Chronique D'Avaloria : Linuki

Chapitre 3

Les jours passaient, et la santé d'Ari s'améliorait visiblement. Grâce aux soins attentifs de Linuki, la fée avait retrouvé son éclat et sa vitalité. Elles passaient de plus en plus de temps ensemble, tissant des liens d'amitié et de confiance. Un après-midi ensoleillé, alors qu'elles étaient assises sous un grand chêne aux abords de la forêt d'Ixali, Ari se tourna vers Linuki avec un sourire.

« Linuki, ta forêt est vraiment magnifique. Je n'ai jamais vu un endroit aussi paisible et enchanteur. Peux-tu me parler de l'histoire d'Ixali ? »

Linuki, touchée par l'intérêt de son amie, hocha la tête et commença à parler doucement, ses yeux se perdant dans les souvenirs.

« Ixali est une cité ancienne, fondée il y a des siècles par nos ancêtres elfes. La légende raconte que les premiers elfes ont été guidés ici par les esprits de la forêt, qui leur ont montré cet endroit comme un sanctuaire, loin des conflits et des dangers du monde extérieur. »
Elle fit une pause, regardant les arbres majestueux qui les entouraient. « Les arbres que tu vois, certains d'entre eux ont des milliers d'années. Ils sont les gardiens silencieux de notre ville. Les maisons sont construites dans leurs branches, en harmonie avec la nature. Rien n'est coupé ou détruit, tout est modelé pour préserver l'équilibre. »

Ari, les yeux brillants d'émerveillement, écoutait attentivement. « C'est incroyable. Et cette paix, comment est-elle maintenue ? »

Linuki sourit, une lueur de fierté dans les yeux. « Nous avons des rituels anciens et une profonde connexion avec la nature. Chaque elfe apprend dès son jeune âge à respecter et à protéger notre environnement. La magie que nous pratiquons n'est pas seulement pour la protection, mais aussi pour nourrir et guérir la forêt. Nous travaillons en symbiose avec les esprits de la nature. »
Ari hocha la tête, réfléchissant à ces paroles. « Je sens cette harmonie, c'est comme si la forêt elle-même veillait sur chaque habitant. »

À ce moment-là, le sourire de Linuki s'effaça légèrement. Ses yeux prirent une teinte plus sombre, et elle sembla se perdre dans ses pensées. « Ce n'a pas toujours été ainsi, Ari. Il y a une centaine d'années, cette forêt a été le théâtre d'une guerre terrible entre les elfes et les humains. »
Ari regarda Linuki avec surprise et inquiétude. « Une guerre ? Je n'aurais jamais imaginé un tel conflit ici. »

Linuki prit une profonde inspiration, ses souvenirs revenant avec une clarté douloureuse. « Oui, une guerre sanglante. Les humains, avides de ressources et de territoires, ont envahi notre forêt. La bataille a été féroce, et beaucoup de vies ont été perdues. J'étais une enfant à l'époque, et cette nuit-là a marqué ma vie à jamais. »

Elle se tut un moment, les images de la bataille défilant dans son esprit : les cris, le fracas des armes, la terreur pure qu'elle avait ressentie. « Ce n'est qu'après cette guerre que nous avons vraiment compris l'importance de la paix et de l'harmonie. Les anciens ont travaillé sans relâche pour reconstruire et protéger Ixali. Nous avons renforcé nos liens avec la nature et développé nos magies de protection pour éviter qu'un tel désastre ne se reproduise. »
Ari posa une main réconfortante sur celle de Linuki. « Je suis désolée que tu aies dû vivre cela, Linuki. Mais je suis heureuse que la paix soit revenue et que tu sois ici aujourd'hui pour veiller sur cette forêt. »

Linuki sourit doucement à son amie, appréciant son soutien. « Merci, Ari. La paix est précieuse, et c'est pour cela que nous devons continuer à la protéger. Il est important que nous n'oublions jamais les leçons du passé. »

Elles continuèrent à parler, partageant des histoires et des connaissances sur la forêt d'Ixali. Ari raconta également ses propres expériences, enrichissant leurs conversations de perspectives nouvelles. La connexion entre elles se renforçait, et avec elle, leur détermination à protéger leur monde.

Ainsi, sous l'ombre bienveillante des arbres ancestraux, une amitié naissait, promesse d'une alliance durable pour la protection de la forêt d'Ixali. Linuki et Ari, liées par la magie et le respect de la nature, se préparaient à affronter ensemble les défis à venir, chacune apportant sa force et sa sagesse à leur cause commune.

La nuit tomba doucement sur Ixali, enveloppant la forêt dans un voile de sérénité et de silence. Les étoiles scintillaient dans le ciel clair, et la lune projetait une lueur argentée sur les feuilles des arbres. Linuki et Ari étaient retournées à la maison de Linuki après leur conversation de l'après-midi. Ari, épuisée par les émotions de la journée, s'endormit rapidement sur son lit de mousse et de fleurs.

Linuki, cependant, restait éveillée, ses pensées hantées par les souvenirs évoqués plus tôt. Assise près de la fenêtre, elle regardait la forêt endormie, mais son esprit était loin, plongé dans les ténèbres de son passé. La tranquillité de la nuit contrastait cruellement avec les images violentes et douloureuses qui refaisaient surface.

Elle se souvenait du moment où elle avait été assommée par le soldat humain. La douleur fulgurante à l'arrière de son crâne, le monde devenant flou avant de sombrer dans l'obscurité. Lorsqu'elle avait repris conscience, elle se trouvait dans une cage sombre et étroite, ses mains et ses pieds liés par des chaînes lourdes.

Les humains l'avaient capturée et enfermée dans un campement rudimentaire en dehors de la forêt. Elle pouvait entendre les autres captifs elfiques autour d'elle, leurs murmures effrayés et leurs gémissements de douleur. Les gardes humains patrouillaient, leurs visages impassibles et cruels, veillant à ce que personne ne tente de s'échapper.

Linuki, encore faible et désorientée, avait appris peu à peu la terrible vérité sur leur sort. Les humains avaient découvert une vieille légende qui disait que les elfes possédaient la capacité unique de voir les morts avec leurs yeux. C'était une vision précieuse et redoutée, un pouvoir que les humains voulaient s'approprier.

Les captifs étaient soumis à des expériences cruelles, les humains essayant de percer le secret de leur vision. Linuki avait vu des amis, des membres de sa famille, souffrir sous les mains brutales des scientifiques humains. Leur douleur et leur désespoir étaient palpables, et chaque jour passé dans cette cage devenait un nouvel enfer.

Elle se souvenait particulièrement d'une nuit, froide et sombre, où un homme en robe noire, probablement un mage humain, était venu la voir. Ses yeux étaient vides de toute compassion, remplis seulement de l'avidité du savoir interdit.
« Toi, » avait-il dit en la désignant. « On dit que tu peux voir les morts. Montre-moi. »

Linuki, terrifiée et épuisée, avait refusé de répondre, ses lèvres scellées par la peur et le défi. Le mage, furieux, l'avait torturée avec des sorts douloureux, cherchant à la briser. Mais même dans sa souffrance, elle s'accrochait à l'espoir et à la détermination de protéger son peuple et leur secret.
Les souvenirs de ces jours sombres continuaient de tourmenter Linuki, même après cent ans. Elle savait que cette expérience avait façonné une grande partie de sa méfiance envers les étrangers et sa détermination à protéger Ixali. Ces blessures invisibles étaient profondes, et bien que le temps ait adouci la douleur, il n'avait pas effacé les cicatrices.
Les larmes coulèrent silencieusement sur ses joues tandis qu'elle se remémorait ces moments, mais elle les essuya rapidement, refusant de se laisser submerger par la tristesse. Elle se tourna vers Ari, endormie paisiblement, et trouva un peu de réconfort dans la présence de son amie.

Linuki se leva doucement, se dirigeant vers la petite table où étaient posées ses herbes et ses outils de guérison. Elle prit une profonde inspiration, décidée à transformer ses souvenirs douloureux en force. Elle savait que la paix actuelle d'Ixali était fragile et précieuse, et elle était prête à tout pour la protéger.

Avant de retourner se coucher, elle jeta un dernier regard à la forêt baignée de lune. Les arbres, silencieux gardiens de son passé et de son avenir, semblaient murmurer des promesses de protection et de renouveau.