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 Il avait passé toute la journée à ruminer cette idée. La Black-Knight Zero, sa console personnelle, trônait tristement sur son bureau, une machine d'un noir chromé déprimant avec des articulations d'un rouge écarlate agressif. De retour chez lui, sa veste jetée négligemment sur le lit, il s'installa dans son fauteuil climatisé avec un soupir las, connectant le câble de son terminal à la prise occipitale. Un bref clic suivi d'une vibration agaçante à l'arrière de son crâne indiqua que son processeur neuronal était bien relié. Le vieux générateur Honda, alimentant la machine via un adaptateur bon marché acheté sur Neptunis, émit une lueur bleue blafarde, signalant que l'heure de l'immersion approchait. Son doigt pressa le bouton de démarrage pendant trois longues secondes, avec une pointe d'agacement, et soudain, son corps se relâcha, les glyphes flottant devant ses yeux annonçant une entrée forcée dans un autre monde qui le rebutait de plus en plus.

D'abord, des particules bleutées dérivèrent devant ses yeux, mais plutôt que de l'émerveiller, elles le dégoûtèrent. Une chaleur désagréable envahit son crâne, se propageant lentement à travers son corps, lui donnant l'impression d'être pris au piège. Un premier frisson de malaise le traversa, suivi d'une nausée tenace. Sa mâchoire se contracta tandis qu'il tentait de respirer profondément pour calmer l'agitation de son estomac. Un second frisson de dégoût suivit, puis son corps fut secoué de convulsions involontaires. L'instant d'après, le vide s'imposa.

Dans cette mer virtuelle, les flux de données résonnaient comme une cacophonie insupportable, une danse confuse de zéros et de uns frappant son esprit avec brutalité. La première "inspiration" dans cet espace numérique était devenue une agression pour ses sens. Chaque douleur physique semblait s'évaporer, certes, mais cela laissait place à un vide encore plus angoissant, son corps se dissolvant dans une sensation d'abandon et de perte. Les vagues du Voile l'engloutirent à contrecœur, les informations s'imposant à lui de façon oppressante, comme un cauchemar fait de pixels et de codes. Sa perception s'étendait, mais il ne ressentait aucune excitation à cela, juste un écœurement grandissant. Il n'était plus un explorateur, mais un simple naufragé dans l'immensité du cyberespace.

Les structures lumineuses des systèmes informatiques lui apparaissaient comme des formes absurdes, incompréhensibles, bourrées de données dénuées d'intérêt. Tout cela lui paraissait vide de sens. À ce stade, son esprit refusait de s'investir dans quoi que ce soit. Les limiteurs de sa machine constituaient la seule barrière entre lui et une surcharge neurale qui, à bien y penser, aurait peut-être été préférable. Petit à petit, le chaos numérique prenait forme, mais il ne voyait en cela qu'un enchevêtrement d'informations dénuées de toute beauté. Les cités de lumière s'élevaient, ces "Sphères" comme il les appelait, chacune représentant un serveur, mais il n'y trouvait plus aucune fascination.

L'illusion collective de la matrice se dévoilait, mais elle ne provoquait en lui qu'une profonde lassitude. Il filait à travers cet univers de données fusionnant en une entité unique, sans but ni envie. Contempler les algorithmes n'était plus qu'une habitude mécanique, les motifs imprévisibles qu'ils formaient le laissaient de marbre. DownB4d ne ressentait plus aucun plaisir à la vue de ces codes complexes, qui lui semblaient désormais dépourvus de la moindre poésie.

Le netrunner n'eut même pas le cœur à ressentir la moindre montée d'adrénaline. Il ajusta la vitesse de sa machine, réduisant le débit de données à deux pétaoctets par seconde, mais cette fois, aucun frisson d'excitation ne vint. « Putain, c'est pathétique », murmura-t-il en se forçant à rester concentré. « Maintenant, faut que j'aille fouiner un peu, je suppose. » Quelques semaines plus tôt, en espionnant les abords de la forteresse de données de Zulum, il avait détecté des anomalies qui, à l'époque, l'auraient intrigué. Maintenant, cela ne provoquait plus qu'une vague indifférence. Quelque chose ou quelqu'un rôdait dans les eaux de Charlatown, mais même ce chaos subtil ne l'intéressait plus vraiment. Cela ne ressemblait à rien de ce qu'il avait vu auparavant, mais peu importe. S'il poursuivait ces traces, c'était simplement parce que les Oni's le payait à le faire.

ATARAKUSHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant