27.

2.9K 297 104
                                    

Le lendemain, je ne suis pas allée en cours.

Ma mère a décidé que je ne vais pas bien, et que je dois rester chez moi. Vu ses critères drastiques pour me laisser manquer les cours, je me dis que mon geste de la veille est probablement grave. 

La nuit n'avait rien arrangée. Je pensais que dans mon sommeil, je serais sereine. Pourtant, je m'étais réveillée plusieurs fois, en sueur, retrouvant difficilement ma respiration, avec l'impression de me noyer.

Mon père dit que je fais des crises d'angoisse, mais il ne sait pas pourquoi. Devrais-je lui dire que ce qui m'effraie le plus est la vie ?


Mes parents ont discuté entre eux. Ils me trouvent étrange. Ils s'imaginent un tas de scénarios, comme Mélanie qui croit aux histoires des films américains. Mais les scénarios de mes parents sont plus tragiques.

Le moins pire qu'ils imaginent est le chagrin d'amour, causé par Enzo.
Et pour finir il y a la dépression. Je crois qu'ils vont trop loin. Je ne broie pas du noir. Pas toujours. Je vais bien. Je crois.

Mon acte d'hier soir est incompris. Autant pour eux que pour moi. Ils ont cru que je pouvais me droguer et avoir des réactions étranges. Peut-être que se brûler la peau avec de l'eau à plus de quarante degrés n'est pas normal. Surtout quand on le fait inconsciemment. Et que passivement, on reste dessous.

Et que le pire, c'est qu'aucune explication plausible n'est capable de sortir de ma bouche. Je ne me drogue pas.


Ma peau est moins rouge mais toujours douloureuse. Mes parents pensent à de la mutilation. Moi-même ne comprend pas leur raisonnement. Je souffre assez ainsi à cause des autres, alors pourquoi continuerais-je à me détruire moi-même ?

Je ne sais pas. Je ne sais rien. Je crois que je ne deviens rien. Du moins pour moi-même.
Pour mes démons, je suis quelque chose : une moche, une incapable, une grosse, ou encore une connasse, une inutile.
Dans ce cas, je préférerais n'être rien.

Je me rappelle tout. Les fois où j'attendais les chuchotements moqueurs et volontaires d'Emily et Sarah. Quand elles s'amusaient continuellement à me tapoter l'épaule en cours pour rien. Quand elles avaient caché mon sac plusieurs fois dans le lycée. Quand elles m'avaient volé de l'argent à mon insu. Quand elles m'avaient fait tomber dans un couloir. Quand elles m'avaient attendues un soir pour qu'Emily me frappe derrière le lycée.

Mais jamais elles ne se sont fait coincer. Personne ne se doute de leurs agissements, ou sinon, dès qu'il y a un indice, préfère fermer les yeux dessus.

Les larmes me remontent aux yeux. Ma mère qui passait à ce moment-là devant ma chambre s'arrête, mais reste sur le seuil à me regarder, allongée au milieu des couettes, en pleurs. Je crois qu'elle se sent impuissante.

Sa nouvelle lubie, avec mon père, est celle que j'aille voir un psychologue. Je ne veux pas parler. Encore moins à un inconnu. Je veux être seule. Pour l'instant.
Je ne fais plus confiance à personne. Que pourrait dire ce docteur de moi ?

Je pense que je suis bien. Mais quand j'y réfléchi, je me dis que c'est faux. Je ne le suis pas aux yeux des autres, ni par rapport aux miens. Alors, c'est que je ne dois pas être bien. Dans ce cas, mieux vaut n'être rien. Je ne suis déjà rien aux yeux de Mélanie ou Enzo apparemment. Aucun des deux ne m'a envoyé un message pour me demander la raison de mon absence.



En début d'après-midi, mes parents sont repartis travailler. Je suis encore dans mon lit, de toute façon je ne peux rien faire d'autre, mon corps me fait trop souffrir. Mon regard se perd vers les vêtements que ma mère a posé sur mon lit avant de partir à sa boutique. C'est ceux de la veille qu'elle avait mis à la machine. Je me relève, prends le t-shirt de Valentin et le hume. Malgré l'odeur de la lessive, son parfum demeure.

La théorie des montagnes russes - Tome 1.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant