Tensions [G.R x L.H]

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(Dans cette histoire, ils ne sont pas pilotes de F1 mais ingénieurs)

——

La journée commence comme toujours. À mon bureau, entouré de feuilles, de croquis et de modèles 3D, j’analyse les dernières données techniques du projet. Ça pourrait être passionnant, mais un certain climat gâche tout… Je sens déjà cette ombre, cette tension qui flotte dans l’air. Et je sais que Lewis ne tardera pas à arriver pour une énième dispute.

À vrai dire, je n’ai même plus le souvenir de comment tout cela a commencé. Entre nous, c’est une guerre froide qui ne connaît pas de trêve.

Lewis est mon partenaire de projet, et rien ne va jamais. Pas un seul détail technique, pas un choix de matériau, pas un calcul qui lui convienne. Ses critiques sont parfois à la limite du mépris, et ça m’atteint plus que je ne voudrais l’admettre.

Je me tourne, essayant d’ignorer cette sensation de froid dans ma poitrine, mais ses pas claquent sur le sol, et je sais qu’il est là.

- Russell, tu es encore en train de revoir ce plan ? On en a déjà discuté dix fois. C’est juste une perte de temps, comme tout ce que tu fais.

Je serre les dents. Je respire un coup. Rien ne change : c’est la même rengaine.

- On a tous les deux validé cette idée, Lewis, dis-je, le ton maîtrisé, mais les mains crispées.  Ce n’est pas une perte de temps, c’est la précision.

Il éclate de rire. Pas un rire léger. Non, c’est un rire méprisant, celui qui coupe comme une lame.

- De la précision ? Oh, c’est ça ? Toi, précis ? Non, George, tu n’es qu’un mec chelou, et franchement, c’est embarrassant.

Sa voix me frappe, comme un rappel de tout ce qui me blesse depuis des semaines. Pourtant, mes collègues autour regardent ailleurs, comme s’ils avaient l’habitude de cette scène… ou qu’ils la préféraient à tout autre problème.

Mes mains tremblent malgré moi. Je veux dire quelque chose, riposter, mais les mots me manquent. Ce que je ressens est… trop pour moi. Ce n’est pas que de la colère. C’est une tristesse qui me prend à la gorge, un poids que je ne peux pas contrôler.

Je m’éloigne, quittant le bureau pour me réfugier dans une salle vide. Là, je laisse les larmes couler, en silence. C’est insensé, de pleurer pour ça… pour lui. Je ne comprends même pas pourquoi ça me touche autant.

Puis, un jour, tout bascule. Je travaille seul sur un modèle complexe, une version qui pourrait enfin aboutir, et comme d’habitude, Lewis débarque. Il pose un regard rapide sur mon travail et ricane.

- C’est quoi, ça ? Sérieusement ? Même un gamin ferait mieux.

Sa remarque s’insinue dans ma tête comme un poison. Et, pour la première fois, je réponds sans filtre.

- Si tu es si parfait, alors fais-le toi-même, Lewis. À croire que tu vis seulement pour me rabaisser, et je commence à en vraiment marre

Son sourire se crispe.

- Quoi, tu penses être victime, maintenant ? Peut-être que si tu faisais les choses correctement, il n’y aurait pas de problème.

- Assez !  dis-je, ma voix plus forte que je ne l’aurais cru. Tu as toujours quelque chose à dire, mais tu n’es même pas capable de reconnaître le travail des autres. Tu fais tout pour que je me sente incapable, et tu y arrives. Bravo, Lewis.

Je sens mes yeux brûler, mais je refuse de pleurer devant lui. Pourtant, ses mots me frappent encore plus fort.

- Oh, pauvre George. Tu veux que je te prenne en pitié ? Laisse-moi rire. Tu es pitoyable, voilà ce que tu es.

Et puis il ricane. Encore. Cette fois, c’est trop. Les larmes coulent malgré moi, et je détourne le regard, rempli de honte. Mais il ne s’arrête pas là. Il continue de me rabaisser, me poussant au bord du gouffre, sans un soupçon de remords.

Finalement, je sors en trombe de la pièce, le cœur brisé.

Plusieurs jours passent après cette dispute, et quelque chose en moi se brise. Une tristesse sourde, une colère que je n’arrive pas à chasser. Pourquoi me fait-il ça ? Quel plaisir peut-il bien tirer de me voir souffrir ?

Je retrouve Alex et Lando, mes deux amis de toujours, pour essayer de me changer les idées. Mais même eux peuvent voir à quel point ça me ronge.

- George, il faut que tu fasses quelque chose. Tu ne peux pas continuer à te laisser faire comme ça,  me dit Alex.

- Ouais, Alex et moi, on est là pour toi. N’oublie pas ça,  ajoute Lando.

Ils essaient de m’apaiser, mais au fond, je sais que ça ne suffit pas.

Un soir, je tombe sur une vieille photo. Une photo de lycée. C’est là que tout me revient. Lewis et moi… nous étions amis autrefois, bien plus que de simples camarades. Il était même mon meilleur ami. Puis un jour, tout a changé. Je ne sais même plus pourquoi, mais il s’est retourné contre moi. Il a réussi à convaincre tout le monde de me tourner le dos, et j’ai vécu des années de solitude à cause de ça. À cause de lui.

Le lendemain, je décide de lui parler. Pour la première fois, j’ai besoin de réponses. Lewis, cette fois-ci, ne semble pas s’y attendre. Je m’approche de lui, la voix tremblante mais déterminée.

- Pourquoi ?  Je lui demande, sans préambule.

Il fronce les sourcils, et son sourire s’efface.

- Pourquoi quoi ? répond-il avec agacement.

- Pourquoi tu me traites comme ça, Lewis ? On était amis, autrefois. Tu te souviens ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?

Il détourne le regard, comme si quelque chose dans mes mots l’avait touché. Pendant un instant, je crois apercevoir une lueur de regret dans ses yeux. Mais il la chasse rapidement, secouant la tête.

- Ce n’était rien. Juste… laisse tomber, George.

- Non, je ne peux pas. Pas cette fois.

Il hésite, puis finalement, les mots lui échappent.

- Peut-être que… je ne savais pas comment gérer tout ça. Je ne sais même pas pourquoi je t’en veux encore,  admet-il, sa voix à peine un murmure.

- M'en vouloir ? C'est pas plutôt l'inverse ?

- Je suis désolé.

- C'est facile. Tu choisis la facilité. Pourquoi tu faisais ça ?

- Pour l'argent. Je voulais aider mon père qui travaillais comme un dingue pour moi.

Le silence qui s’ensuit est lourd, mais différent. Pour la première fois depuis des années, je vois l’humanité derrière ses yeux. Il baisse les yeux, comme s’il ne savait plus quoi dire, et soudain, je comprends que nous sommes tous les deux aussi perdus l’un que l’autre.

- Peut-être qu’il est temps de laisser le passé derrière nous,  dis-je doucement.

Lewis hoche la tête, et pour la première fois, il ne réplique pas. C’est un début, un premier pas vers quelque chose de nouveau, et bien que je ne sache pas ce que l’avenir nous réserve, je me surprends à espérer que tout cela n’était pas qu’un simple affrontement.

OS F1 (multiship)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant