XV. Gabriel

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"Raphaël !!"

Gabriel resta le regard dans le vide, à contempler sa sœur s'égosillant sur un jeune garçon qui, au loin, semblait emporté par une trottinette flambant neuve, s'éloignant de plus en plus de sa mère, comme transcendé par ce genre de quête de chevalier s'en allant terrasser un monstre imaginaire, le genre de scénarios que seuls les enfants savent se faire.

Le nommé Raphaël, le neveu de 10 ans de Gabriel, tourna un instant sa tête brune vers sa mère, affichant une moue agacée, avant de finalement opérer un demi-tour et revenir progressivement vers les deux frère et sœur.

"Oh, je te jure... il est infernal, en ce moment.", pesta Noémie.

Gabriel esquissa simplement un léger sourire, sans pour autant que la mélancolie qui se lisait sur son visage ne disparaisse. Les mains dans les poches de son short, il se contentait, tête baissée, de laisser ses yeux contempler les gravillons dans lesquels ses tennis blanches shootaient par moment.

A la dernière minute, il avait décidé d'annuler tous ses projets de vacances, et sa sœur, de 6 ans son ainée, une petite brune aux cheveux courts et au même teint hâlé que lui, en avait profité pour lui mettre le grapin dessus depuis le début de la semaine. Plus exactement, elle était presque allée le chercher par la peau du cou, lui qui avait entreprit de se tapir dans son appartement les premiers jours de la fameuse trêve politique d'août. Mais rien, pas même son neveu qui avait pourtant bien grandit depuis la dernière fois qu'il l'avait vu un an auparavant, pas même l'optimisme et la bonne humeur de Noémie, rien ne parvenait à le sortir de l'état de torpeur dans lequel il se trouvait.

Pourtant, la journée était belle, aujourd'hui. Belle et chaude, réellement digne d'une journée d'août, pour une fois. Les rayons du soleil traversaient les feuilles des arbres qui bordaient les allées du parc des Buttes Chaumont, et venaient réchauffer la peau de Gabriel, dans une douceur assez délectable.

Raphaël s'arrêta finalement au pied de Noémie, la regardant avec un regard de défi assez adorable, et la jeune maman célibataire ne put faire autrement que de céder à cette moue. Son visage fin se fendit d'un grand sourire :

"Mon cœur, je préfèrerais que tu ne t'éloignes pas trop de Gab' et de moi, s'il te plait".

Le garçon fronça les sourcils, essayant une demi-seconde de se rebeller. Mais Noémie se contenta de soutenir son regard, imitant d'un ton théâtral le froncement de sourcils de son fils, se forçant à mettre toute l'autorité nécessaire dans son regard en gardant les lèvres pincées, puis, quand elle se fut assurée de la capitulation du jeune rebelle, se relâcha et esquissa un sourire :

"On va s'assoir sur le banc, là-bas, avec tonton." dit-elle en désignant du doigt une assise en fer forgé vert bouteille qui longeait une grande étendue d'herbe. "Tu restes avec nous, compris, jeune homme ?"

L'interpellé tira une mine boudeuse, shoota du pied dans un pauvre caillou qui n'avait rien demandé, et grommela : "D'accord, maman."

Et, laissant Gabriel et son neveu plantés là sur le sentier, dans un tableau assez drôle d'un jeune homme un peu dans la lune et sa réplique miniature, tous deux les yeux grand ouverts comme des hiboux, la jeune femme se précipita dans l'étendue d'herbe, pour réserver le banc qui serait leur propriété pour les prochaines minutes. Mais remarquant que les deux garçons ne la suivaient pas, elle se retourna finalement, solaire :" Allez, magnez-vous un peu !".

Le jeune homme se contenta de se tourner vers sa réplique - avec ses lunettes et ses cheveux ébouriffés, il se fit d'ailleurs la remarque que le gamin ressemblait bien plus à un juste mélange entre Stéphane et lui - et, prenant un air sérieux, se forçant à ne pas laisser transparaitre ses problèmes personnels, il s'accroupit face à Raphaël en prenant un air malicieux :

L'obsession de l'ambition (ATTAL x BARDELLA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant