CHAPITRE 85 : UNE VIE CONTRE UNE VIE

39 4 0
                                    

Ellie

La douleur s'infiltre à chaque mouvement. Ils me tirent hors de la cave, mes pieds mutilés raclent le sol avec un bruit sourd, mes jambes sont incapables de me porter. J'ai oublié la sensation de marcher. La lumière me frappe comme une lame brûlante quand on ouvre la porte, et mes paupières luttent pour se soulever. Ça fait des jours, peut-être des semaines que je n'ai pas vu le jour.

Les bourreaux de mon père me traînent comme un vieux sac de chair brisée. Je ne lutte pas. Mon corps est trop faible, mon esprit trop épuisé. Une pensée me traverse, douce et triste : c'est peut-être mon dernier jour. Peut-être que la fin est enfin proche. Mourir me semble être la seule échappatoire. L'idée me réchauffe presque, comme une promesse de paix après tant de souffrance.

Ils me traînent à l'étage, le deuxième, où je n'ai jamais mis les pieds. Mon corps est jeté sans ménagement sur le sol d'une pièce. J'atterris lourdement sur une moquette épaisse, terracotta avec des motifs modernes que je ne parviens pas à distinguer clairement dans mon état. Le choc me coupe le souffle, mais je ne gémis pas. Ça fait trop longtemps que je me suis perdue dans la douleur pour encore réagir.

La porte claque derrière moi, laissant un écho de violence dans l'air. Je force mes bras tremblants à me hisser, à me redresser en position assise, mais c'est un geste de pauvre bête blessée, sans force ni dignité. Mon regard vague se pose sur la pièce : des teintes de marron, d'orange et de cuir brun recouvrent les murs et les meubles. C'est le bureau de mon père, reconnaissable à son opulence froide, calculée.

Et lui, il est là, assis dans son fauteuil, imposant comme un juge au-dessus d'un condamné. Ses yeux brillent d'une satisfaction malsaine en me regardant.

— Je n'aurais jamais imaginé que les jumeaux d'Érico tiendraient autant à toi, dit-il, un sourire narquois sur les lèvres.

Je le fixe, trop épuisée pour répondre, trop brisée pour afficher la moindre expression. Mes lèvres sont sèches, fendues. Je reste silencieuse, observant chaque mot qu'il prononce comme une lointaine menace.

— Ils m'ont proposé une négociation, continue-t-il en se penchant légèrement en avant. Une partie d'échecs, imagine. Il éclate de rire, un rire rauque, méprisant, comme s'il se moquait de la simple idée.

Je lève légèrement la tête, mes pensées ralentissant à mesure qu'il parle.

— Bien sûr, ils n'ont aucune chance, reprend-il avec un sourire carnassier. Mais c'est une partie avec une vie pour une vie. Donc... je vais accepter.

— Quelle vie est en jeu contre la mienne ? parvins-je à murmurer, ma voix faible et rauque, presque éteinte.

Son sourire disparaît, remplacé par une froideur impénétrable. Il ne répond pas. Je le fixe, mais mes yeux sont lourds, et mes forces disparaissent rapidement. Je n'ai pas la volonté de le questionner davantage. Mon corps cède sous moi, et je m'effondre au sol, allongée sur la moquette, trop faible pour rester assise.

— Ne t'inquiète pas, Ellie, continue-t-il avec une fausse douceur. Je ne prendrai aucun risque. Tu resteras dans la cave. Mes hommes veilleront sur toi. Si quelque chose se passe mal, si les Black Angels me trahissent... fin de la partie.

Il me regarde avec une satisfaction glacée, et je sens son pouvoir, son contrôle absolu sur mon sort. Les mots qu'il prononce deviennent des échos distants. Mon esprit dérive, flottant entre conscience et inconscience. Tout semble si lointain. Ma vision se brouille.

Je l'entends encore parler, mais ses mots sont comme des vagues déformées qui s'écrasent dans le vide. Puis, je sombre.

THE TWIINSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant