Chronique D'Avaloria : Linuki

Chapitre 23

Le monde de Linuki était plongé dans une obscurité totale. Autrefois, ses yeux lui permettaient de percevoir la beauté du monde, les couleurs vibrantes des forêts d'Ixali, les visages familiers de ceux qu'elle aimait. Maintenant, tout cela lui avait été arraché. Elle était aveugle, enfermée dans une cage étroite, froide et métallique, où le silence se mêlait aux bruits étouffés des voix à l'extérieur.

Elle tenta de se déplacer, mais les chaînes qui liaient ses poignets et ses chevilles lui rappelaient cruellement son impuissance. Chaque mouvement faisait cliqueter le métal contre les barreaux de la cage, écho lugubre qui se répercutait dans la cellule sombre où elle était retenue. Son cœur battait à un rythme frénétique, sa respiration saccadée, tandis qu'elle essayait désespérément de maintenir un semblant de calme.

Le froid de la cage semblait s'infiltrer dans ses os, ajoutant à l'angoisse déjà omniprésente. Ses mains, fines et tremblantes, cherchèrent les barreaux, mais chaque fois qu'elle les touchait, elle se souvenait de leur solidité, de leur force implacable. Elle savait que s'échapper était impossible. Ses pensées se bousculaient dans son esprit, tourmentées par le désespoir, le regret, et la peur qui lui pesait sur la poitrine comme un poids insoutenable.

Elle essaya de se rappeler les visages de ceux qu'elle aimait, ceux qui lui manquaient tellement. Mais même ces souvenirs, autrefois si lumineux, semblaient s'effacer, flous et indistincts dans son esprit. La chaleur de sa famille, la sérénité de la forêt d'Ixali, tout cela lui paraissait désormais si lointain, comme un rêve évanescent.

Les voix des gardes à l'extérieur, bien que faibles, parvenaient jusqu'à elle, rompant parfois le silence pesant de son emprisonnement. Elle les entendait discuter entre eux, d'un ton désinvolte, comme si sa captivité et celle des autres ne représentaient qu'une tâche ordinaire dans leur routine quotidienne. Leur indifférence était presque aussi douloureuse que les chaînes.

« On doit les faire parler, » murmura l'un des gardes, sa voix basse et grinçante. « Ils ne craquent pas facilement, mais ils finiront par céder. Tous les captifs finissent par le faire. »

Un autre garde, au ton plus grave, répondit : « Peut-être. Mais ces elfes... ils sont différents. Ils résistent. Même les enfants, comme elle. »

Linuki se recroquevilla un peu plus dans sa cage, ses bras enroulés autour de ses genoux pour se réchauffer, mais aussi pour se protéger, comme si la seule étreinte de son propre corps pouvait la rassurer face à la terreur qui l'envahissait.

« Il faut leur trouver un point faible, » poursuivit le premier garde. « Personne ne peut résister éternellement. »

Un silence tendu s'installa à l'extérieur, entrecoupé par les pas lourds des hommes qui patrouillaient autour des cellules. Linuki savait qu'ils parlaient d'elle, des autres captifs également. Les elfes, même les plus jeunes, étaient soumis à des interrogatoires cruels. Ils cherchaient à les briser, à leur arracher des secrets, des réponses que Linuki ignorait. Mais elle savait que ces humains étaient obsédés par quelque chose de bien plus grand : les légendes entourant les elfes et leur prétendue capacité à voir au-delà de la mort.

Elle se souvenait encore du jour où ils lui avaient pris ses yeux. Ce moment où tout s'était éteint. Ce n'était pas juste la douleur physique qui l'avait marquée, mais surtout le sentiment de perte irrémédiable. Les humains croyaient que ses pupilles renfermaient un secret, une ancienne magie liée à sa lignée, un pouvoir qui leur permettrait de percer les mystères de l'au-delà. Ils l'avaient arrachée à sa famille pour cette raison, et à cet instant, elle avait compris qu'ils ne la laisseraient jamais partir.

Linuki trembla en se remémorant ce moment, mais elle refusa de céder complètement à la terreur. Même aveugle, même emprisonnée, elle devait trouver un moyen de résister, de survivre à cette épreuve. Elle ne pouvait se permettre de céder à l'abandon, même si la solitude dans cette cage semblait l'étouffer un peu plus chaque jour.