Tempora si fuerint nubila, solus eris
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Quand Augustin, Ishem et Sara gagnèrent enfin les premières vignes, le soleil commençait déjà à décliner. Dans leur dos, la haute silhouette du clocher de l'église du village s'effaçait peu à peu, engloutie par la brume et l'obscurité de la nuit.
Appuyé sur son bâton de marche - celui qu'il utilisait au quotidien avant que François ne lui trouve une canne digne de ce nom à la ville - Augustin enjamba une pierre moussue, levant la tête pour observer brièvement les coteaux qui leur faisaient face. Sur la roche brune, le soleil commençait lui aussi à se faire pâle, plongeant le roc de la montagne dans les ténèbres.
— On arrive bientôt ? Demanda Ishem à voix basse, son souffle légèrement haché à cause de l'effort.
Les chaussures encore trempées par la traversée de la rivière, les jambes malingres du petit garçon tremblaient légèrement, son pas hésitant se calquant sur celui d'Augustin. Plus haut sur les roches, Sara ouvrait la marche, sa grosse veste de chasse empruntée à François la faisant ressembler à un petit lutin forestier.
Augustin prit une petite inspiration avant de répondre ; sa jambe engourdie par la piqûre de morphine effectuée quelques heures plus tôt ne lui donnait pas le luxe de pouvoir quitter le chemin des yeux trop longtemps - une glissade dans le ravin n'aurait pas été bienvenue :
— C'est tout là-haut. Il murmura doucement. Mais dès que nous serons sortis des vignes, on fera une pause pour boire.
Ishem sembla se satisfaire de la réponse, hochant la tête avant de le prendre par la main, suivant ses pas comme une petite ombre. Sa sœur, toujours perchée plus haut, reprit elle aussi son rythme, sa petite silhouette disparaissant parfois dans le relief des plantations.
Quand ils atteignirent enfin le sommet des vignes, le soleil avait fini sa course derrière l'horizon, ne laissant dans son sillage qu'un ciel indigo piqueté d'étoiles. Entre les arbres de la forêt qui s'épaississait peu à peu, les murmures des animaux étaient venus tapisser l'atmosphère ; le reflet rouge d'yeux sauvages apparaissait à intervalles régulières entre les troncs, comme pour prendre des nouvelles.
Après plusieurs heures passées dans la rocaille des vignes, le tapis d'aiguilles de pin au sol était plus doux, plus silencieux et les roches avaient cessé de craquer sous leurs pas. Quelques kilomètres et ils arriveraient sur le haut versant de la montagne - marquant la fin de cette randonnée surprise qui donnait du fil à retordre à notre pauvre Augustin dont la jambe n'était finalement pas si anesthésiée que cela.
Un croissant de lune timide les accueillit sur le sommet de la crête, illuminant enfin le paysage obscur et la petite silhouette d'Ishem qui menait à présent la petite compagnie, revigoré par la pause qu'ils avaient marqué avant de s'enfoncer dans la forêt.
Soudain, alors qu'elle avait jusque là marché sans se plaindre ni s'interrompre, Sara se stoppa net.
Son petit frère, trop concentré sur son ascension qu'il rythmait par de petites comptines fredonnées à voix basse, ne remarqua pas immédiatement son immobilité, poursuivant sa route jusqu'à disparaître dans l'ombre.
Une chouette hulula.
Augustin se figea à son tour.
— Sara... Qu'est-ce qu'il y a ? Il murmura.
La petite avait levé la tête vers le haut de la montagne, ses grands yeux noirs brillant sous la lune. La rejoignant en une dizaine de pas, Augustin plissa les yeux, essayant de discerner ce qui avait bien pu la faire s'immobiliser ainsi, elle qui menait le cortège jusqu'alors...
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Rebellis Fides (MxM)
RomanceFrance occupée, 1941. Médecin devenu prêtre pour dissimuler son homosexualité, une rencontre inattendue avec un résistant communiste risque de chambouler l'ordre établi... °•.ʚ♡ɞ •° Médecin retiré à la suite d'une blessure de guerre, Augustin n'a ja...