L'inaccessible

12.

MAINTENANT

Léana

- Il n'y a pas Diego ? Je demande à Mathéo, surprise, qu'il ne soit pas avec nous.

- Non, il finit à midi, il viendra après.

  Aujourd'hui, Dania a décidé de manger avec d'autres copines et son copain Francis.

Je me retrouve donc à manger en tête-à- tête avec Mathéo. Je ne sais pas si cette idée me plaît. Car même si Mathéo et moi avons mis le mot "couple" sur notre relation. Nous n'en sommes pas un. Un couple se soutient, parle, s'embrasse.. mais je n'en ai pas envie. Ou de moins... pas avec lui.

  Je ne sais pas quoi dire et apparemment lui non plus, ce qui devient assez gênant.  Un blanc s'installe entre nous jusqu'à ce que je dise la seule chose qui me vient en tête.

- Tu penses que Diego l'a mal pris ?

Il comprend tout de suite à quoi je fais allusion et me dit d'un ton désagréable :

- Diego, Diego, Diego ! Depuis qu'il est revenu, j'entends que ça. Déjà, de toutes les autres filles. Et maintenant tu t'y mets aussi...

Offusquée par ce qu'il vient de dire, je commence à répondre énervée :

- Mais ce n'est p... Il me coupe pour dire

- Et Diego par ci, et Diego par là. Changez de disque un peu.

Putain, il m'agace ! Je ne parle pas que de lui ! Et d'ailleurs même si j'en parlais, je n'ai pas la même relation avec lui que toutes les autres filles qui en parlent.

Finalement, je décide de faire abstraction car de toute façon je n'aurai pas gain de cause avec lui.

  Mais il continue :

- Diego t'aimais probablement avant de partir en Espagne mais, dans tout les cas tu ne l'aimais pas ?

- Oui.

- Je n'aime pas la complicité que vous avez tous les deux.

Il commence à être jaloux, ça y est.

- Je ne sais pas où tu vois de la complicité entre nous, toi. Dis-je dans un rire.

- Qui aime bien châtie bien, comme on dit.

   Après ça, plus aucun de nous ne parle. Une fois qu'il a terminé de manger, je le vois se lever et mettre sa veste, signe qu'il va partir.

- Tu comptes me laisser finir de manger toute seule ?

- Non.

J'ai eu peur. J'ai cru que c'était le plus gros des abrutis.

- Tu vas me suivre. Il poursuit.

Abrutis.

  Pardon ? Il a cru que j'étais son chien ou quoi ? Il se prend pour qui ?

- Non, je n'ai pas fini de manger. Et ce n'est pas parce que t'as décidé qu'on allait sortir de la cantine qu'on allait en sortir tous les deux !

- T'es trop lente à manger aussi.

C'est toi qui vas trop vite, abruti !

- T'es pas sérieux, j'espère ?

  Il me tourne le dos et s'en va. Je rêve, je crois. Il vient vraiment de tourner le dos à Léana Herrera !

  Je continue de manger seule ! Enfin, je ne mange pas vraiment, je plante juste ma fourchette dans le poisson qui m'a été servi dans mon assiette quelques minutes plus tôt. Je n'ai même plus faim. Mais je reste dans cette cantine car si je sors, ce serait avoir en quelque sorte donné raison à Mathéo. C'est rien si je reste seule encore quelques minutes.

Je vois Diego arriver dans la cantine.
  Quand il tourne la tête vers moi, je le vois froncer des sourcils. C'est vrai que je n'ai pas pour habitude d'être seule. Je suis toujours accompagné. Il vient s'installer  face à moi et me dit :

- Si je viens manger avec toi, c'est seulement parce que j'ai de la peine pour toi. Comment ça se fait que tu es toute seule ? Il est où ton mec ?

Je souris légèrement, ça y est, il va commencer à avoir pitié. Et c'est tout ce que je déteste. Voir de la pitié dans les yeux des gens. Même si là, j'ai plutôt l'impression que c'est une excuse pour venir manger en face de moi.

- Mon mec ! Comme tu dis, ne m'attends pas parce que je suis apparemment trop lente pour manger !

  Il grimace.

- Aïe.

Diego

- Aïe, comme tu dis ! Alors, essaie de ne pas me faire chier ce midi s'il te plaît. À moins que tu veuilles que je te déteste ?

Me détester, c'est impossible.

- Tu n'arriveras jamais à me détester, Herrera.

- Tu en es sûr ?

Je hoche la tête, j'espère qu'on en arrivera jamais là.

Je finis par remarquer qu'elle n'a quasiment pas mangé. Tout ce qu'elle fait est de planter sa fourchette dans son poisson avec des gestes agacés. Et vu l'état de son poisson, ça fait un moment que ça dure.

- Tu ne manges pas ?

- Je n'ai plus faim. Elle grimace.

Alors même que je n'ai même pas touché à mon assiette, je m'entends lui proposer :

- Et si on sortait de cette cantine ?