Fanta, qui restait impassible, n'avait aucune envie de discuter. Elle voulait simplement lui rendre son bien et s'en alla au fond de la classe sans ajouter un mot. Au fond de la classe ? Pour une fille aussi douée que Fanta ? Quelle incongruité ! Comment se fait-il qu'une élève brillantes s'installent au fond ? Le mythe dit que ceux qui veulent vraiment suivre le cours s'asseyent devant, et si on veut pousser encore plus loin, ils sont carrément sur le bureau du professeur. Si tu veux avoir de bonnes notes, sois toujours devant. Si tu ne veux pas faire partie de ceux qui perturbent le cours, sois toujours devant.
Si tu veux bien comprendre, sois devant. Si tu veux bien entendre, rapproche-toi encore un peu plus. Les places du fond sont celles de ceux qui resteront toujours à l'arrière, celles de ceux qui ne sont pas des intellectuels, celles des perdants. Mais pour Fanta, qu'elle soit devant, au milieu ou derrière, peu importe l'endroit : si tu brilles, tu brilleras partout. Il est impossible de contenir la beauté d'un joyau dans un coffre. Même à travers le coffre, le joyau brille et scintille si fort qu'il transperce la boîte. Fanta, elle, transperce tout sur son chemin, car elle brille plus que tous les joyaux du monde. Assise au fond, elle pouvait ainsi voir, avec une vue panoramique, l'arrivée et faire les bons choix. Elle pouvait anticiper les obstacles, puis les déjouer. Elle pouvait discerner les bons chemins à emprunter. De sa position, elle disposait d'une information précieuse qui lui servirait de guide jusqu'à son objectif. La patience est une vertu, et la sagesse en est une autre.
Comme d'habitude, Fanta était brillante. Son niveau d'excellence éblouissait ses professeurs, et elle était devenue la meilleure élève de première année. Kady, quant à elle, s'était calmée d'une manière ou d'une autre. En réalité, elle avait simplement perdu de l'influence avec le temps. Mais on n'éteint pas un feu qui ravage des kilomètres de forêt avec un simple seau d'eau. Si le volcan de Kady semblait endormi, qu'ils sachent qu'il pouvait se réveiller à tout moment. Si les blessures de Kady n'étaient pas soignées, qu'ils sachent qu'elle continuait de souffrir d'une hémorragie interne, invisible aux autres, depuis de nombreuses années.
« Alors, cela fait maintenant quatre mois que tu es à l'école, Fanta, » dit Kady.
Fanta, qui restait constamment froide car elle connaissait les véritables intentions de Kady, répondit :
« Oui, ça fait bien quatre mois. »« Comment ça se passe ? » demanda Kady.
« Bien. »
Kady ne le montrait pas, mais cela l'insupportait que tout se passe pour le mieux pour sa nièce. Il fallait qu'elle réagisse au plus vite. Le fait que Fanta soit devenue aussi insensible la torturait au plus haut point. Elle devait agir. La nuit tomba, et Kady s'introduisit dans la chambre de Fanta. Elle murmurait dans sa tête : en pleine nuit, dans le noir total, la vision brouillée par l'obscurité. Où est son sac ? Je ne le trouve pas... Ah, le voici. Kady y glissa discrètement quelque chose. Fanta se réveilla en sursaut. Kady venait de laisser tomber son portefeuille fétiche dans la chambre, ce qui ne manqua pas de faire du bruit.
« Que fais-tu dans ma chambre ? N'as-tu donc pas honte de venir ici en pleine nuit ? » demanda Fanta, indignée.
Kady ne perdit pas une seconde pour répondre :
« Je fais ce que je veux. Je suis chez moi, je circule dans toutes les pièces comme bon me semble, d'accord ? Tu entends ça ? Si tu n'es pas contente, trouve-toi un foyer ou marie-toi, tu as l'âge maintenant. »Fanta ne dit pas un mot. Elle alluma son téléphone : il était 2h50. Kady venait tout juste de s'en aller. Fanta se leva et ferma la porte, cette fois-ci à clé. Elle commença à se préparer, se lava, se maquilla. Sans même vérifier le contenu de son sac, elle le prit comme d'habitude. Elle ne prenait plus la peine de changer de cahier ou de prendre des feuilles, elle avait toujours tout ce dont elle avait besoin. Fanta se rendit à l'université. Comme d'habitude, à son arrivée, elle devait passer par la fouille. Les armes blanches étaient strictement interdites, de même que les cachets de médicaments, car il était impossible de vérifier leur contenu. Certains jeunes s'amusaient à y cacher de la drogue, ce qui justifiait cette interdiction stricte. Les téléphones, eux, devaient rester dans les sacs à l'entrée de l'établissement et ne pouvaient être sortis qu'après être passés dans l'enceinte, par mesure de précaution. Mais ce jour-là, la fouille prit un peu plus de temps que d'habitude. Fanta, intriguée, se tourna vers l'instructeur et demanda :
« Monsieur, que se passe-t-il ? » Le visage du surveillant, d'abord neutre, changea brusquement. Son regard s'illumina, celui de quelqu'un qui venait de décrocher le jackpot. Il ne parla pas tout de suite, se contentant de lui demander de se mettre sur le côté. Fanta, totalement déconcertée, ne comprenait pas ce qu'il se passait. L'angoisse monta en elle si vite qu'elle commença à se ronger les ongles violemment. Elle n'avait aucune idée de ce qu'on lui reprochait, mais l'atmosphère devenait de plus en plus oppressante. « Comment se fait-il qu'on me mette de côté ? » se demanda Fanta, de plus en plus anxieuse.
Elle déclara alors dans son fort intérieur, « Je ne transporte pas d'armes, je n'ai pas d'armes blanches non plus, je ne consomme ni cigarettes ni drogue. Que signifie cette mise à l'écart ? Pourquoi me traite-t-on comme une malfrat, une criminelle, une personne malpropre ? Qu'ai-je bien pu faire pour mériter ça, ou plutôt, de quoi s'agit-il ? » Le fameux "jackpot" qu'avait découvert l'instructeur? Quelques grammes de cocaïne retrouvés au fond de son sac à dos ! « Alors, qu'est-ce qui se passe ? » insista Fanta, son inquiétude grandissant. « S'il vous plaît, monsieur, j'aimerais bien me rendre en classe. »
« Fanta, c'est bien ça ? » répondit l'instructeur . « Nous aimerions que tu nous suives dans notre bureau. »
Le cœur de Fanta se mit à battre de plus en plus vite. Chaque seconde qui passait augmentait son angoisse. Arrivée dans le bureau, on lui demanda si elle avait vérifié le contenu de son sac avant de quitter la maison. Elle répondit : « À chaque fois, étant donné que ce sont les mêmes cours, je prends juste les cahiers pour réviser puis je les remets. J'utilise ma trousse, mais en général, mon sac de cours reste accroché dans ma chambre. » Après cette réflexion, l'instructeur fit quelques recherches sur son dossier. Le silence était palpable, lourd, presque étouffant. Fanta, assise là, sentait la tension monter, incapable de comprendre ce qui était en train de se jouer. Cela faisait maintenant cinq minutes qu'aucune syllabe ne circulait dans la pièce. Le cœur de Fanta battait de plus en plus fort, résonnant presque dans ses oreilles. Soudain, une voix retentit : « Très, très bonne élève, voire excellente. Bon comportement en classe, des résultats parfaits... Très bien. » La voix de l'instructeur, bien que calme, semblait suspendre le souffle de Fanta à chaque mot qu'il prononçait. Le silence retomba, plus pesant encore, et pendant trois nouvelles minutes, aucun mot ne fut échangé.
Le seul bruit perceptible dans la pièce était celui des touches du clavier, frappées méthodiquement. Puis, l'instructeur brisa à nouveau le silence : « Fanta, je ne vois aucun problème dans votre dossier. Personne ne s'est jamais plaint de vous, vous êtes une élève prodige. Mais ce matin, lors de la fouille, nous avons découvert un petit sachet de drogue dans votre sac. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet ? » À l'entente du mot "drogue", les yeux de Fanta s'écarquillèrent et son cœur sembla s'arrêter un instant avant de s'emballer à nouveau. Dans sa tête, elle repensait immédiatement à la politique de l'école : zéro tolérance pour les substances illicites, ce qui menait à un renvoi immédiat. La panique s'empara d'elle.
Elle prit une profonde inspiration et s'exprima :
« Monsieur, je n'ai aucune idée de comment cela a pu atterrir dans mon sac... Je suis confuse. Je ne consomme en aucun cas de drogue, je n'en ai d'ailleurs jamais consommé. » Fanta était tellement bouleversée qu'elle peinait à parler correctement, comme si elle avait perdu l'usage de ses mots. Elle balbutia : « Je suis désolée, je n'ai pas d'explication à vous donner, car je ne consomme en aucun cas ce genre d'immondices. » À cette époque, la consommation de drogue était non seulement mal vue, mais pour une jeune fille musulmane comme Fanta, être accusée d'en consommer relevait de la honte la plus totale. Jamais l'idée de toucher à une telle substance ne lui était venue à l'esprit, et encore moins d'en consommer. Elle connaissait bien les ravages que cela causait, tant chez les jeunes que chez les adultes, et n'y voyait aucun intérêt. Elle s'en était toujours tenue à distance.
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Les maux de Fanta
Historia CortaLes maux de Fanta Fanta, une jeune fille vivant en Afrique de l'Ouest, grandit sous l'emprise de sa tante Kady, qui la maltraite et la réduit à l'état de servante. Isolée et sans défense, Fanta endure les abus et les humiliations, mais elle ne baiss...