa maison. Il aura peut-être vu ou entendu quelque chose qui pourrait vous aider. »

Louna se sentait de nouveau pleine d'espoir. Enfin, un second indice !

Elle nota les noms du vieil homme et du village dans son carnet ; elle chercherait plus tard sur Internet comment accéder au hameau.

— Je vous conseille tout de même de ne pas y aller seule, rajouta-t-il. Vous devrez traverser des bois... et vu l'incident de la dernière fois... Enfin, vous voyez... Bref, ce serait plus prudent. Et apparemment, il vous est arrivé encore un pépin...

Louna acquiesça. Elle en était consciente : elle devrait vraiment se ménager. Tant qu'elle n'avait pas retrouvé sa forme d'avant l'accident, ni son assurance, ni sa mémoire, elle ne pouvait pas repartir ainsi en randonnée, comme si de rien n'était. Et si ses parents et son médecin apprenaient ce qu'elle avait l'intention de faire dans les jours qui suivaient, ils l'enfermeraient sûrement dans sa chambre pour tout l'été.

— Ne vous inquiétez pas. Je demanderai à mes amis de m'accompagner.

Elle décida de changer de sujet et l'interrogea sur les randonnées qu'il faisait régulièrement, les coins où il allait, etc.

Pierre lui confia qu'il venait de divorcer, après une longue période de mariage. Il était sportif à la base, mais pas particulièrement fan de la marche. Du moins, son ex était contre toute activité physique, et ils avaient peu de temps devant eux pour ça. Depuis son divorce, tout avait changé : il prenait plus soin de lui et de son corps et avait privilégié les grandes promenades à la télévision. À force, il s'était mis à aimer la marche et même à s'en imposer plus. Elle lui permettait de se détendre, de se ressourcer. Cela lui était devenu vital.

Louna approuva complètement les propos de Pierre et lui partagea également sa passion, non seulement pour la marche mais aussi pour le dessin. Ils discutèrent ainsi pendant environ une heure. Cela fit beaucoup de bien à Louna après cette journée chaotique.

Elle le remercia encore une fois, et ils partirent chacun de leur côté après 19 heures.

Dans son bus, Louna resta songeuse et repensa à ce que lui avait rapporté Pierre au sujet d'Albert et de son chien.

Finalement, elle n'avait pas inventé les aboiements dans ses cauchemars. Le chien existait bien. Pourquoi le simple fait de le réaliser la mettait autant mal à l'aise ? Une nouvelle pression lui comprima la poitrine. Comme si elle approchait de quelque chose sans pouvoir le définir ni l'atteindre.

Et pourquoi le fait de penser au chien des Leroux ayant aboyé la nuit dernière accentuait ce malaise ? Était-ce le signalement de sa voisine qui renforçait cette sensation : « C'est un Épagneul japonais ? Ces chiens aboient rarement. » et « nous n'avons pas de SDF dans le quartier. Notre association y veille, je vous assure. Je vous dis que quelqu'un fouillait vos poubelles » ?

Ça y est, je redeviens parano ! Bon, pas de panique... il te reste le vieil homme à aller voir. Il en saura peut-être plus.

Elle n'était pas croyante, mais là elle se surprit à prier pour que tout ça ne soit qu'une simple maladresse de sa part et que sa mémoire lui revienne rapidement.

L'ÉCHO DES CAUCHEMARSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant