Le premier [M.V x C.L]

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( Dans cette histoire, ils sont journalistes)

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En tant que journalistes, Max et moi avons toujours joué à un jeu risqué. Depuis que nous sommes entrés dans ce métier, c'est comme une course continue, celle qui se déroule chaque jour en coulisses, entre deux rivaux qui ne s'avoueront jamais tout à fait leurs forces, mais qui se respectent malgré tout.

Cela fait trois ans maintenant que nous nous retrouvons chaque semaine en conférence de presse ou sur les lieux de reportages qui nous amènent parfois au bout du monde. Max travaille pour une agence d'investigation renommée, tandis que moi, je suis dans un grand quotidien. Il ne rate jamais une occasion d'avoir le scoop, et je dois admettre que ça m'agace autant que ça m'impressionne. On a une rivalité bien à nous, marquée par cette étincelle d'adrénaline et d'ambition.

Mais malgré cette compétition, lui et moi avons construit une amitié qui, de l'extérieur, paraît presque improbable. Parfois, après une journée de travail où on a tous les deux échangé des regards lourds de rivalité, on se retrouve dans un petit café de la ville, où le jeu de la compétition s'efface un peu. Là, on rit, on discute de tout sauf du boulot. C'est comme si on entrait dans un espace de neutralité, et, sans trop le dire, je crois qu'on apprécie ça.

L'affaire commence au printemps, quand nous sommes envoyés tous les deux couvrir une série de scandales financiers qui secouent la région. Ce genre de sujets, Max et moi le savons, peut faire ou défaire une carrière de journaliste. Mon rédacteur en chef, Carlos, me met une pression immense pour être le premier à dévoiler l'histoire. Et bien sûr, Max est aussi sur le coup, avec la même ambition de décrocher le scoop.

Ce soir-là, dans un café de Monaco, on se retrouve pour partager quelques confidences - mais bien sûr, avec retenue, car la concurrence est toujours là. Max semble plus nerveux que d'habitude. Son visage est tendu, ses mains légèrement tremblantes. Quand je lui demande si tout va bien, il répond évasivement en jouant avec sa tasse de café.

Je ressens une vague de frustration. Depuis quelques jours, cette enquête me tient éveillé toute la nuit, et pour une fois, je m'attendais à trouver en Max un allié, quelqu'un qui comprend cette pression insoutenable. Mais non, Max reste dans son monde, renfermé. Ce silence entre nous semble s'installer durablement, même quand on parle d'autres sujets.

Quelques semaines plus tard, alors que notre enquête avance, j'apprends que Max a publié un article en première page, un scoop énorme sur notre sujet commun. Mes supérieurs ne cachent pas leur déception et me font comprendre que j'ai échoué. Frustré, je sors du bureau en trombe et, comme par réflexe, je l'appelle pour l'affronter.

Il décroche, et sa voix est presque désolée, mais je ne suis pas d'humeur à écouter.

- Alors, Max, bravo pour ton coup de maître, je suppose. Tu devais bien te réjouir de me devancer comme ça ?

Son silence me surprend. Il finit par murmurer, presque à regret :

- Ce n'est pas comme ça que ça se passe, Charles. On fait juste notre travail. On est pas dans une cour de récréation.

Je voudrais répliquer quelque chose de cinglant, mais je m'arrête. Depuis quelques mois, j'ai cette sensation étrange que quelque chose cloche chez lui, qu'il porte un poids qu'il refuse de partager. Et ce soir-là, je sens cette fragilité presque douloureuse, comme une fêlure.

Un soir, après une conférence de presse, nous nous retrouvons dans un bar, entourés d'autres journalistes. Max est là, mais il est encore plus silencieux que d'habitude. Alors que la soirée avance, il finit par s'isoler à l'extérieur. Intrigué, je le rejoins.

- Max, ça va vraiment ? Depuis des mois, je te sens distant. Tu peux tout me dire, tu le sais, non ?

Il me regarde, un éclat de tristesse dans les yeux. Il hésite, puis finit par avouer à demi-mot :

- Mon père... Il est... disons... exigeant.

Je comprends soudainement. Je devine ce que ça peut représenter. Ces blessures invisibles, cette pression, ce besoin de toujours être le meilleur. Ça me frappe, et pour la première fois, je réalise combien nous avons en commun, au-delà de cette rivalité.

Je pose une main sur son épaule, un geste simple mais plein de signification.

- On fait tous des erreurs. Personne ne mérite de porter ce poids tout seul.

Dans les mois qui suivent, notre amitié évolue. Max et moi, on commence à se confier un peu plus. On parle de nos enfances, de nos rêves, de nos peurs. Ce que je découvre est aussi surprenant qu'apaisant. Derrière ce masque d'assurance, Max a ses propres vulnérabilités, ses propres doutes.

Au bureau, les choses changent aussi. Notre rivalité n'a pas disparu, mais elle est plus douce, plus respectueuse. On apprend à coexister, à se soutenir malgré la compétition.

Un soir, après une journée de travail éreintante, je l'invite chez moi. On partage des rires, des souvenirs, et je ressens pour la première fois que cette amitié, cette alliance entre nous, va au-delà du jeu et des masques. C'est quelque chose de rare, de précieux.
Je ne pense pas que ce soit seulement de l'amitié, en tous cas, pas de mon point de vue.

OS F1 (multiship)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant