11. Tout âge porte ses fruits

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Sursum corda !

°•.ʚ♡ɞ •°

Le Paradis lui était désormais fermé, Augustin ne le savait que trop bien. S'il en avait eu un avant goût avec Rafael au bord de la rivière, il allait maintenant falloir redescendre sur terre, et payer le prix de la tentation.

Et Dieu seul savait à quel point la chute serait douloureuse.

Crispé sur sa canne, il avait quitté le presbytère alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, s'arrachant à regrets à la douce étreinte de Rafael. Son bras enroulé autour de sa taille dans un geste protecteur, l'espagnol ne l'avait pas quitté de la nuit, la chaleur de sa peau l'accompagnant jusqu'au royaume des songes.

Le souvenir du baiser qu'il avait déposé sur son front à son réveil et du petit « Joyeux anniversaire, Padre » qu'il avait murmuré d'une voix ensommeillée commençait déjà à s'user tant qu'il l'avait tourné et retourné, symptôme fugace d'un court moment d'accalmie avant la venue de l'orage.

Car loin de cette chaleur sincère, le monde lui paraissait à présent morne et froid, la sensation glaciale qui pressentait les grands malheurs s'emparant peu à peu de son esprit à chaque nouveau pas qui l'éloignait de son homme.

Secouant la tête pour chasser ses idées noires, Augustin soupira avant de franchir le vieux portail qui bordait le jardin défraîchi de sa maison d'enfance.

Poing tendu, il n'eut pas besoin de frapper à la porte pour qu'elle ne s'ouvre d'un coup d'un seul, faisant apparaître la silhouette voûtée de sa mère sur le seuil. Avec un grand sourire, elle tendit les bras, déposant un baiser bruyant sur son front en s'exclamant :

- Je ne t'attendais plus, ma grenouille ! Que tu es beau comme cela !

Puis, reculant d'un pas, elle le contempla un instant, avisant sa tenue du dimanche : finie la chemise à col romain et la longue robe noire, Augustin avait troqué ses habits religieux pour une jolie blouse blanche et un pantalon sarcelle qui mettaient particulièrement en valeur ses yeux et ses cheveux pâles.

- Être en retard à son propre anniversaire, c'est comme cela que je t'ai élevé ?

Frottant son menton qu'il avait rasé de près pour l'occasion, Augustin adressa un petit sourire d'excuse à sa génitrice :

- Maman je-

- Garde ton bavassage pour ton église et ménage un peu ta vieille mère ! Elle l'interrompit avec un froncement de sourcils.

Puis, sans lui laisser le temps d'argumenter davantage, elle le saisit fermement par le poignet, son pas boitillant l'attirant dans l'obscurité de la maison. L'odeur du bois ancien et des tapisseries fanées envahit Augustin, teintée de la mélancolie toute particulière qu'ont les souvenirs d'enfance.

- Il est arrivé ! Annonça sa mère alors qu'ils pénétrait à sa suite dans la salle à manger exiguë.

Le reste de la fratrie Blanchard était déjà installée à table, avec l'air de ceux qui viennent d'apprendre une mauvaise nouvelle. Occupée à ronger ses pauvres ongles déjà bien abîmés, Gisèle salua Augustin avec un horrible sourire, les yeux écarquillés.

- Salut. Bon anniversaire grand frère. Elle grinça d'une voix un peu trop aiguë pour être sincère.

- J'étais en train d'expliquer à ta sœur qu'elle ne peut pas continuer à se promener avec ses horribles pantalons si elle souhaite un jour trouver un mari digne de ce nom ! Je l'ai encore surprise à fureter dans tes affaires !

Ah. Augustin saisissait mieux l'expression de sa petite sœur à présent.

- Et François qui s'accroche à sa paysanne dont la maison en ruines a failli coûter la vie de mes petits-enfants ! Non, non, vous filez tous un très mauvais coton !

Rebellis Fides (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant