(RE)CONNAISSANCE

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 Le froid tranchant de Dubstown s'infiltrait jusque sous les fibres élimées de la tenue qu'Eagle avait récupérée, pièce par pièce, en fouillant dans une armoire métallique à la recherche de loques qui cacheraient le statut aisé de son enveloppe. Son logement se trouvait être dans les hauteurs qui surplombe la ville, et s'il voulait trouver une boutique d'armement qui ne trace pas ses armes, il allait devoir se rendre au cœur de la cité des morts. Les tissus rêches, aux teintes délavées, se fondaient parfaitement dans le gris aggressif des ruelles et dans le rouge fade du pavé ternis par des projections de lumière artificielle fatiguée. Dubstown était une cité déliquescente, prise dans un hiver infini, où le ciel, dense et saturé par les déjections d'usines, écrasait les buildings encrassés de particules toxiques. Les rares lampadaires holographiques crépitaient, projetant des halos incertains et fluctuant dans le brouillard lourd, tandis que les néons usés, faute d'entretien, clignotaient en saccades, dessinant des ombres qui s'agitaient comme des spectres dans chaque recoin.

Les bâtiments, massifs, étaient d'anciens gratte-ciels recyclés, leurs façades noircies par des années de pollution industrielle et parsemées de panneaux numériques inopérants. Les fenêtres brisées, condamnées par des matériaux improvisés, laissaient deviner des intérieurs plongés dans une obscurité glacée, des espaces d'une misère que plus personne ne cherchait à dissimuler. Partout, Eagle distinguait des formes, des gens pressés, engoncés dans des vêtements de survie synthétiques, qui semblaient pourtant inutiles face au froid pénétrant du quartier. Des visages tirés, inexpressifs, parcouraient les rues, jetant des regards furtifs au mercenaire, aussi méfiants que lui. Des enfants aux visages creux erraient le long des murs, entourés de publicités projetées sur la surface des immeubles, les yeux perdus dans des hologrammes de plats, de véhicules et de futurs inaccessible.

En cherchant une boutique d'armes, Eagle se frayait un chemin dans un labyrinthe de ruelles, glissant sur des pavés mouillés de pluies acides, alors que des vapeurs industrielles s'échappaient des bouches d'égouts. Les rares échoppes ouvertes avaient leurs devantures obscurcies et les vitrines renforcées de grilles métalliques rouillées. Un bar, éclairé d'un néon rouge défectueux, laissait échapper un son de rock lourd et métallique, tandis qu'une odeur de distillats bon marché flottait dans l'air saturé. Des restes de seringues jonchaient le sol et les cannettes vides s'amoncelaient contre les murs, traçant un chemin presque rituel vers un quartier qui se distinguait comme un ovni : New-Mundo.

Là-bas, au centre de Dubstown, s'élevait une enclave étrangement colorée, un quadrillage étincelant d'immeubles aux façades de verre trempé et d'acier poli, abritant les résidences des dirigeants des usines locales et des grosses têtes de la cité. Cet endroit resplendissait d'enseignes néons vives et dynamiques, affichant des couleurs vibrantes qui contrastaient violemment avec le gris étouffant du reste de la ville. Des drones de surveillance volaient en cercle, et des barrières lumineuses, émettant une lueur d'execution, entouraient le quartier, repoussant quiconque n'était pas équipé de l'accès requis. Les voitures autonomes glissaient silencieusement entre les tours, où le sol était immaculé et balayé par des unités robotisées, entretenu jusque dans ses moindres détails pour donner l'illusion d'un havre prospère et hors du temps.

Eagle savait que le district industriel, saturé de ruines métalliques, l'entourait toujours, mais ici, tout semblait trop net, artificiel, clinquant. En poursuivant sa quête, il ne pouvait s'empêcher de jeter un coup d'œil furtif vers cette enclave, tel un mirage sinistre de pouvoir et de richesse dans une ville qui, pour les autres, n'offrait rien d'autre qu'un froid dévorant et une existence suspendue.

Ses yeux fouillaient les environs, à la recherche d'un signe, et enfin, quelque chose accrocha son regard : une enseigne bringuebalante, clignotant faiblement dans une lumière jaunâtre, comme si elle peinait à attirer qui que ce soit. Spécialités – Armes et Gadgets, indiquait-elle, dans une police gribouillée et presque effacée par le temps.

ATARAKUSHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant