IV. Gabriel et Jordan

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Gabriel

Gabriel n'eut aucune nouvelle de Bardella pendant des jours.

A vrai dire, le premier tour des élections présidentielles se rapprochait à pas de géant, et ce géant détruisait tout sur son passage, n'accordant aucun instant de répit au jeune homme. Plusieurs fois au cours du mois qui suivit, il se surprit même à enchainer deux ou trois jours de travail d'affilé au bureau, enchainant réunions, conseils, comptes-rendus, points presse de manière acharnée, et ne s'arrêtant tard dans la nuit que quand, écroulé de fatigue, il cédait à son confortable fauteuil de bureau et fermait les yeux pour trois ou quatre heures de sommeil.

Si les campagnes présidentielles étaient toujours des moments difficiles, rythmés, éprouvants, cela l'était en effet encore plus lorsque votre mouvement, déjà à la tête du pays, devait à la fois continuer de faire tourner celui-ci, gérer aussi bien les crises que les affaires courantes, mais aussi résister aux attaques incessantes des autres partis qui ne manquaient pas une seule occasion pour s'approprier chaque fait divers, chaque actualité qui pouvait les faire grimper dans les sondages.

Gabriel savait cependant que c'était le jeu. Ce qui l'exaspérait cependant, c'était la manière qu'avait le président de se détacher de cette campagne, paraissant se reposer entièrement sur ses équipes. Il était parfois difficile pour le jeune homme de cerner le personnage, d'autant plus qu'en tant que porte-parole, c'était lui la voix du gouvernement, celui qui devait assumer, défendre face caméra même les décisions les plus controversées d'Emmanuel Macron.

Il ne comptait plus les débats que le président avait refusés, ces derniers jours. Certes pour de bonnes raisons, comme par exemple lorsqu'il s'agissait de gérer, en tant que représentant principal de l'union européenne, la crise qu'avait amené l'invasion de Poutine en Ukraine, mais cela avait tout de même des conséquences. Ainsi ne se passait il pas une intervention des autres candidats à la présidentielle, sans que l'arrogance d'Emmanuel Macron ne soit citée, et sans que ce dernier ne soit présenté comme autre chose qu'un petit roi capricieux peu soucieux du bien-être des français.

Encaisser ces critiques n'était donc pas de tout repos pour Gabriel. Il savait également qu'il aurait pu abandonner, moins s'investir. Et il l'aurait fait, s'il avait entraperçu une seule seconde la possibilité que sa résilience, sa fidélité au parti n'était plus un mal nécessaire pour lui permettre d'atteindre ses objectifs.

L'ambition, cette douce amie.

Il n'avait par ailleurs pas réellement de scrupule à passer ses jours et ses nuits dans son bureau. Stéphane, de par sa fonction, était en déplacement de plusieurs semaines à Strasbourg. Et l'appartement du couple n'offrait aucune distraction à Gabriel lorsqu'il était vide. Ainsi, les rares fois où le jeune homme y était rentré, ce n'était que pour faire strictement la même chose que le reste de ses journées, c'est à dire travailler. Il avait donc fini par simplement se ramener 3 costumes de rechange et un oreiller au bureau. Autant économiser des déplacements.

Par ailleurs, depuis qu'il avait croisé Bardella dans son quartier, cette fameuse nuit juste après le débat, Gabriel gardait en tête que ce moment avait de fortes chances de se reproduire, le siège du RN se situant dans le XVIème. Et la possibilité de le recroiser le répugnait autant qu'elle l'attirait.

C'était d'autant plus ridicule qu'il avait habité des années à cet endroit, sans jamais que la pensée que le Rassemblement National se situe à quelques pâtés de maisons de lui ne l'ai gêné. Sauf que maintenant il l'avait rencontré, lui.

Il n'avait jamais parlé de ses discussions avec Bardella à Stéphane. Il savait qu'il aurait dû, que l'opinion de son compagnon aurait pu l'influencer dans le bon sens, cesser de le faire douter. Mais il savait aussi que s'il poussait vraiment la communication au plus loin, il aurait dû lui avouer que depuis quelques jours maintenant, ses rares heures de sommeil n'étaient habitées que par le visage de son adversaire. Et, malgré la compréhension dont faisait d'ordinaire preuve Stéphane, il savait que leur couple serait durement touché par cet aveu. Ce n'était donc pas un mal que ce dernier soit parti pour quelques jours.

L'obsession de l'ambition (ATTAL x BARDELLA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant