Chapitre 4 - Maman j'ai mal 2/7

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Le moment était venu pour Fanta de lui dire au revoir, ou plutôt à bientôt. « Un jour, nous nous reverrons, et nous pourrons à nouveau nous serrer dans les bras. Je t'aime, maman. »
Voilà une semaine que sa mère était partie. La délégation des sœurs avait tenu une réunion pour décider qui allait prendre le relais et s'occuper de l'enfant de leur sœur. Elles n'avaient pas le choix, c'était leur devoir ; après tout, Fanta était aussi leur fille. Étant donné qu'elles vivaient toutes à Abidjan en Côte d'Ivoire, à l'exception d'une qui résidait au Mali, le choix était en quelque sorte fait : Fanta irait vivre avec sa tante Kady. Mauvaise idée ! Mais qui pouvait savoir, à ce moment-là, les maux que cela causerait à cette enfant ? Kady, déjà mariée et mère de deux enfants à l'époque, semblait être le choix logique aux yeux des autres sœurs. Elles décidèrent donc de lui déléguer Fanta. Kady, déjà en proie à des névroses à cette époque, était d'abord réticente à cette idée, mais ne dit pas un mot.

Elle y voyait un intérêt personnel dans toute cette affaire. Maintenant, elle aurait une bonne à tout faire à la maison. Finalement, elle se réjouissait même de la situation, car cela l'arrangeait énormément. Plus de ménage pour elle, plus de cuisine à faire du matin au soir. Elle avait trouvé sa femme de maison. Les sœurs rentrèrent à Abidjan, et la vie reprit difficilement son cours. Chez Kady, désormais, Fanta vivait—ou plutôt, elle survivait. « Maman, As-salamu alaykum, je suis venue te voir. J'ai une excellente nouvelle pour toi : je viens d'être acceptée à l'Université des Prodiges de Bamako. Je t'ai écoutée. » Fanta, face à la tombe de sa mère, venait de lui annoncer la plus grande réussite de sa vie. « Tu me manques beaucoup. Je ne cesse de faire des rencontres qui changent ma vie dans cette école.

Ce n'est pas facile tous les jours, mais je m'accroche. Je le fais pour moi, pour toi, pour papa, pour oncle Bouba aussi. Il est très gentil avec moi, d'ailleurs ; qu'Allah le préserve, il mérite tout. Il n'y a pas un jour où je ne pense pas à toi. Que se serait-il passé si tu avais été là ? Nous serions parties fêter ça au bord de la lagune, comme nous en avions l'habitude. Nous montions sur la barque et nous errions sans réelle destination. C'est d'ailleurs à cet instant que tu m'as appris le sens du terme "être une femme libre". Aujourd'hui, je le suis plus que jamais, tu peux en être sûre. Parfois, on me prend pour une rabat-joie, mais je suis certaine de mes convictions. Je te remercie pour tout. J'ai changé tes fleurs aujourd'hui : elles sont bleues et blanches. Les blanches symbolisent l'amour doux, sincère et pur, et les bleues, l'espoir éternel qu'elles diffusent. Je t'aime pour toujours et à jamais.

J'espère que tu vas bien, toi aussi, de ton côté. Gros bisous. » Fanta se leva, et, en se levant, un vent léger et doux vint caresser tout son corps. Frissonnante, elle s'en alla, les larmes plein le visage. On n'apprend jamais à vivre avec la mort d'un proche. En réalité, une partie de nous s'en va avec lui, pour ne pas mourir à notre tour. La douleur que l'on ressent est plus que jamais mortelle.
Il ne suffit pas que les années passent pour que la douleur s'efface. Le sentiment d'amertume reste le même, même après des années. Cependant, certaines choses merveilleuses nous permettent de vivre avec la mort d'un proche : les souvenirs. Qu'ils soient gravés dans la mémoire ou immortalisés sur une photo, les souvenirs sont la chose la plus précieuse qu'un être humain puisse laisser derrière lui. Je crois que chaque instant doit être mémorisé de manière intégrale et conservé avec le plus grand soin possible.

C'est ainsi que, plus tard, nous pourrons nous remémorer les moments passés. C'est de cette manière qu'on apprend à vivre avec l'absence d'un proche : c'est du cinquante-cinquante, la douleur va de pair avec son apaisement, et les plaies se soignent. Alors, si je peux poser mes souvenirs sur mes blessures, je sais qu'elles finiront par guérir peu à peu. Du moins, ce qui est certain, c'est qu'elles se refermeront. Et qui sait, peut-être qu'un jour elles guériront complètement. Trois semaines se sont écoulées depuis mon entrée à l'université. Qu'est-ce que c'est difficile, bon sang ! J'aime énormément étudier, donc cela ne me dérange pas vraiment. Mais si je devais faire une remarque, ce serait que les autres étudiants ne sont pas mes amis, et je ne suis pas leur amie non plus. Aminata a choisi une spécialité différente de la mienne, donc nous ne sommes pas dans la même classe.

Nos emplois du temps sont trop différents pour que nous puissions nous voir pendant les pauses, alors nous nous retrouvons en dehors de l'université. Ce nouveau monde m'exaspère ! Ces enfants sont tous nés avec une cuillère en argent dans la bouche, bien évidemment, Al hamdoulilah. Mais j'ai l'impression de ne pas faire partie de leur monde, et cela me perturbe un peu. Leur façon de parler est tellement différente de la mienne. J'avais l'habitude avec Aminata, mais là, c'est dans un contexte totalement différent. Si je veux éviter de me sentir complètement exclue, il va falloir que je m'adapte. Le travail sur soi est le plus difficile. Qui peut prétendre à une maîtrise complète de soi, au point de s'harmoniser totalement avec ce qui l'entoure ? Peu de personnes en sont capables. Fanta avait donc changé quelques mauvaises habitudes qu'elle avait. Elle devait s'intégrer. Elle avait toujours remarqué qu'il y avait une fille dans sa classe qui ne bavardait pas beaucoup, son prénom était Djenah. Alors, un jour, elle décida de lui adresser la parole, et les deux devinrent immédiatement de très bonnes amies.

Les maux de FantaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant