L'ÉCHO DES CAUCHEMARS

40- Un petit bout de vérité

Dimanche 10 juillet

Elle avait peur, affreusement peur. Jamais encore elle n'avait ressenti une telle frayeur. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, qui lui faisait si mal qu'elle aurait voulu abandonner. Mais elle ne pouvait pas se le permettre. Elle devait tenir. Sa survie en dépendait.

Tout en dévalant la pente, elle se retourna pour voir la distance qui la séparait de l'homme. Elle enregistra juste qu'il se rapprochait dangereusement, qu'il était jeune, brun, avec des cheveux mi-longs.

Elle ne perdit pas plus de temps à le détailler et redoubla de vitesse. Heureusement qu'elle était sportive : ses longues heures de marche et de jogging la sauveraient peut-être.

Malgré son poing de côté, elle accéléra à travers bois, slaloma entre les arbres et sentit qu'elle commençait à prendre de l'avance. Alors qu'elle rejoignait un sentier très pentu, elle entendit son poursuivant jurer : il s'était sûrement pris les pieds dans une racine. Il ne connaissait pas les lieux comme elle, ce qui lui donnait un avantage et lui faisait gagner un temps précieux.

Elle continua ainsi sur plusieurs mètres, en nage, encouragée par son avance.

Je dois y arriver. Je vais y arriver !

Elle se retourna une dernière fois avant de sentir qu'elle perdait l'équilibre et tombait en avant. Puis ce fut le noir complet.

***

Dimanche 24 juillet

Louna se réveilla, percluse de douleurs, comme si un camion lui était passé sur le corps. Sa tête pulsait, son cœur battait la chamade et ses membres, outre qu'ils tremblaient, souffraient. Soudain, elle se sentit vieille.

Après le départ précipité de Marchal, elle s'était allongée sur le canapé pour réfléchir à la situation. Mais elle s'était finalement endormie. Sûrement le contrecoup. Puis, ce cauchemar... mais pas tant un cauchemar que ça... plutôt des bribes de ce fameux dimanche. Elle en était certaine maintenant. Elle ne rêvait pas. Elle se rappelait. Tout simplement. Et c'était décidé, elle ne résisterait plus. Non. Elle laisserait ses souvenirs affluer, même si elle devait en souffrir.

Elle repensa à la photo du jeune homme, à ses yeux, à la tristesse de son regard. Elle ne pouvait pas nier que cela ne lui rappelait rien. L'avait-elle croisé là-bas, lors de sa randonnée ? Ou ailleurs ? Mais où ?

Concentre-toi, Louna. Concentre-toi. Souviens-toi ! s'exhorta-t-elle tout en se prenant la tête entre les mains.

Elle ferma les yeux, toute son attention sur ce regard, imprégné dans son esprit.

Soudain, une image refit surface : elle, en train de sortir son sac à dos de sa voiture, casquette vissée sur la tête et excitée à l'idée de grimper jusqu'au puy Chopine. C'est ça ! Il s'agissait bien du jour de son accident.

D'autres souvenirs suivirent : elle, sur le chemin à travers bois, respirant la bonne odeur des pins du sous-bois qu'elle traversait. À cette heure si matinale, il n'y avait qu'elle et les oiseaux dont le chant la détendait, la transportait dans un univers parallèle. Elle adorait se promener ainsi, seule, profitant de ce moment de solitude au milieu de la nature. Ces instants privilégiés la reboostaient à chaque fois. Il lui tardait d'arriver au sommet du puy et de savourer la vue sur le Puy-de-Dôme et les puys environnants.

À la fois excitée d'avoir retrouvé quelques bribes de sa mémoire et anxieuse de ce qu'elle pourrait se rappeler d'autre, elle décida de contacter Marc.

Sa léthargie et son angoisse s'étaient envolées laissant la place à l'enthousiasme et la curiosité de tout recouvrer, quelle qu'en fût l'issue.

Elle s'éclaircit la voix avant de choisir son numéro. La sonnerie résonna dans le vide. Déçue, elle allait raccrocher lorsque Marc finit par répondre. Il a hésité ? douta Louna intérieurement. Non, il devait être occupé... ou il faisait une sieste...