Ces rancœurs qui nous séparent

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Trois semaines plus tard, appartement de Mlle Ardley.

Candy s'échoua dans le canapé aux côtés d'Annie, chassant une boucle échappée de son chignon en soufflant dessus. Une tentative aussi foireuse qu'inutile. Ces essayages à répétition étaient plus épuisants -nerveusement parlant- qu'une réunion avec le conseil d'administration. Ou une entrevue avec Terrence.

« Si tu ne vas pas à la cabine d'essayage, la cabine d'essayage viendra à toi ». Un nouvel adage de son cru mais ô combien de circonstance. Son appartement avait été ponctuellement envahi, s'apparentant au Q.G d'une armée sur le point de mener une bataille décisive. D'abord la partie « vêtement » puis la partie « maquillage et coiffure ». Les deux équipes opérant désormais de concert afin d'harmoniser « le produit », comprenez la jeune femme qui se massait à présent les tempes. Jamais, se préparer pour une soirée n'avait été aussi contraignant, aussi... chiant. Le bal de terminale en compagnie de Chad ou les soirées organisées par les Ardley ressemblaient à côté à de la gnognotte. Quant à la responsable de ce cauchemar en forme « d'essayage sans fin » ? Elle sirotait avec componction du champagne, offert gracieusement par la société avec laquelle elle avait sous-traité.

― Ça valait le coup, tu vas être sensa-tio-nnelle. Serge est formel sur ce point.

Candy réprima l'envie de lui grogner dessus, de l'asticoter dans l'unique but d'évacuer son exaspération. Son amie -en dépit d'un maquillage soigné- était marquée par l'exténuation et le stress. La femme à la chevelure de jais, qui avait sacrifié une bonne partie de ses longueurs dont elle était pourtant si fière, avait également perdu du poids. Déjà qu'elle n'était pas épaisse. Ses clavicules ressortaient plus qu'ordinairement. Quant à ses biceps -si tant est qu'elle en ait eu un jour- ils semblaient avoir fondu. Candice avait été épouvantée lorsqu'elles s'étaient revues le lendemain de sa culbute au chantier. Parce que la pointilleuse organisatrice du gala de l'entreprise Grandchester était bien Mlle Brighton. Son intuition s'était avérée exacte.

Une Mlle Brighton, angoissée et craintive, qui n'avait connu l'identité de l'invitée mystère du P.D.G que tardivement, lorsque ce dernier était passé à son agence pour récupérer un carton d'invitation vierge.

― J'te jure que je ne te mens pas, j'ignorais vraiment que c'était toi. J'ai présumé que Mr Martin, ton patron, était cet invité. Pour clarifier les choses, je n'ai même pas su tout de suite que M. Grandchester parrainait ta maison d'accueil. Je n'ai pas franchement eu le temps encore moins l'envie de suivre les infos ces derniers temps. Quand il m'a, par la suite, parlé de vous inclure au gala, je me suis dit que c'était juste une coïncidence. J'étais juste super heureuse pour toi. Après, je ne pouvais rien te dire, j'avais même trop les chocottes de t'avoir au téléphone et faire une gaffe. C'est pour ça que je refusais de prendre tes appels. Tu comprends ? J'avais -dès le commencement- signé une convention de confidentialité avec lui. Il avait été très... explicite sur le sujet. « Aucune fuite ne sera tolérée, sous peine de résiliation du contrat avec perte et fracas pour votre agence », avait-elle cité, en imitant très mal le phrasé de son client. Ce type est, entre parenthèse, super intense. Je plains ses employés. Et puis comment aurais-je pu faire le lien entre lui et toi ? Tu ne m'avais jamais parlé de votre rencontre à Londres, que vous étiez amis. Non pas que cela aurait changé quelque chose. Ce contrat est l'opportunité que j'attendais pour asseoir ma notoriété. Tu m'en veux pas, hein ?