XIII. Gabriel

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La fascination.

La peur.

Le doute.

Le désir.

C'est comme ça que Gabriel aurait pu résumer les quelques semaines qui s'étaient écoulées depuis qu'il avait rencontré son rival. Et ça le mettait littéralement hors de lui, de savoir qu'il avait tout l'air d'un suicidaire se retrouvant au bord d'une falaise, hésitant encore à reculer ou à sauter. Avec une unique perspective l'attendant au pied, aussi glaçante qu'attirante.

Jordan Bardella.

Chaque rencontre, chaque face à face avec le président du RN, chaque regard échangé, chaque contact sur sa peau, c'était comme si ses pieds avançaient de quelques millimètres supplémentaires vers le vide. A moins que, comme Jordan l'avait si bien notifié, il se mente à lui-même. Et qu'il ait en réalité déjà sauté depuis longtemps.

Tout était sa faute. Parce que Jordan était ce qu'il était, au fond. Ce putain de connard de droite, profondément exaspérant dans les idées qu'il défendait, dans ce qu'il représentait. Son exact opposé dans l'échiquier politique. Et d'un autre côté, Gabriel ne pouvait s'empêcher de penser que c'était justement cette opposition qui le mettait hors de lui, qui le faisait se sentir vivant.

Et cette contradiction se poursuivit encore. La désobéissance la plus crasse de ses mains à son cerveau, ses doigts attrapant de manière automatique la nuque de son rival, permettant enfin à ses lèvres de se plaquer sur les siennes. Et cette réalité qui lui assénait chaque fois un nouveau coup de poing dans le ventre : celle que ses pensées avaient beau tenter de le convaincre de se détourner de Jordan, son corps répondait toujours à son appel.

Le baiser, pressant, dévorant, réduisit à néant les quelques centimètres qui séparaient jusque là leurs torses, et Gabriel ne pu s'empêcher, dans la même urgence que celle avec laquelle il avait attrapé la bouche de Jordan, de rapprocher son bassin du sien, le forçant par là même à reculer, reculer toujours plus, jusqu'à ce que ses épaules musclées heurtent finalement le mur, le jeune président grimaçant quand l'une des moulures de la paroi s'enfonça dans son dos.

Mais Gabriel ne s'arrêta pas pour autant. Jordan l'avait voulu, après tout : que Gabriel atteigne les limites de sa raison, qu'il vrille complètement. Ce baiser n'était pas tant un baiser de passion qu'un baiser de colère, et le jeune ministre sentait même les larmes lui monter aux yeux à mesure que sa langue explorait la bouche de son rival.

C'était ça. La rage qu'il avait ressentit ces dernières heures, la haine qu'il avait éprouvé pendant toute la réunion pour son adversaire qui s'était permis tant de choses, tant de choses qui auraient pu détruire sa réputation en un claquement de doigt : il fallait qu'il l'évacue.

Jordan sembla protester, essayer de reprendre son souffle en tentant d'écarter le buste de Gabriel de sa poigne ferme. Un grognement s'échappa de sa gorge, que Gabriel étouffa aussitôt en accentuant encore plus la pression de ses lèvres, en rendant le baiser plus insistant. Il était hors de question qu'il se dérobe à lui après ce qu'il avait fait. Cette fois-ci, Gabriel ne le permettrait pas.

Et le président du RN capitula enfin, plongeant à son tour ses doigts fins dans les boucles brunes de Gabriel, déclenchant aussitôt un frisson chez le jeune homme, qui parcourut sa nuque et descendit le long de son échine. Les larmes commençaient à lui brouiller la vue, et, fermant les yeux, s'abandonnant à la colère qu'il éprouvait, il les laissa finalement couler le long de ses joues, jusqu'aux doigts de son rival qui encadraient toujours la mâchoire du jeune homme.

Jordan dut les remarquer, puisque ses mains descendirent lentement vers la taille de Gabriel, et exercèrent une légère pression sur ses transverses, pour écarter le ministre de lui. Et cette fois-ci, il ne résista pas.

L'obsession de l'ambition (ATTAL x BARDELLA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant