43.

3.2K 246 35
                                    

Notre vie peut se résumer en un électrocardiogramme. Tant qu'on est vivant, on enchaîne les hauts et les bas, que cela nous plaise ou non. Rester à un même point, qui est le milieu des deux, signifierait juste que l'on est mort. Donc, on s'élève en haut, souriant à pleines dents et dévorant le bonheur, avant de chuter brutalement, pour que tout se détruise. On serre les dents jusqu'au prochain cycle, où l'on pourra de nouveau croire aux moments joyeux. Tout s'enchaîne avec une vitesse extraordinaire. 

On pourrait comparer ce phénomène aux montagnes russes. On s'élève, heureux, on se sent vivant. En haut, on domine tout, on vibre à chaque instant. Puis c'est la descente, on crie, souvent de peur, on ressent les premiers frissons. Une fois en bas, finalement, on n'est plus rien, toute l'émotion est passée, on espère juste un prochain looping, pour de nouveau être en haut. Car on préfère toujours être au sommet qu'à terre. On aime se sentir vivants plutôt que vides.

Mais on pourrait se demander s'il n'y a jamais une fin. Un jour, l'électrocardiogramme montrera que notre ligne sera continue. À un moment, les montagnes russes s'arrêteront quand le manège sera à quai. Mais comme tout le monde, penser à cette fin devient presque effrayant. Alors pour oublier cet ultime instant, on se cramponne aux cycles de notre vies, aux hauts et aux bas, priant pour rester toujours au sommet. 

Cela pourrait être tout un théorème, et je crois que ma vie s'amuse à l'appliquer minutieusement.


Tout s'enchaîne, et je me sens heureuse. Le temps passe, et peu à peu, on se rapproche de la fin de l'année, dans un mois environ. Cela se sent de deux manières différentes : les profs stressés car ils n'ont pas fini le programme, et ceux qui s'en foutent et réfléchissent aux films qu'ils pourront nous faire voir dans les derniers jours. Enfin, cette situation est le cas pour nous, les Secondes.

Les Premières ont le nez dans les bouquins de grands romanciers tels Zola ou Maupassant, de révolutionnaires comme Voltaire ou Montesquieu, ou de dramaturges comme Molière ou Beaumarchais. C'est drôle de les voir, discutant métaphores, allitérations, plaidoyers, comique de geste, tirades, quatrains et tercets comme si c'était le sujet de conversation le plus banal du monde, comme on raconte des ragots du lycée ou autres potins sur des célébrités.

Le pire doit concerner les Terminales. Les annales du BAC sont prises d'assaut au CDI, et je suis sûre que la documentaliste doit être ravie de ce regain d'intérêt de fin d'année pour son antre, où elle garde précieusement ses ouvrages. On voit des petits groupes de lycéens se poser sur des tables, en étude ou dehors, calculant scrupuleusement avec leurs calculatrices des fonctions, algorithmes et matrices ; râlant dès qu'au moins deux personnes trouvent des résultats différents et remettant tout en question. D'autres partent dans de grands discours philosophiques, essayant de donner un sens aux idées de Platon, Freud ou Nietzsche, se morfondant en affirmant que tout est trop abstrait, et s'en voulant un peu de s'être servis de cette matière comme moyen de finir leurs exercices pour le cours suivant. On entend aussi ceux qui discutent géographie, échangeant les croquis qu'ils ont fait ou trouvé sur internet. D'autres fixent les fiches qui résument leurs expériences de physique chimie, certains tentent de comprendre le charabia de leurs cours d'économie. Cette ambiance studieuse est presque exceptionnelle au lycée.

Bon, il y a quand même une minorité comme Sébastien qui fait comme si de rien n'était, comptant peut-être que sur le sport pour gratter des points pour l'examen, et continue de vivre la vie tranquillement, en observant les nuages dans le ciel ou s'amusant avec une boulette de papier. Ce gars est un individu désespéré.

Désormais, les jours se sont éloignés de celui de l'anniversaire de Valentin. Après cette dernière atmosphère légère et dissipée, tout devient désormais sérieux. Valentin passe de plus en plus de temps le nez dans les manuels scolaires. C'est un élève brillant, mais il continue de travailler. Même s'il dit que pour lui, tout est plus facile comme c'est sa deuxième Terminale, et que tout se répète, il bosse cependant énormément.

La théorie des montagnes russes - Tome 1.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant