REALITY

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1er juin 2052, SOU-A582

    Voilà plusieurs jours que mon ami n'est pas revenu. Plusieurs jours que je n'ai pas été appelé par la régente. Plusieurs jours où je reprends ma pilule comme à mon habitude.

    Plusieurs jours que je note tout. Sans exception.

    Il est actuellement trois heures du matin, mes colocataires dorment à point fermer. Je suis munie de mon carnet, et je relie. En boucle. Par peur d'oublier.

    Le cachet que m'a donné la Régente m'a fait halluciner.  Quand je me suis réveillée – cette fois-ci pour de bon – j'ai été prise d'un torrant de panique et ma voisine m'a plus au moins expliqué ce qu'il s'est pasé, enfin, ce qu'elle en sait. Elle m'a entendu parler dans mon sommeil et ne sait pas gêner d'écrire mon hallucination. Ça m'a ouvert les yeux et j'ai su me rappeler d'à peu près l'entièreté de ce « rêve ». Maintenant, chaque soir, je relis. Par peur d'oublier.

    Alors comme chaque nuit, je marmonne :

- J'ai vu une ville, les ruelles sont sombres et je devais récupérer un artefact ancien. C'est un monde perdu, pas le mien. Lors d'un cours instant, je cru voir la Régente. Et c'est à cet instant que j'ai compris qu'elle y était pour beaucoup de chose. J'ai fini par me demander si tout ça été réel et j'en ai conclu que non car j'ai vu une planète, avec de la vie et des gens libres. Je vois une autre planète, ressemblant à la notre, mais le bâtiment de celui-ci est sombre et non blanc. Il est aussi beaucoup plus grand, imposant. Finalement, je vois une dernière planète, enfin non. Je ne la vois pas réellement, elle est floue. Elle me parait morte.

   Je pose le carnet sur mes genoux, mes doigts tremblants sur la couverture usée. Je me sens si seule depuis que 581 ne revient plus. Je suis une enfant de 15 ans, mon ami a disparu sans laisser de trace, je perds la boule et je n'ai que des souvenir sur cinq ans en arrière. Mon corps me lache à petit feu, j'ai la sensation de complètement vriller. Il n'y a plus rien qui va psychologiquement, ma tête va exploser. Alors au lieu de crier rage comme j'aimerais le faire, je pleure. Je pleure en silence, mes larmes coulent et ne s'arrêtent plus. Certaines trouvent place entre mes lèvres, d'autres continuent leur chemin jusqu'à mon cou. Et je pleure que mon corps est pris de spasme, et je pleure que je ne peux m'empêcher de souffler des gémissements craintifs, et je pleure à en devenir aveugle.

    Seulement, c'est quand je reprends mon état normal que tout me semble soudain si angoissant.

     Malgré la lueur tamisée de la lampe de chevet, tout autour de moi semble recouvert d'une ombre plus lourde, plus épaisse que d'habitude. Un pressentiment me ronge, comme si quelque chose ou quelqu'un observait chacun de mes gestes.

    Je lève les yeux vers la porte de ma chambre. Fermée. Mais je ne peux m'empêcher de sentir une présence derrière, quelque chose d'invisible qui attend, tapis dans l'obscurité du couloir. Je me lève lentement, le carnage glaçant mes pieds nus et je m'approche. Une partie de moi veut ouvrir la porte, confronter cette peur sourde, mais une autre, plus rationnelle, m'ordonne de rester où je suis, d'attendre que le jour chasse cette sensation oppressante.

    Un bruit, étouffé, surgit soudain derrière la porte, comme un souffle léger, presque imperceptible, mais assez pour geler mon sang. Mon cœur bat à tout rompre. Je recule précipitamment vers mon lit, m'asseyant à moitié, comme si la distance pouvait me protéger. Je saisis mon carnet à nouveau, espérant y trouver une réponse, une explication qui pourrait calmer cette panique montante.

   Alors que je feuillette les pages, un détail attire mon attention. Une phrase, griffonnée dans une écriture qui n'est pas la mienne.

   « Ne te retourne pas. »

IN THE OTHER UNIVERSE : We will meet againOù les histoires vivent. Découvrez maintenant