Fanta avait décroché un poste qu'elle-même n'aurait jamais pu espérer atteindre un jour. Elle n'y avait même jamais songé vrai dire. Lors de sa deuxième année d'études, le moment était venu de faire des choix de carrière afin de cibler une spécialisation. Les professeurs, conscients des capacités scolaires de Fanta, lui proposèrent de poursuivre dans une filière axée sur la politique, lui offrant ainsi une large palette de choix. À cette proposition, Fanta fut surprise et surtout très réticente. Faire de la politique ? Cela lui semblait impensable. Elle disait souvent : « Je ne veux pas être de celles qui s'enrichissent sur le dos des citoyens. Je ne veux pas être de celles qui se nourrissent de la famine du peuple.
Je refuse de manger au nom du peuple sans leur apporter aucune amélioration. Je ne veux pas agir en leur nom et, derrière, bafouer leur honneur. Je veux être de celles qui changent les choses pour de vrai. Je veux être celle qui rend l'accès à l'éducation possible pour tous. » Après mûre réflexion, Fanta accepta ce choix de carrière. Elle avait pensé qu'elle pourrait apporter sa pierre à l'édifice, au milieu de toutes ces personnes qui profitaient du gouvernement au nom de leurs citoyens, d'un peuple entier. Elle se devait de changer les choses, de les transformer si nécessaire. Elle s'était fixé une règle à suivre : « Si je vois que ce choix de carrière bafoue mes valeurs et mes convictions, alors je me retirerai. »
Ainsi, elle évolua dans le domaine de la politique. À ses côtés, il y avait Oussmane Kamagaté et son bras droit, Djennah Konaté, qui avait fait les mêmes choix de carrière qu'elle. La relation entre Oussmane et Fanta avait considérablement évolué. Ils étaient maintenant mariés depuis quelques mois et leur cursus scolaire allait s'achever dans deux mois, marquant la fin de leur troisième année. Tous trois avaient intégré le gouvernement, et le gouvernement ont très vite reconnut les capacités de chacun. Mais, comme à son habitude, Fanta retenait particulièrement l'attention. Elle avait en tête un objectif bien précis : devenir ministre de l'Éducation nationale. Cela était devenu sa mission la plus essentielle.
Elle avait tant de choses à changer. Elle n'était pas dans l'illusion ; elle savait qu'un changement prendrait des mois, voire des années. Mais elle était convaincue qu'elle pouvait faire une grande différence à son échelle. Au bout de la quatrième année, elle atteignit son objectif et devint ministre de l'Éducation nationale. Quelle réussite ! Elle était tellement heureuse et, bien entendu, elle prenait cette tâche à cœur. Son mari, Oussmane, se tenait fièrement à ses côtés. À la cinquième année, Fanta donna naissance à son fils, qu'elle décida de nommer Malik Kamagaté, premier fils et héritier de Oussmane Kamagaté et de Fanta Keïta Kamagaté.
Nous étions désormais dans la sixième année. Tant de choses avaient changé. Fanta, qui n'était pas issue d'un milieu aisé à l'origine, roulait maintenant en tout-terrain, quatre quatre. Lorsqu'elle arrivait dans la concession de son oncle Bouba, le quartier l'acclamait. Bien qu'elle se sentît mal à l'aise avec ce nouveau train de vie, elle avait travaillé dur pour obtenir tout cela, et le contraste avec ceux qui n'avaient qu'une fraction de ce qu'elle possédait la perturbait.
C'était ainsi : malgré son succès, elle restait marquée par son passé. Aujourd'hui, Fanta était assise dans le salon de Bouba avec son fils et son mari, Oussmane Kamagaté. Ce lieu lui rappelait de nombreux mauvais souvenirs ; chaque retour ravivait ses traumatismes et lui rappelait qu'elle restait cette petite Fanta, malgré tout ce qu'elle avait accompli.
Bouba reprit : — Oussmane, comment vas-tu ? Et Boua, comment se porte-t-il ?
Oussmane répondit : — Très bien, Al hamdoulilah, merci beaucoup. Oui, il va bien, il a pris de l'âge maintenant, un peu rouillé, mais il va très bien, Al hamdoulilah.
Bouba : — Al hamdoulilah, je suis heureux de l'entendre.
Fanta avait passé toute la matinée chez Bouba, comme elle avait l'habitude de le faire toutes les deux semaines. Grâce à elle, Bouba vivait désormais confortablement. Il possédait un élevage entier qu'il gérait à sa guise et une écurie qui devenait de plus en plus connue parmi les habitants de la ville. Elle lui avait aussi offert un voyage à La Mecque pour lui et sa deuxième épouse, un véritable privilège. Bouba avait souvent exprimé sa gratitude envers Fanta pour tout ce qu'elle avait fait pour lui mais ne manquait jamais de lui faire savoir à nouveau, quand il se voyait. À présent, Oussmane demanda à Bouba s'ils pouvaient s'en aller, car il était 14h00 et ils devaient rendre visite à Boua par la suite.Bouba : — Vous devez y aller. Très bien, faites bon voyage.
Oussmane : — Merci beaucoup pour tout.
Alors qu'il raccompagnait la jeune famille Kamagaté, Bouba interpella Fanta : — Alors, Fanta, as-tu lu la lettre de ton père ? Celle que je t'avais remise lorsque j'avais vendu le collier ? Te souviens-tu ? Fanta, plongée dans ses pensées, avait envisagé de lire la lettre mais n'avait jamais osé l'ouvrir, peut-être n'était-elle pas encore prête.Fanta : — La lettre de mon père, dis-tu ? Je ne l'ai toujours pas ouverte, mais je le ferai bientôt, ne t'en fais pas.
Bouba : — Tu devrais vraiment la lire. Je pense que cela te fera énormément de bien et t'aidera à avancer sans reculer, et ce, pour de bon.
Fanta : — Très bien, j'ai compris. Je l'ouvrirai dès que je me sentirai prête. Merci, père. Oncle Bouba, prends soin de toi.
VOUS LISEZ
Les maux de Fanta
ContoLes maux de Fanta Fanta, une jeune fille vivant en Afrique de l'Ouest, grandit sous l'emprise de sa tante Kady, qui la maltraite et la réduit à l'état de servante. Isolée et sans défense, Fanta endure les abus et les humiliations, mais elle ne baiss...