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Les yeux vacillant sur l'un ou l'autre paquet de biscuit, Adam ne savait pas lequel choisir. D'un côté, la valeur sûre, les biscuits au chocolat habituels avec son cœur fondant à la vanille, chaque bouchée nous ramenant en enfance. De l'autre, la nouveauté, le changement avec son cœur coulant au chocolat noir, une nouvelle bouchée dans la vie d'adulte. Un moelleux. Rien que ça. Adam ne savait pas lequel choisir. Lorsqu'un autre client passa à côté de lui, Adam lui sourit avant de déposer les deux paquets dans son caddie. Ce dernier était déjà bien rempli, et la vue de celui-ci déclencha une immense honte dans le cœur d'Adam. Chaque fois qu'il y déposait un nouvel article, il sentait l'embarras lui parcourir l'échine. Chaque fois qu'un autre client passait à côté de lui, il sentait le regard réprobateur de ceux-ci.

— Regarde-moi ce porc. Même pas fichu de s'acheter une salade.

— Regarde-le, pas foutu de faire attention à sa santé.

— Regarde ça, la jeunesse se laisse vraiment aller.

— Regarde, à force de ne penser qu'au plaisir, on finit comme lui.

C'était certainement ce qu'ils se disaient. C'était ce qu'Adam pensait, il en était sûr et certain. Il se sentait mis à nu, là, dans le rayon gâteaux et confiseries du Carrefour. Les gens le voyaient, savaient la raison pour laquelle il achetait autant de cochonneries. Mais pourquoi se sentait-il si coupable d'ajouter une autre gourmandise à ses achats ? Peut-être était-il inscrit « Malade » sur son front. « Hyperphagie », aussi. Sorte de mauvaise liste griffonnée à la va-vite, qu'aucune de ses boucles ne pourra jamais cacher. Pourquoi percevait-il aussi facilement le dégoût des autres ? Parce qu'il n'appartenait pas aux autres, ce sentiment. C'était ce qu'il ressentait, ce qu'il pensait de lui-même.

Le caddie un peu plus rempli, Adam se dirigea à la caisse. Au grand malheur d'Adam, le caissier était très lent. Il ne pouvait pas changer de caisse, plusieurs personnes attendaient déjà derrière lui. Cela ne voulait dire qu'une seule chose, et il le savait parfaitement. Tout le monde aura le temps de voir chacun de mes articles, un à un, voir à quel point je me sens seul. 

Quand il se rapprocha du tapis, Adam disposa ses articles un à un, scrutant discrètement le regard des autres clients. Là, un papy plissait les yeux en découvrant ses aliments. Derrière lui, une mère qui se félicitait certainement de préparer de bons plats équilibrés à ses deux enfants. Trop concentré à aligner un nombre incalculable d'articles inutiles et gras, il ne remarqua pas les trois bacs de bière dans le caddie du monsieur. Il ne remarqua pas non plus les nombreux plats préparés et congelés que la maman avait dans le sien. Trop occupé à se soucier du regard des autres, Adam ne s'était pas rendu compte que personne ne se préoccupait de ce qu'il achetait.

Adam pensa tout de même que, s'il prenait davantage de nourriture saine, son « mal a dit » serait moins bruyant, moins pénible, plus discret. Mais à ce moment-là, il dépendait encore de ses sentiments ; Adam avait besoin de se remplir. Lorsqu'il termina enfin de vider son caddie, il réalisa que, avec cette quantité de nourriture, une nouvelle crise ne tarderait pas à pointer le bout de son nez. Elle serait plus dévastatrice que la précédente. Et, peut-être, laisserait-elle Adam pour mort. Elle s'enfuirait après le crime, prendrait le premier bus pour Barcelone parce que c'est toujours ainsi dans les films. On finirait par l'oublier, son crime avec. Elle le mènerait à sa perte, l'ensevelirait, l'étoufferait, le noierait.

Alors que le client devant lui demanda un paquet de cigarette au caissier, Adam réalisa qu'il était accro. La relation qu'il entretenait avec la nourriture ne pourrait jamais être saine. Comment peut-on entretenir une relation saine avec une addiction ? Cette addiction lui était pourtant vitale. La nourriture, elle lui était vitale. Voilà, il réalisa. Il était dépendant de son addiction. Il se sentit encore plus répugnant. Il ne pourrait jamais se soigner si la cause de son malheur restait celle qui le tenait en vie.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 22 ⏰

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Mort Ce SoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant