Le lendemain matin, quand mon réveil sonne, je me hâte à la fenêtre de ma chambre pour voir si la neige est toujours présente. Malheureusement, il n'y en a pas eu d'autre pendant la nuit, et celle de la veille a commencé à fondre. Il y aura donc cours normalement. Enfin, n'habitant pas loin du lycée, ma mère m'aurait forcé à y aller. Mais des personnes, comme Emily qui prend le bus, auraient été absentes.
Pour me remonter quand même le moral, je me dis qu'on est vendredi, et que c'est bientôt le week-end. Je pourrais ainsi souffler deux jours en étant loin des autres.
Je prends vite dans mon armoire des nouveaux vêtements, un débardeur au hasard, un pull gris en laine ainsi qu'un jean, et pars me préparer dans la salle de bain.
Une fois douchée et habillée, je descends dans la cuisine. Je prends la boîte de céréales que je verse dans mon bol de lait. Autour de moi, se presse une atmosphère stressante. Ma mère court de droite à gauche, entrechoquant les verres avec les couverts en vidant le lave-vaisselle, priant mon frère de se dépêcher de manger alors qu'il n'arrête pas de nous parler de son rêve génial qu'il a fait cette nuit, où il était chevalier et combattait un dragon géant. Bien sûr, le tout en mimant la scène à l'aide de grands gestes et manquant à deux reprises de renverser son bol. Mon père ne l'écoute à moitié, jurant sur son ordinateur portable posé sur la table, à la recherche d'un dossier urgent pour le travail.
Au milieu de tout ça, j'ai l'impression d'être une intruse, posé sur ma chaise et mélangeant mes céréales dans le lait, nonchalamment. Mais au fond, je suis peut-être plus stressée que toute ma famille réunie. Je me force à manger, sans appétit. J'ai l'estomac noué. Mon esprit se torture à se demander ce que je vais vivre aujourd'hui. Ce qu'ils vont me faire vivre.
Quand je remonte me laver les dents et me brosser les cheveux, j'entends un « À ce soir ! » dynamique de ma mère, suivie de mon petit frère qu'elle amène à l'école avant d'aller travailler.— Tu es sûre que tu ne veux pas que je t'amène au lycée ? me demande mon père quand j'enfile mes bottines dans le hall d'entrée. Je sais qu'il ne pleut pas, mais il fait froid, et ça ne me dérange pas de faire un détour pour...
— Je t'assure que j'ai envie d'y aller à pied, le coupé-je.
— Comme tu veux, à ce soir ma fille adorée, fait-il avant de m'embrasser sur le front.
Mon père part donc à son travail, à la pharmacie. Ma mère quant à elle est fleuriste et tient une petite boutique dans le centre de la ville. C'est elle qui a voulu déménager ici il y a cinq mois, afin de concrétiser son rêve : devenir auto-entrepreneuse. Ils m'ont toujours impressionnée, elle et mon père, pour avoir su si facilement trouver un travail dans cette ville, installer une routine, vivre ici comme si cela faisait vingt ans qu'on avait aménagé ici. C'est pareil pour mon frère, qui a vite su se faire des copains, être invité à des anniversaires, comme si c'était des amis de longue date. Ils ont tous réussi à bien tisser leur vie. Et puis il y a moi...
J'ai l'impression de ne rien savoir, d'être perdue, de ne rien être. Je n'arrive toujours pas à vivre sereinement ici. Je m'y sens mal. Je suis un petit point noir au milieu d'une page blanche. Je suis différente, et je n'arrive pas à changer.
Le chemin jusqu'au lycée paraît toujours être de plus en plus court. Sans doute parce que je n'ai pas envie d'y aller. Quand j'arrive au portail, j'ai mal au ventre, les mains qui tremblent, et ce n'est pas à cause du froid hivernal. Par instinct, je baisse les yeux et regarde mes pieds, pressant le pas et essayant d'ignorer ce qu'il y a autour de moi.
J'ai l'impression que les gens me regardent, parlent dans mon dos, me pointent du doigt en se moquant. J'essaye de me dire que ce n'est pas la réalité, que je me fais des films, j'ai toujours l'impression d'avoir des paires d'yeux braquées sur moi.
Mais finalement, je relève toujours légèrement le regard, pour voir ce qui se passe dans cet endroit du lycée.
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La théorie des montagnes russes - Tome 1.
Teen FictionElsa a toujours vu la vie comme des montagnes russes. C'est un mélange de hauts et de bas, de grandes joies et de déceptions. Le but, c'est rester au sommet, heureux, souriant. Ne jamais penser à la chute, effrayante. C'est toute une théorie, que sa...