VII. Gabriel

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Gabriel resta figé au milieu du plateau quelques secondes. 

Ces mots, et surtout la façon urgente avec laquelle son adversaire les avait prononcés, le fait également qu'ils soient autant hors contexte sachant leur débat imminent, ne lui offrant aucune possibilité de réponse immédiate sans soulever de soupçons sur leur petit rapprochement, firent monter en lui une telle rage qu'il dû faire un immense effort pour se contrôler. 

A quoi jouait il ? Pourquoi maintenant ? Etait-ce quelque chose de tout à fait calculé, la déconcentration étant son ultime carte, ou bien était ce simplement parce qu'au fond, derrière le masque de son adversaire, seul le chaos gouvernait ? 

"Monsieur Attal ?"

La voix de la journaliste le ramena à la réalité. Il cligna des yeux et remarqua du coin de l'œil que Bardella avait rejoint sa place et faisait maintenant mine de classer ses notes, le regard baissé, un rictus amusé au coin des lèvres. 

Pff, quelle immaturité. Regarde moi au moins, assume. 

Mais, un peu en retrait dans sa tête, une petite voix lui soufflait qu'il valait mieux que ce ne soit pas le cas, que leurs regards ne se croisent plus jamais, car comment le jeune homme réagirait il alors ?

Il tourna alors les talons pour rejoindre son pupitre, et ignorant savamment son adversaire, inspira un grand coup et fit un grand sourire à la présentatrice, lui signifiant que tout était en place de son côté. 

La femme se tourna alors vers Jordan : "M. Bardella ?"

"Parfait pour moi aussi", lâcha simplement le vice-président du RN. 

Et au régisseur de lancer : "En direct dans 3...2...1..." avant que la musique du générique de l'émission ne retentisse. 

Tel un ballet parfaitement chorégraphié, tel un match de tennis éprouvant mais aussi parfaitement exaltant, le débat s'engagea entre les deux hommes pendant près d'une heure et demie. Et Gabriel devait bien le reconnaitre, il adorait la répartie incisive de son adversaire. 

Bien sûr, le jeune homme avait bien été obligé, par moments, de croiser le regard de Jordan. En accord avec leur échange, celui-ci était toujours narquois, accompagné ou non de son éternel rictus en coin. Et Gabriel le soutenait toujours. Bordel, il n'allait pas se laisser déconcentrer pour si peu !

En réalité, l'axe d'attaque de Jordan Bardella était même assez grotesque. De ceux qu'il savait pouvoir facilement contrer, qu'il avait même apprit à contrer alors qu'il était encore sur les bancs de l'université. Et il cru repérer une faille. Un léger doute, un léger vacillement dans le regard de son adversaire, lorsque celui-ci, répondant à une question de la journaliste, s'engagea sur le sujet du financement de leur proposition de loi sur les retraites. Gabriel ne put se retenir d'afficher un léger rictus en coin, tout en continuant de dévisager Jordan. Enfin un point sur lequel il pouvait aisément le contrer. 

Le vice-président fit l'erreur de croiser le regard du jeune homme précisément à ce moment là, et sa mâchoire se serra si fort que les veines semblèrent sortir de ses tempes. 

Intéressant. 

Gabriel rangea cette image dans un coin de sa tête, laissant son interlocuteur finir son argumentaire :

"...ce que nous proposons, nous, le RN, c'est une réforme qui est à la fois juste économiquement et socialement. C'est d'instaurer un âge de départ à la retraite à 60 ans avec 40 annuités pour toute personne ayant commencé à travailler avant 20 ans, et au delà, de mettre en place une progressivité jusqu'à 62 ans maximum, et cela avec une pension de retraite de 1000 euros minimum garantie."

L'obsession de l'ambition (ATTAL x BARDELLA)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant